2023 : l’année du grand paradoxe en tourisme
Afin de préparer ce dossier spécial sur les tendances 2023 en tourisme, vous n’avez pas idée du nombre d’articles, de rapports et d'études qu’on a consultés. Ce fut un processus fort instructif.
Sauf que…
J’en discutais avec divers collaborateurs, amis et proches durant les Fêtes. J’en ai également jasé avec Joanne Beaulieu, éditrice de TourismExpress. Et le constat qu’on se fait… c’est que ce sera compliqué, en 2023.
Le tourisme et l’industrie du voyage risque ainsi de ressembler un peu aux fameux Mini-Wheats. Vous savez, ces céréales de blé à deux côtés, un au naturel (quel ennui) et l’autre givré (miam, miam!)?
Bref, on souffle le chaud et le froid quand on regarde dans notre boule de cristal pour la prochaine année. Pas simple de prévoir comment se comportera le consommateur en 2023!
Les signaux positifs
D’une part, plusieurs indicateurs pointent vers des jours meilleurs. La firme STR et le milieu hôtelier québécois rapportaient récemment des performances (taux d’occupation, ADR) en novembre et décembre 2022 à la hauteur, voire surpassant ceux de 2019, année record avant la pandémie.
Du côté des aéroports et du transport aérien, malgré les ratés de l’été 2022 et du plus récent temps des Fêtes, la confiance est au rendez-vous. On estime même que le trafic de 2019 devrait être revenu d’ici la fin 2023, selon l’avis de plusieurs experts.
Plus important encore, le désir de voyager est plus fort que jamais. Surtout chez les plus jeunes, âgés de 30 ans et moins. Le phénomène du revenge travel est bien réel, comme on l’a vu en 2021 et 2022 surtout, avec les bureaux de Passeports Canada pris d’assaut d’un océan à l’autre!
Le plus récent rapport du groupe Expedia sur les tendances 2023 en tourisme évoque d’ailleurs le retour aux fameuses «bucket lists», ces désirs exprimés sous forme d’expériences uniques et/ou de destinations qu’on veut cocher dans une liste! Aussi, le consommateur souhaite plus que jamais se ressourcer, changer d’air et rattraper le temps perdu avec famille et amis.
Les signaux négatifs
D’autre part, malheureusement, il y a une pléthore de mauvaises nouvelles. Par où commencer?
En 2022, on aura parlé plus que jamais de la pénurie de main-d’œuvre et celle-ci est appelée à continuer, si ce n’est empirer au cours de la prochaine année. Il s’agit sans contredit d’un frein majeur, si ce n’est LE plus gros frein pour la plupart des PME de l’industrie touristique. De l’hébergement à la restauration, en passant par les transporteurs et les attraits, tout le monde écope!
Un autre gros nuage est celui de l’inflation frénétique que l’on vit depuis plusieurs mois et qui mènera, selon toute vraisemblance, à une récession. Voyager est un poste budgétaire discrétionnaire qui est plus à risque, quand on peine à payer l’hypothèque (taux d’intérêt en hausse), faire l’épicerie ou mettre de l'essence dans la voiture!
Source : Groupe Expedia, 2022
On observe cette préoccupation de manière très claire dans le dernier rapport d’Expedia, paru en décembre 2022. Le consommateur recherche plus que jamais des prix exceptionnellement bas, dorénavant, avant de réserver un voyage, un facteur qui était tombé en 3e position en 2020 et 2021, pendant la pandémie.
Sur la scène internationale, on devra continuer de suivre ce qui se passe avec la guerre en Ukraine, avec les conséquences que l’on sait sur le continent européen, compte tenu des ressources énergétiques contrôlées par la Russie, entre autres. Comment la destination québécoise saura tirer son épingle du jeu dans un environnement compétitif, et surtout avec un prix exorbitant pour les liaisons aériennes trans-océaniques?
Enfin, un dernier facteur à considérer pour notre industrie touristique au Québec: la fatigue de nos entrepreneurs. Plusieurs ont tenu leur organisation à bout de bras au cours des trois dernières années. Mais avec la disparition de plusieurs programmes gouvernementaux de subventions et des prêts qui viennent à échéance, la situation risque de rapidement devenir insoutenable. Combiné avec la pénurie de main-d’œuvre, ce phénomène dont on parle moins n’en demeure pas moins critique.
Les grandes tendances à surveiller en 2023
Ceci étant dit, quelles seront les tendances lourdes qui seront au cœur de nos préoccupations pour la prochaine année? En voici cinq qui devraient se démarquer du lot.
1. Le voyage hybride
Travailler à distance, que ce soit de chez soi sur la Rive-Sud de Montréal… ou de la République dominicaine. Amener du travail lors d’un voyage d’agrément, pour en allonger le séjour. Aller à un congrès, un colloque ou une réunion et ajouter des nuitées au séjour pour découvrir la destination. Ce sont tous des scénarios qui font partie de cette nouvelle forme de voyager, que nos amis anglophones appellent le blended travel. Ou en français, le voyage hybride.
Les destinations québécoises devront se positionner sur ce lucratif segment de voyage, où l’on cherche à capturer une clientèle qui restera plus longtemps sur place, qui dépensera dans les commerces locaux. Comment s’adaptera l’offre d’hébergement? Quels services pourront être offerts à cette clientèle, et quels types de forfaits voudra-t-on mettre de l’avant?
2. Le tourisme de bien-être
Miser sur le bien-être, dans le contexte social actuel, ce n’est pas que tendance. C’est essentiel. Les statistiques sont effarantes quand il est question de la santé mentale, au moment où la sortie de pandémie se confirme. Il n’est donc pas étonnant de voir une véritable industrie se former autour du «bien-être», parfois pas toujours de manière honnête ou réfléchie.
Mais comme l’explique notre collaboratrice Caroline Lavoie sur les grandes tendances dans le tourisme de bien-être, plusieurs initiatives originales voient le jour. Les retraites fermées demeurent populaires, tout comme l’ajout d’espaces réservés pour la méditation, le yoga ou les massages, dans les hôtels comme au Palais des congrès de Montréal, par exemple.
3. Les enjeux de main-d’œuvre
Au cours de la dernière année, le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme (CQRHT) a mis sur pied une formation en ligne en plusieurs modules. L’objectif? Aider les PME touristiques à développer leur positionnement employeur, miser sur le marketing RH et connaitre les rouages d’un recrutement numérique efficace.
C’est un minimum. Car les défis d’embauche et de rétention vont demeurer entiers en 2023. Tous les acteurs de l’industrie devront se pencher sur les solutions connues, allant de l’embauche d’immigrants qualifiés à la robotisation et à l’automatisation des processus, en passant par une mise en valeur des emplois dans notre industrie.
4. La transformation numérique se poursuit
Pas que je veuille prêcher pour ma paroisse, mais…
Le virage numérique est entamé depuis quelques années déjà, et le besoin s’est exacerbé avec la pandémie, alors que le consommateur a pris ses aises avec le commerce en ligne. Votre approche de marketing numérique devient ainsi indispensable, de votre site web à votre marketing de contenu. Il importe ainsi de bien identifier les clientèles cibles, les plateformes sur lesquelles les cibler, et les tactiques qui seront pertinentes.
Mais la transformation numérique va bien au-delà du marketing. Ce sont également les processus que vous mettez en place pour opérer votre business: systèmes de réservation, opérations, gestion de la relation client, gestion des ressources humaines (incluant la paie), communications électroniques (internes et externes), gestion de l’approvisionnement et des stocks, etc.
Plusieurs programmes de financement demeurent disponibles afin de vous aider dans cette transition numérique. Contactez votre association régionale ou sectorielle pour en savoir plus!
5. Une industrie qui se responsabilise. Un peu.
On parle de tourisme responsable depuis quelques années maintenant, mais les astres semblent s’aligner pour une véritable prise de conscience. Et surtout, de véritables actions, concrètes, sur le terrain.
Jean-Michel Perron brosse justement un excellent survol des tendances en tourisme durable dans ce dossier spécial.
Permettez néanmoins que je reste un peu sceptique, car si les intentions sont louables et bien présentes, il reste à voir comment vont réagir les entreprises quand viendra le temps de faire certains choix. Dans un contexte inflationniste avec des coûts à la hausse, je crains que plusieurs optent pour l’option moins chère, même quand celle-ci s’avère peu durable ou plus polluante, par exemple.
Le train du changement est néanmoins en marche, et c’est tant mieux!
Frédéric Gonzalo
Conférencier et consultant en marketing numérique
Collaboration spéciale
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