Une année chargée pour le tourisme d’affaires
L’effervescence entourant la reprise du tourisme d’affaires ne semble pas vouloir s’apaiser en 2023. Bien au contraire, la plupart des hôteliers, des locateurs de salles, des planificateurs d’événements, y compris des fournisseurs de cette industrie, soutiennent que leur agenda s’annonce aussi «chargé» qu’il l’a été en 2022. Cette situation hors du commun n’est pas sans conforter au moins sept tendances déjà amorcées au cours des derniers mois, constatent les principaux acteurs de l’industrie.
L’hôtel Fairmont Château Montebello
Le « dernière minute » est à la mode
L’une de ces dispositions réside dans le nombre élevé de réservations faites à la toute dernière minute, observe Annie-Eve Frigon, vice-présidente des ventes et marketing au Groupe Hôtelier Grand Château, dont fait partie l’Hôtel Sheraton Laval. Comme plusieurs gestionnaires d’espaces congrès et réunions, elle assiste à un changement de comportement au sein des associations.
Salle Lavalloise de l’Hôtel Sheraton Laval
Avant la pandémie, les associations réservaient généralement leurs dates d’événement un à deux ans à l’avance. Aujourd’hui, les délais sont réduits à quatre, trois, deux, voire même un mois avant la date souhaitée, signalent plusieurs hôteliers. Même scénario du côté des entreprises dont la période de réservation est passée de six mois à moins de trois semaines, notent-ils.
Négociations : industrie 1, organisations 0
Cette tendance à réserver à la toute dernière minute laisse très peu de manœuvres aux organisations en matière de négociations, avise Nathalie Beauchamp, directrice des ventes du Fairmont Château Montebello. Certes, dit-elle, ceux qui planifient à plus longs termes leurs événements peuvent obtenir un peu plus pour leur argent. «Mais que les planificateurs et organisateurs se le tiennent pour dit. Les tarifs de 2019 n’existent plus. Tout a augmenté», maintient-elle.
Capacités d’accueil réduites
La forte demande pour la tenue d’événements d’affaires crée une pression sur les équipes de ventes, qui doivent composer avec du personnel réduit au sein de leur établissement. «Par conséquent, plusieurs organisateurs doivent faire preuve de patience pour des retours d’appels à leurs demandes. Et lorsqu’ils reçoivent un retour une à deux semaines plus tard, plusieurs se font répondre que les capacités d’accueil habituelles sont réduites de moitié, faute de personnel», avise Michel Courtemanche, président et directeur général du Salon événementiel Tourisme d'affaires Momentum.
Selon ce professionnel de l’industrie qui, depuis 25 ans, donne rendez-vous aux quelque 15 000 planificateurs et divers fournisseurs du marché événementiel deux fois par année, les organisateurs n’auront pas la tâche facile en 2023. «La pression s’exerce également sur les fournisseurs audiovisuels et autres équipements qui ont perdu plusieurs effectifs durant la pandémie.»
Recours aux agences…
Pour déjouer l’industrie qui continuera d’être débordée en 2023, plusieurs entreprises et associations, qui avaient l’habitude tout organiser eux-mêmes, vont de plus en plus recourir aux agences événementielles, prédit Michel Courtemanche. Ces agences, dit-il, ont l’avantage de bénéficier d’un large réseau de contacts de toutes sortes dans l’industrie. Elles vont constituer une solution non négligeable pour de nombreux organisateurs dénués de moyens.
«Cette tendance a d’ailleurs déjà commencé à prendre forme depuis la reprise des activités en 2022», renchérit Marc-Olivier D’Amours, dirigeant de l’agence Relévénement, à Québec. «Faute de salles et de fournisseurs, des dizaines d’organisations et d’entreprises désemparées sollicitent nos services afin qu’on puisse les aider à tenir leurs événements.»
Même discours chez Productions Wow, à Mirabel, qui a recruté des dizaines d’organisations en 2022 au sein de sa clientèle. Et ce n’est pas fini, estime sa présidente Josée Cochelin. Spécialisée dans les événements clé en main, cette agence prévoit une année record d’activités en 2023.
… et aux programmes d’aide
Autre tendance qui marquera le tourisme d’affaires en 2023 : le recours aux programmes d’aides pour la tenue d’événements. Depuis les premières subventions accordées par la ville de Victoriaville, il y a une dizaine d’années, aux organisations qui la choisissaient comme destination pour leur événement d’affaires, plusieurs autres villes ont emboîté le pas. À Trois-Rivières, le programme d’aide annuel de 60 000$, réparti en divers montants de 2000$ à 10 000$, affiche déjà complet pour l’année 2023, annonce Anne-Laurence Garceau, déléguée commerciale à Innovation et Développement économique Trois-Rivières.
À propos, il reste encore quelques montants provenant du Fonds de développement en Tourisme d’affaires, offert par le ministère du Tourisme du Québec (MTO), quoique l'équipe du Fonds n'accepte plus de nouvelles demandes. Rappelons que ce programme de 2,5 M$ avait été lancé en décembre 2021 par la ministre du Tourisme, Caroline Proulx. Selon l’équipe du MTO, plus d’une centaine d’organisations ont eu recours au Fonds depuis son lancement. Devant prendre fin initialement en décembre 2022, le programme a été prolongé jusqu’au 31 mars 2023, indique Jean-Manuel Téotonio, conseiller aux communications au MTO.
En avoir pour son argent!
«Parce que les événements coûtent plus cher à organiser – sans compter que l’inflation et les hausses de taux d’intérêt font mal aux budgets des particuliers –, de plus en plus d’entreprises et d’organisations vont se préoccuper des réelles retombées environnementales, sociales et économiques de leur événement sur les participants», croit Michel Courtemanche. Ce souci de présenter un rassemblement ESG, et porteur auprès des participants, va se traduire par une augmentation accrue de l’utilisation d’outils de mesure, estime cet expert de l’industrie.
Des records en vue
Enfin, plusieurs destinations, notamment Saint-Hyacinthe, Trois-Rivières, Laval et Québec, s’attendent à battre des records absolus en termes de nombres d’événements d’affaires au cours de la prochaine année. À Rivière-du-Loup, la direction de l’Hôtel Universel prévoit connaître son meilleur printemps depuis l’ouverture de l’établissement, en 1973.
Les événements affluent à l’Hôtel Universel, à Rivière-du-Loup
«Plus d’une quarantaine d’événements, dont au moins deux avec plus de 1000 délégués, sont déjà à l’agenda de mars à juin… et le téléphone continue de sonner», partage Martin Lévesque, directeur général de l’hôtel de 299 chambres. Soulignons que les Louperivois vont accueillir la finale des Jeux du Québec d’hiver en mars prochain, un rendez-vous sportif majeur que la ville n’avait pas tenu depuis… 1971.
Claudine Hébert
Journaliste et collaboratrice
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