Rencontre avec Caroline Proulx, une ministre de terrain par Louis Rome

Gouvernements, Grandes Entrevues · · Commenter

En 1957, sur la colline Parlementaire à Québec, le premier ministre Maurice Duplessis, remet une enveloppe à un courriériste parlementaire du défunt quotidien The Montreal Star. L’enveloppe contient une lettre manuscrite du premier ministre ainsi qu’un chèque de 50 dollars comme cadeau de noce à la fille du courriériste, une prénommée Louise, future femme de Jacques Proulx et mère de Caroline Proulx.

La boucle n’est pas bouclée pour autant, car dans les années 70, son père, Jacques Proulx, animateur radiophonique (CKAC) réputé, a refusé l’invitation de René Lévesque de faire le saut en politique. Comme quoi la politique est une affaire de famille, son oncle Gilles Proulx aussi reconnu et toujours actif, entre autres, avec sa chronique dans le Journal de Montréal, a échoué deux fois dans ses tentatives pour se faire élire.

61 ans, après la remise de la lettre à son grand-père maternel par Maurice Duplessis sur les marches de l’Assemblée nationale, Caroline Proulx remporte, le 1er octobre, ses élections dans le comté de Berthier pour être assermentée le 18 octobre 2018 à la tête du ministère du Tourisme. Comme quoi la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre.

UNE TOURNÉE DU QUÉBEC

Pourquoi une tournée du Québec à partir du 22 février? Caroline Proulx est une politicienne de terrain, elle aime aller vers les gens, les écouter et échanger avec eux. Sûrement le résultat d’un héritage familial et de son expérience dans les médias.

«Le développement économique du Québec et de ses régions passe beaucoup par l’industrie touristique, et pour pouvoir déployer une stratégie de croissance économique en tourisme, il faut aller sur le terrain, aller à la rencontre des entrepreneurs, des gens qui travaillent dans l’industrie - 396 000 emplois dans 32 000 entreprises - les maires, les  préfets, les ATR, les ATS, etc., pour s’asseoir ensemble et entendre de leur part quels sont leurs enjeux et visions. S’il y a une chose qui nous réunit tous, c’est de faire rayonner le Québec auprès des Québécois et Québécoises et à l’international.»

La tournée est la première étape pour alimenter la réflexion de la future stratégie. Les rencontres prendront la forme d’ateliers de réflexion en petits groupes et attendez-vous à ce que la ministre aille à votre rencontre le micro à la main. Les résultats de la tournée seront dévoilés aux Assises du Tourisme de mai 2019.

Une synthèse des échanges sur les 6 principaux thèmes de la tournée sera présentée:

  • Le capital humain;
  • L’entrepreneuriat;
  • L’innovation :
  • Les investissements;
  • L’accès aux marchés (promotion, accueil et transport);
  • Les connaissances stratégiques.

Aux dires de la ministre, les participants pourront aussi aborder d’autres sujets au cours de la tournée. Parmi ceux qui seront abordés, elle espère entendre les participants sur le Saint-Laurent qu’elle souhaite mettre en valeur. De plus, dans une deuxième phase de la démarche, des mémoires pourront être déposés. C’est alors que la stratégie prendra forme et qu’elle sera dévoilée lors des Assises en mai 2020.

La première rencontre de la ministre aura lieu au Centrexpo Cogeco de Drummondville (Centre-du-Québec) le 22 février 2019.

LA FIN DU MONDE EST À 7h

La ministre et son équipe ont une expression qui résume bien le contexte de la démarche qui débutera le 22 février, «La fin du monde est en 2020», c’est bien sûr une allégorie, mais plusieurs stratégies et ententes arriveront à terme en 2020. J’en déduis que c’est une manière pour celle-ci de mobiliser ses troupes, l’ensemble de l’industrie et ses partenaires devant la tâche à accomplir. La ministre Proulx, considère qu’elle fait face à un tableau vierge, comme elle aime le répéter, et elle a indéniablement l’intention de profiter de cette occasion unique.

La démarche qu’elle entreprend sera l’occasion d’actualiser les connaissances sur les besoins, enjeux et visions de l’industrie, ce qui permettra de jeter un regard neuf sur les programmes offerts par le ministère, les ententes qui viennent à échéance avec des partenaires importants, telle que l’Alliance de l’industrie touristique du Québec, les ATR et ATS.

Parallèlement à cette démarche, Caroline Proulx a déjà entamé des discussions avec plusieurs de ses collègues des autres ministères; économie, relations internationales, culture, emplois, etc. Elle affirme que tous les canaux sont ouverts, consciente que la bête, qu’est l’industrie touristique, nécessite la collaboration de nombreux ministères pour l’atteinte de ses objectifs.

La tournée des régions et le dépôt des mémoires de l’industrie, les travaux avec ses collègues et au sein de son équipe, le tout en jetant un regard attentif sur les travaux au fédéral, semble être les différents ingrédients de la ministre pour l’élaboration de la prochaine stratégie de l’industrie.

UNE VAGUE DE TOURNÉES TOURISTIQUES

Alors que la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly a entamé, en novembre 2018, sa tournée pancanadienne pour aller à la rencontre d’acteurs de l’industrie, afin de recueillir leurs avis pour l’élaboration de la nouvelle stratégie canadienne du tourisme, prévue pour le début de l’été 2019.  De son côté, la tournée québécoise s’échelonnera du 22 février au 26 avril 2019. Pas à dire, par les temps qui courent l’industrie touristique fait l’objet de beaucoup d’attention de la part de nos élues.

Mais est-ce que ces deux tournées vont s’harmoniser aux grands bénéfices de tous? La ministre Proulx a déjà eu un entretien avec Mélanie Joly et elle ne doute pas que les deux équipes vont avoir des échanges. De plus, à la lecture des six thématiques retenues pour la tournée québécoise et les enjeux exprimés dans le rapport du gouvernement fédéral: Exploiter le potentiel de l’économie touristique canadienne. Il y a des recoupements, par exemple, la pénurie de la main-d’œuvre et le défi des investissements.

LES ENGAGEMENTS DE LA CAQ

Lors de la dernière campagne électorale, la Coalition Avenir Québec est le parti politique qui fait le plus de place au tourisme dans sa plateforme. Une des pierres angulaires du programme en matière touristique était la stratégie Saint-Laurent incluant les croisières. À cela s’ajoutaient l’importance accordée aux régions et la stimulation des investissements pour les PME. L’entrepreneuriat occupait aussi une place importante.

Les engagements électoraux en matière touristique de la Coalition Avenir Québec ont sûrement été inspirés par les réflexions de François Legault dans son livre Cap sur un Québec gagnant – Le Projet Saint-Laurent (Boréal 2013) (voir TourismExpress, janvier 2014). Les mots clés à retenir de l’ouvrage: Remise en question de nos façons de faire au Québec, le projet Saint-Laurent, les croisières, l’agrotourisme, le PDIT 2012-2020 qui a été mentionné à plusieurs reprises par le futur premier ministre. Un passage clé du livre de 2013 :

«Le tourisme est l’un des secteurs d’exportation les moins coûteux à développer et les plus rentables quant à la création d’emplois. Pourtant, le gouvernement du Québec (PLQ) n’y consacre qu’un budget chétif, soit 0,2% de ses dépenses.»*

*Note de ma part : 0,2% des dépenses versus une contribution de 2,5% au PIB du Québec, il y a de la place pour manœuvrer.

François Legault mentionnait aussi l’importance d’un projet mobilisateur. Sur quoi la ministre Proulx s’engage, sans hésiter, en mobilisant les acteurs de l’industrie avec sa tournée des régions, alors  que le développement économique du Québec et de ses régions est un des crédos de son gouvernement avec l’éducation et la santé.

UNE VISION

La vision de Caroline Proulx est que le Québec soit un premier de classe, qu’il devienne  un incontournable d’ici 2025. Elle souhaite que les familles québécoises découvrent ou redécouvrent des coins du Québec en passant un week-end de plus par année au Québec ce qui représenterait des revenus supplémentaires de 3 milliards de dollars.

UNE INVITATION

Les inscriptions pour participer à la tournée vont bon train, la ministre Caroline Proulx mise sur une participation la plus large possible dans tous les secteurs d’activités de l’industrie. Plus de gens mettront la main à la pâte, plus la stratégie devrait permettre d’atteindre les objectifs fixés pour 2025.

Louis Rome

À lire: