Révision du modèle d'affaires de l'industrie - le Réseau des ATR rend public son mémoire

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Éric FournierD'entrée de jeu, je tiens à préciser que je suis pro ATR. J'ai oeuvré pendant 19 ans (7 ans dans Charlevoix et 12 ans en Montérégie) et mon texte d'aujourd'hui a un seul objectif : celui de susciter le débat autour de la réflexion actuelle entourant la révision du modèle d'affaire de l'industrie touristique du Québec.

QUELQUES FAITS  
- Les ATR sont un modèle associatif mis en place en 1979, auquel les entreprises touristiques du Québec adhèrent de façon volontaire. Près de 10 000 entreprises, les plus dynamiques de leurs régions, sont ainsi membres de leur ATR.

- Le réseau, au travail depuis 35 ans, mobilise 300 spécialistes qui disposent d'un budget total dépassant légèrement les 100 M$. Près de 50 % de ce budget appartient aux régions de Montréal et Québec et 60 % des ressources financières du réseau sont dédiées à la priorité des ATR : la promotion touristique. 

Les ATR sont, par définition, au service de leurs membres. Cette réalité n'est pas toujours simple à gérer dans le contexte ou l'ATR doit continuellement composer entre ses entreprises membres et les différents paliers gouvernementaux, dont Tourisme Québec, avec lesquels elles ont des protocoles d'entente.

LE MÉMOIRE DES ATR
De façon générale, je suis assez d'accord avec le mémoire présenté par le réseau « Réflexion des ATR sur le modèle d'affaires régional et global du tourisme québécois ».

Je partage les cinq enjeux qui ont été identifiés (valorisation de l'industrie, support au développement en région, marketing efficace, connaissance stratégique et conditions d'affaires des entreprises). Je suis tout aussi en accord avec les sept éléments à conserver, ainsi que les neuf autres à améliorer. Je partage également les cinq recommandations du mémoire (organisme dédié à la promotion, renouvellement du partenariat avec les ATR, bases de données, équipe dédiée à l'intelligence stratégique et support financier au développement).

Le réseau des ATR dispose d'une expertise indéniable et d'une connaissance terrain incontestable. Le réseau est un des plus beaux actifs de l'industrie touristique du Québec et un outil inestimable quand vient le temps d'opérationnaliser l'industrie touristique québécoise.

LES DÉFAUTS DE LEURS QUALITÉS
Toutefois, mon attention se porte davantage vers l'attitude et la culture organisationnelle du réseau.

De façon plus pointue, le réseau devient moins confortable quand vient le temps d'évaluer la performance de la destination. Plutôt étonnant dans le contexte où les cas succès sont tout aussi nombreux que diversifiés.

En fait, dans leur mémoire à la section « Stagnation du Tourisme Québécois : Mythes et Réalités » les ATR donnent une importance démesurée aux « facteurs conjoncturels » qui ont pu influencer la performance de la destination. Les variations des coûts de l'essence, les fluctuations du dollar et quelques autres facteurs nous sont présentés comme des excuses à la stagnation du Québec.

Dans les faits, ces facteurs influent sur moins de 20 % des marchés qui devraient être nos marchés cibles.

Source : CCT

Il s'agit plutôt de facteurs exogènes qui composent inévitablement un environnement économique et ces réalités sont, règles générales, les mêmes pour toutes les destinations.

Bien au contraire, c'est dans cet environnement complexe (il l'a toujours été, il l'est et le sera toujours) qu'un bon marketing de destination prend tout son sens.

Les ATR (du moins la plupart) ont particulièrement bien performé sur les marchés intra Québec au cours des dernières années. Il n'est d'ailleurs pas exagéré d'affirmer que la performance du Québec ne serait pas celle que l'on connait si le réseau n'avait pas fait un si bon travail.

LES MARCHÉS HORS QUÉBEC
C'est sur les marchés hors Québec et particulièrement sur les marchés américains que la note est moins bonne. C'est là que l'attitude et la culture organisationnelle doivent évoluer.

En fait, trois grands joueurs devront donner un nouveau rythme à la commercialisation de la belle province.

Tourisme Québec, ou un nouvel organisme dédié à la promotion, devra y jouer un rôle de leader, une sorte de chef d'orchestre, un peu comme un joueur de centre qui motive et dirige les opérations sur les marchés hors Québec.

Les deux autres joueurs qui composeront le premier trio de l'équipe Québec (les deux ailiers) sont Tourisme Montréal et l'Office de tourisme et Congrès de Québec qui disposent de 50 % des budgets de promotion disponibles et dont l'expertise est largement reconnue.

DES DONNÉES MANQUANTES
L'autre faiblesse du mémoire des ATR est l'absence de données factuelles sur ce qui a été fait au cours des dernières années.

Quelles ont été les campagnes de promotion réalisées? Quels produits ont été promus? Quels marchés ont été visés? Quelles stratégies? Quels programmes marketing? Quelles étaient les perceptions des clientèles visées par ces campagnes à notre égard? Quels étaient nos concurrents? Avons-nous été compétitifs? Nos fréquences et nos présences ont-elles été suffisantes? Quelles ont été nos priorités? Quels ont été nos coûts de gestion? Et surtout, surtout, quels ont été NOS RÉSULTATS?

Cet exercice devrait également être fait par Tourisme Québec, ou le nouvel organisme à être mis en place, et mis en commun avec le réseau de façon à avoir un portrait complet de la situation.

Ces données sont pour l'instant indisponibles. Elles sont toutefois essentielles à une analyse efficace et une bonne prise de décision.

RECENTRONS NOS PRIORITÉS ET ATTENTION À LA TSH
En conclusion de mes propos, deux recommandations s'imposent:

  1. RECENTRONS NOS PRIORITÉS
    Nos ressources sont limitées et nos entreprises touristiques crient famine face à leurs besoins criants de clientèles. Nous avons besoin de marchés plus vigoureux.

    À trop vouloir faire, nous risquons encore de manquer la cible. Donnons-nous de vrais objectifs de croissance et cap sur le développement des marchés.

     
  2. PRUDENCE FACE À LA GESTION DE LA TSH
    Il est tentant pour Tourisme Québec de vouloir majorer la TSH ou d'en changer les règles de gestion afin d'en assurer un plus grand contrôle.

    - Les Québécois connaissent une diminution constante de leur pouvoir d'achat. Toutes hausses de taxes ajoutent une pression supplémentaire sur leur budget, notamment celui dédié aux loisirs, ce qui est un frein à la consommation touristique.

    - Les ATR ont été les maitres d'oeuvre de la mise en place de la TSH. Ils ont des liens serrés avec les établissements d'hébergement de leurs régions et ce canal de communication ne doit pas être altéré.


Le Québec touristique vit davantage un problème systémique qu'un problème de sous-financement.

La révision en cours de notre modèle d'affaires saura-t-elle relever ce défi?


Collaboration spéciale, Éric Fournier

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