La main-d’œuvre étrangère : quel avenir?
La main-d’œuvre étrangère : quel avenir? Dans notre précédente chronique, nous avons fait un tour d’horizon des programmes existants en matière de main-d’œuvre étrangère, que le besoin de l’employeur soit identifié comme permanent ou temporaire. Pour le deuxième et dernier volet de notre série, nous réfléchissons sur notre capacité collective à participer à la mise en place de ces mesures dans l’intérêt de notre industrie.
Pour alimenter la réflexion à cet effet, le Conseil canadien des ressources humaines en tourisme (CCRHT) a récemment produit une analyse en ce qui a trait à l’immigration et au secteur touristique canadien. Dans son étude La politique d’immigration et le secteur du tourisme au Canada, le CCRHT dégage notamment quelques constats reliés à la main-d’œuvre étrangère:
- L’immigration est déjà et continuera d’être une partie de la réponse face à la rareté de main-d’œuvre en tourisme.
- D’après les différentes structures administratives, les changements de programme en matière d’immigration tendent à favoriser les travailleurs spécialisés (par exemple, les chefs, les animateurs de sports et de loisirs, les cuisiniers, etc.). La mise en place de certains processus tels que la démarche simplifiée pour accélérer l'embauche des travailleurs dans des professions spécialisées confirme d’ailleurs cette tendance. Rappelons que la fonction de directeur de la restauration et des services alimentaires (code CNP 0631) qui représentait l’unique profession du secteur touristique pour ce processus, ne figure plus parmi la liste québécoise des professions admissibles depuis le 24 février 2014.
- Le secteur touristique continuera de compter sur les travailleurs étrangers temporaires. Le secteur touristique anticipe une importante rareté de main-d’œuvre à court terme. Les principales fonctions visées par cette rareté sont des emplois répertoriés dans les catégories semi ou peu spécialisées (par exemple : serveur, préposé à la réception, aide de cuisine, préposé à l’entretien ménager, etc.). Cela représente 60 % des emplois de notre secteur. Or, le Programme de travailleurs étrangers temporaires est actuellement celui qui permet plus facilement l’accès, quoique restreint, au marché du travail canadien pour des travailleurs étrangers de ces catégories.
- Il y a des occasions de s’impliquer dans les processus de changement des politiques d’immigration. Le gouvernement fédéral a tenu au cours des dernières années quelques consultations et audiences publiques sur cette question. Au Québec, il y a également eu en 2011 la consultation générale et les audiences publiques concernant La planification de l’immigration au Québec pour la période 2012-2015. À l’occasion de cette consultation générale, le CQRHT a déposé un mémoire auprès de la Commission des relations avec les citoyens de l’Assemblée nationale en adressant des recommandations au ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles. Celles-ci étaient principalement axées sur le fait que le tourisme est un secteur qui emploie majoritairement des travailleurs moins qualifiés, et que la hausse des critères de sélection en matière de compétence privilégiant le recrutement de travailleurs étrangers qualifiés, pourrait défavoriser le secteur touristique, moteur économique important du Québec. À ce jour, aucun rapport n’a encore été produit par la Commission à cet effet.
- De nouveaux programmes pourraient émerger des projets pilotes en cours et à venir. Par exemple, un projet pilote d’une durée de 2 ans s’est récemment terminé en Colombie-Britannique. Ce dernier a permis d’évaluer les résultats de l’élargissement des critères d’admissibilité au Programme de permis de travail postdiplôme (PPTPD) à une catégorie d’établissements offrant des programmes de formation professionnelle. Les résultats reliés à ce pilote pourraient modifier l’admissibilité au programme à l’échelle canadienne.
L’analyse globale du CCRHT débouche sur une recommandation principale, applicable pour l’ensemble du la Canada : « mettre en place un organisme de coordination du dossier de l’immigration regroupant les organisations concernées pour établir des mesures à long terme ».
La proposition se décline en cinq volets :
A. Coordonner
- la diffusion de l’information concernant les changements dans les programmes d’immigration et leur impact sur le secteur touristique;
- les interventions auprès des gouvernements, en particulier lors de consultations publiques;
- la recherche pour démontrer l’étendue, la profondeur et la distribution régionale de la rareté de main-d’œuvre;
- les efforts pour informer les gouvernements des pénuries de main-d’œuvre anticipées et de leur impact sur les entreprises et sur l’économie.
B. Développer
- un modèle portant sur les besoins de main-d’œuvre à long terme de l’industrie touristique, mettant l’emphase sur les travailleurs semi ou peu spécialisés (par exemple : serveur, préposé à la réception, aide de cuisine, préposé à l’entretien ménager, etc.), à promouvoir auprès des gouvernements.
Qu’en est-il du Québec ?
À la lumière des constats reflétant l’état de l’immigration dans le portrait touristique canadien, le tourisme québécois est donc confronté à certains enjeux; notamment sa capacité à transmettre de l’information. Il s’agit en fait de notre capacité à faire une lecture juste des besoins et des possibilités d’emploi selon les exigences des différents programmes d’immigration, qu’ils soient permanents et/ou temporaires. Les employeurs doivent être en mesure de bien évaluer leurs besoins par rapport aux conditions entourant le dépôt d’une demande pour le recrutement de travailleurs étrangers. Les différentes instances gouvernementales, quant à elles, doivent être informées des réalités des employeurs en matière de besoins reliés au marché du travail et y être sensibles. Enfin, une circulation fluide de l’information et des changements reliés aux divers programmes est de mise.
Sommes-nous prêts au Québec à mettre en place un réseau tel que le recommande le CCRHT? Pouvons-nous nous permettre d’attendre? Car n’ayons pas la pensée magique, les constats présentés ne sont pas si loin de nous. Notre secteur de services peut-il se passer de la main-d’œuvre étrangère pour se maintenir et croître? Une réflexion collective s’impose…
Rédigé par le CQRHT, collaboration spéciale
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