Travailleurs étrangers temporaires : sans assouplissement, des hôtels vont fermer, par Claudine Hébert
Le récent gel des renouvellements de permis de travail pour certaines régions et l’abaissement du plafond d’embauche du Programme des travailleurs étrangers temporaires (TET) de 20 % à 10 % exercent une pression énorme sur l’industrie hôtelière. Une situation qui risque d’entrainer des fermetures d’établissements, déplorent plusieurs hôteliers.
Manoir Hovey, North Hatley - Cantons-de-l'Est
Donald Desrochers, PDG des Hôtels Marineau, fait partie du nombre. « À moins que les gouvernements ne révisent leurs positions, ou que le taux de chômage ne grimpe de façon fulgurante je vais surement devoir fermer deux de mes quatre hôtels d’ici trois ans », craint le plus important hôtelier en Mauricie.
Hôtels Marineau - Mauricie
Un seuil qui dépasse déjà 25 %
Déjà, dit-il, il dépasse le seuil minimum. Près de 25 % du personnel des quatre hôtels Marineau sont des travailleurs étrangers temporaires, majoritairement des employés en restauration. « Depuis la pandémie, on a beau afficher des postes pour ces emplois-clés, on ne reçoit aucun CV de la part de travailleurs du Québec », explique-t-il.
Et il n’est pas seul dans cette situation. Au Manoir Hovey, à North Hatley, un hôtel qui accumule pourtant les accolades, plus de 30 % du personnel vient de l’extérieur du pays. « La proposition de modification des règles limitant à 10 % le nombre de travailleurs étrangers pour chaque entreprise n'est pas du tout viable pour notre industrie », dénonce Jason Stafford, propriétaire du Manoir Hovey.
Marché du travail devenu trop sélectif
« Et ce n’est pas juste une question de salaire », poursuit l’hôtelier, très préoccupé par cette situation. Bien que son établissement ait augmenté les salaires des employés-clés à l’entretien ménager d’au moins 40 % depuis cinq ans, l’hôtelier peine à embaucher des travailleurs d’ici. « Au cours des vingt dernières années, le marché du travail est devenu de plus en plus sélectif. En 2005, je comptais à peine un à deux employés étrangers parmi mon personnel, notamment des cuisiniers. Aujourd’hui, je dois recourir à plus d’une quarantaine de travailleurs venus de l’extérieur du pays pour mener les opérations du Manoir », soutient-il. Sans eux, impossible de maintenir les standards de qualité qui font de son établissement l’une des meilleures adresses hôtelières et gastronomiques au pays, insiste Jason Stafford qui a investi plus de 30 millions de dollars au cours des trois dernières années pour bonifier les infrastructures de son établissement cinq étoiles.
Une situation nord-américaine
Délégué du Canada au conseil d'administration de Relais & Châteaux, Jason Stafford signale que la situation est la même partout au pays. Y compris chez nos voisins du sud, où les hôtels embauchent déjà des travailleurs étrangers depuis au moins trois décennies pour ces catégories d’emplois, indique-t-il.
Les deux hôteliers constatent que les gouvernements sont déconnectés du milieu touristique. « Leurs nouveaux paramètres viennent mettre un frein au recrutement des employés dont nous avons le plus besoin », reprochent-ils. Car le recrutement pour les postes de direction ne cause aucun souci.
Fragiliser une industrie déjà affaiblie
À Québec, Laurence Ménard, responsable des ressources humaines à l’hôtel Monsieur Jean, allègue que ces nouvelles mesures vont fragiliser la stabilité de son établissement de 49 unités. « Au moins 14 de nos 64 employés proviennent de l’étranger. Nous étions donc très confortables avec le seuil de 20 %. En réduisant ce seuil de moitié, le gouvernement affaiblit davantage le secteur le plus touché par la pandémie », conclut-elle.
Monsieur Jean - Ville de Québec
Claudine Hébert
Journaliste et collaboratrice
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