Kwe kwe! Un gars zen et fidèle à ses convictions, Dave Laveau, Chef et DG, par Louis Rome

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Il n’a pas de parcours de carrière, « mais je suis à l’écoute de la vie et du destin, même si parfois ça peut devenir tannant pour mes proches. Quand quelque chose arrive du champ gauche, je ne vais pas paniquer, je vais plutôt essayer de le transformer, car il y a une raison qui fait que cela arrive dans mon angle mort, c’est sûrement pour me ramener sur mon sentier. » 

Crédit: Audet Photo

T’es sérieux?

J’ai eu une surprise en lisant une des lignes du CV de Dave : Diplômé de l’école de l’humour, décembre 2002.

Nous nous posons tous la même question, avec quelques variables; qu’est-ce que c’est ça? T’es sérieux? Dis-moi ça sans rire, etc. J’arrête ici, car la boss de TourismExpress me limite à 1500 mots et j’ai beaucoup de choses à dire. Donc Dave, t’es sérieux?

« Louis, j’ai peut-être eu une crampe au cerveau, mais aujourd’hui je ne regrette pas cette expérience. Ce n’était pas facile, imagine que tu dois donner des spectacles en solo dans des bars et des petits festivals où tu dois focaliser sur les deux ou trois personnes qui t’écoutent ou qui semblent d’écouter. »

Vous vous demandez où je m’en vais avec ça. C’est la même question que je me posais quand il me racontait cette anecdote. Il est où le lien avec son poste actuel de DG de Tourisme Autochtone Québec (TAQ)?

« Louis, j’ai beaucoup appris sur moi, mais aussi sur les gens, je suis allé chercher des outils avec cette expérience en humour pour établir des relations de confiance avec les gens, pour désamorcer des situations délicates.

Mais il y a autre chose, alors que j’avais été invité pour faire le spectacle de Noël des employé(e)s qui travaillent pour la communauté huronne-wendat et que tout le monde était sur le party, il avait un gars dans la salle qui riait de mes blagues. Je me dis, voilà le gars que je vais faire monter sur scène. Il s’agissait du directeur du développement économique du conseil de bande de Wendake. C’est le même gars qui, plus tard, va me dire "quand tu vas être tanné de faire des blagues vient me voir". C’est exactement ce qui est arrivé des années plus tard, quand il m’a engagé à Tourisme Wendake. »

Oui oui j’y arrive!

Mais avant d’en arriver à son poste actuel, il y a une autre ligne de son CV qui a attiré mon regard.

Dave est aussi chroniqueur économique (à temps partiel) à RDI. Je me suis dit qu’il a dû m’envoyer le CV qu’il avait fait parvenir à l’école de l’humour pour suivre sa formation en humour. Un CV rempli d’humour et d’invraisemblances. Ben non! II est sérieux, explication.

Dave Laveau lors d’un segment à RDI Économie

Alerte à l’imposteur

« Louis, je suis un éternel imposteur, dans le sens où j’ai souvent eu des défis pour lesquels je n'étais pas nécessairement bien outillé et je ne sais pas comment te décrire ça, mais cette sorte de déséquilibre, je le trouve nourrissant. » Dave, va me répéter ça pour chacun des autres défis qu’il a su relever.

Un jour, il est invité comme conférencier devant 500 employé(e)s de Radio-Canada pour parler de diversité et de son cheminement. « Encore une fois, j’ai l’impression d’être l’imposteur dans la place et malgré le sentiment de vertige qui m’envahit, je plonge. » Tout va bien, au point que RDI l’appelle pour l’inviter avec d’autres experts afin de commenter l’actualité économique à l’émission du vendredi de Gérard Fillion.

Coenseignant à HEC

HEC a développé l’École des dirigeants des Premières Nations (EDPN) uniquement pour les étudiant(e)s autochtones. « On a besoin de peaufiner les capacités des gestionnaires et des élu(e)s autochtones d’aujourd’hui et de demain. » Chaque cours est donné par un expert d'HEC et un leader autochtone, donc je fais du coenseignement depuis 2022. »

Chef délégué au Conseil de la Nation huronne-wendat

Dave m’explique que politiquement et administrativement, les Autochtones au Canada sont liés à la loi sur les Indiens et qu’ils s’autogouvernent majoritairement via un conseil de bande.

Dans le cas de la Nation huronne-wendat, autour du Grand Chef Rémy Vincent, il y a 8 Chefs délégués (familiaux) élus. Dave est Chef délégué depuis 2018.

Comme Chef, Il a entre autres les responsabilités du développement économique et de la santé. « Encore une fois, au début, je me voyais un peu comme un imposteur; est-ce que j’avais le bagage pour ces responsabilités? NON, mais comme tu sais, j’aime plonger, je pose des questions, je m’intéresse à tout et je maîtrise rapidement mes dossiers. »

De gauche à droite: Steeve Wadohandik Gros-Louis, président de Tourisme Autochtone Québec/François Legault, premier ministre du Québec/Dave Laveau, directeur général de Tourisme Autochtone Québec/Ian Lafrenière, ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuits (Crédit: Émilie Nadeau)

C’est quoi la suite pour les communautés autochtones?

Il y a onze (11) Nations Autochtones au Québec, réparties en cinquante-cinq (55) communautés distinctes, chacune très fière de ses richesses et de ses savoir-faire ancestraux particuliers.

« Bien sûr, il y a encore des défis importants en milieux autochtones, et l’un de ceux-ci est de faire comprendre à des non-autochtones que les 55 communautés, c’est 55 réalités différentes. Nous avons survécu, malgré la loi sur les Indiens qui visait à nous assimiler, et à toutes les embûches que nous avons dû affronter. Aujourd’hui, la dynamique a radicalement changé, même s’il reste encore beaucoup à faire. Ceci étant dit, il y a de façon globale une évolution incroyable. 

« D’ailleurs, de leur côté, les Québécois ont aussi cheminé. » Il est convaincu que « les Québécois n’ont jamais eu autant de solidarité à l’égard des peuples autochtones. Par exemple, dans l’industrie touristique au Québec, plusieurs organisations posent des gestes concrets vers le rapprochement. Je pense notamment à mes amis d’Aventure Écotourisme Québec, de la Fédération des pourvoiries, de Tourisme Montréal, de Tourisme Côte-Nord, de Camping Québec, d’Événements Attractions Québec... pour ne nommer que ceux-là! On avance! »

Tourisme Autochtone Québec 

Comment es-tu arrivé à occuper, depuis octobre 2010, le poste de DG de Tourisme Autochtone Québec?

« Nous sommes en décembre 2007, alors que ma conjointe et moi revenons au Québec après un séjour de deux années en Angleterre. En janvier 2008, le directeur de Tourisme Wendake de l’époque, le même qui m’avait dit "quand tu vas être tanné de faire des blagues, vient me voir", me dit qu’ils ont besoin d’un gars en marketing à Tourisme Wendake.  Après une année en marketing, je fus nommé à la direction générale de Tourisme Wendake. »

De la STAQ à Tourisme Autochtone Québec (TAQ) 

En 1991, il y avait la Société Touristique Innu, puis reconnue comme la Société touristique des Autochtones du Québec (STAQ), et ce, jusqu’en 2010, avec l’arrivée de Dave, qui a vite fait de changer le nom de l’organisation pour Tourisme Autochtone Québec (TAQ).

« À mon arrivée à la STAQ, l’organisation était en difficulté, elle venait de remercier encore une fois son DG. Quand j’ai eu le poste de DG, je me voyais encore comme un imposteur, alors que je connaissais peu les enjeux des 54 autres communautés. Mais c’était l’époque où le MTO avait fait un diagnostic du tourisme autochtone et j’avais une sérieuse envie de plonger.

On a fait un redressement complet de la STAQ, car l’organisation avait un sérieux manque de crédibilité, au point que nous étions pour perdre notre principal bailleur de fonds, DEC.

À mes débuts en 2010, on était 5 employé(e)s avec un budget de 400 000$ pour 40 membres. Aujourd’hui, notre budget est passé à 4,5 M$, avec plus de 200 membres qui bénéficient du support d’une super équipe de 9 personnes, d’un CA avec une solide expertise et de fidèles partenaires. TAQ est d’ailleurs la plus vieille organisation touristique autochtone du Canada, et peut-être même dans le monde. »

Quels sont les défis de TAQ?

1er défi: « On se devait de développer et d'améliorer notre offre, tout en professionnalisant notre pratique. Maintenant on est sur la coche, avec un beau produit. »

2e défi: « Il fallait convaincre les décideurs et là, il avait pogné le bon moineau, car c’est ce que j’aime faire. Notre objectif, c’est de créer des ambassadeurs à l’autochtonie. Notre futur n’est pas juste pour nous, par nous, il est avec les allochtones. »

3e défi:

C’est Montréal.

Il y a 247 expériences autochtones à vivre au Québec, mais peu à Montréal. « Le tourisme autochtone attire énormément de la clientèle internationale et elle arrive à 90% via Montréal, mais elle a peu d’offres, alors que Montréal pourrait jouer un rôle d’ambassadeur. D’ailleurs, je siège au CA de Tourisme Montréal, où nous avons aussi une entente pour le tourisme autochtone. De plus, avec le Palais des congrès, nous avons récemment dévoilé QUÉBEC AUTOCHTONE, un espace innovant destiné à mettre en lumière les richesses de la culture et du tourisme des 11 Nations autochtones du Québec. Et enfin, sans donner les détails, nous avançons sur une super alliance avec l’aéroport international Montréal-Trudeau, qui devrait être dévoilée dans les prochaines semaines. Un excellent timing, puisque Montréal sera l’hôte, en 2025, du congrès international du tourisme autochtone! »

4e défi:

« C’est l’accès au financement qui est important, car un entrepreneur autochtone qui est sur une réserve peut difficilement emprunter à une institution financière traditionnelle, étant sous la loi sur les Indiens, puisqu’il n’est pas saisissable sur une réserve, donc la banque n’a pas de garantie. Nous avons créé nos propres institutions de financement. »

5e défi:

« C’est d’avoir les capacités d’accompagner les entreprises à la hauteur de la croissance; on est un produit de niche. La croissance est constante depuis 14 ans, mais elle est ralentie, car il y a un manque d’investissements. Nous réussissons à tirer notre épingle dans l’espace public et politique, mais il nous faudrait une stratégie comme celle des croisières au début des années 2000, où les gouvernements avaient investi des sommes significatives.

Je salue le MTO qui a annoncé, le 21 juin 2023, une entente d’un demi-million pour le développement du tourisme autochtone. Nous avons 18 mois pour développer une stratégie provinciale du tourisme autochtone. Tout y passe: consultations des conseils de bande, analyses des outils de financement, mise à jour de l’étude sur les impacts économiques, des missions commerciales, etc. »

Et toi dans tout ça?

« Je suis comblé, autant personnellement que professionnellement. Je suis fier de tout le travail accompli à TAQ. Les défis sont stimulants, j’ai une solide équipe et un CA qui me donne toute la flexibilité dont j’ai besoin. D’ailleurs, depuis les 14 dernières années, j’ai eu la chance de m’impliquer sur différents conseils d’administration: Tourisme Montréal, Destination Canada, l’Alliance de l’industrie touristique du Québec, Tourisme Autochtone Canada, etc. J’adore la gouvernance. Je suis d’ailleurs en train de compléter ma formation d’administrateur de société. »

Un jour ou l’autre, c’est sûrement son destin, il va faire de la politique active. Il en fait localement à temps partiel, mais il aimerait faire cela à temps plein. Je ne sais pas où, quand et à quel niveau, mais une chose dont je suis sûr, c’est qu’il va se dire qu’il est encore un imposteur, qu’il n’est pas prêt pour ça, tandis que moi, je vais parier qu’encore une fois l’imposteur va cartonner.

Tiawenhk (merci) Dave pour ce bel entretien! 

 

Louis Rome, collaborateur TourismExpress


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