Entrevue exclusive avec Daniel Gauthier - La part du rêve

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Qu’ont en commun l’industrie du cirque et celle du tourisme sinon le besoin de séduire et de toujours se réinventer. On en parle avec Daniel Gauthier, président du Massif de Charlevoix. Au Cirque du Soleil, qu’il a codirigé pendant près de 20 ans, il préférait déjà l’ombre à la lumière. En coulisse, il tire aujourd’hui les ficelles d’un projet touristique de plus de 280 millions de dollars, une trilogie comprenant un hôtel, un train touristique et une montagne dans Charlevoix. 

Il y a 10 ans, l’homme d’affaires se portait acquéreur du Massif souhaitant en faire une véritable destination touristique, un moteur économique quatre saisons pour Charlevoix. Malgré quelques embuches et de grands bouleversements, sa vision de départ est demeurée la même.  « Aller chercher l’adhésion, principalement celle de la collectivité, était essentiel pour le projet.   J’ai beau être considéré comme un gars du coin, skier le Massif depuis 30 ans et embaucher plus de 780 personnes du milieu, la partie n’est jamais gagnée d’avance et les appuis, souvent plus fragiles qu’on le pense », doit-il admettre. « On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. Le développement fait peur. En agissant avec respect, dans un sens comme dans l’autre, ça nous permet de trouver l’équilibre entre une qualité de vie à préserver et une économie à faire tourner. C’est aussi ça du vrai développement durable » nuance Daniel Gauthier, conscient que son projet amène de grands changements pour la région qui doit plus que jamais s’ouvrir sur le monde.

Charlevoix, plus accessible encore

« Au Cirque, nous allions vers les gens. Mon défi est maintenant de faire venir les gens vers nous ». Daniel Gauthier a donc pensé remettre sur rail un train touristique de Québec à Charlevoix. L’expérience permet l’accès à des panoramas fluviaux autrement inaccessibles tout en mettant en valeur les produits du terroir charlevoisien. « La quête d’authenticité du voyageur va de ce qu’il a dans son assiette à ce qu’il apprendra de la communauté qu’il visite. Ses souvenirs ne se limitent plus à ce qu’il ramène dans son baluchon, mais beaucoup plus aux émotions que la destination lui aura fait vivre ».

Voyager autrement

L’homme aime les analogies. « Nous avons maintenant nos trois chapiteaux : une montagne, un train et un hôtel à Baie-Saint-Paul. Plusieurs me demandent, ok, c’est quoi ton show? Comme pour les spectacles du Cirque, nous avons bâti la programmation autour de l’émotion. Celle que nous procure un paysage, un lieu, voire une lumière particulière à un moment singulier de la journée. Nous aimons jouer avec ce que la nature nous offre à chaque heure du jour, au fil des saisons. J’aime à dire que nous travaillons à mettre en scène l’humain au cœur de sa propre nature ».

L’expérience joue ainsi sur les émotions, le plaisir et la découverte. Il aime parler d’offre complémentaire et innovante. « Notre projet est évolutif. Nous avons peut-être nos trois morceaux, mais l’aventure ne fait que commencer ».

Selon Daniel Gauthier, l’avenir du tourisme passera de plus en plus par l’évènement. « Le Québec met en scène des évènements distinctifs qui sont devenus des vitrines à l’échelle internationale. Il faut poursuivre en ce sens et surtout, ne pas hésiter à sortir des grands centres urbains pour le faire ». 

L’union fait la force

Selon lui, le tourisme au Québec aurait besoin de plus de cohésion. « Il faut travailler ensemble à développer des offres qui viennent renforcer un positionnement commun ». Le tourisme doit se développer de façon inclusive, en profitant des forces de chacun et en ouvrant les yeux sur les opportunités. « Il y a 10 ans, on travaillait chacun pour soi. Les temps ont changé et, comme dans un vieux couple, on sait maintenant qu’on n’y arrivera pas l’un sans l’autre. Il faut pourtant savoir oser, sortir de sa zone de confort quitte à se remettre en question ». Daniel Gauthier croit qu’il ne faut pas hésiter à investir. Du temps. De l’argent. « Les choses n’arrivent jamais seules. Il faut y croire et ne pas s’arrêter à la première embuche. Et finalement, il faut quelquefois prendre son temps pour être certains d’arriver là où on veut aller », avoue celui qui a mis dix ans avant de mettre en opération tous les éléments de sa trilogie.

À court terme, Daniel Gauthier croit que le Québec touristique a besoin de renouveler ses infrastructures, de moderniser son offre, de créer de nouveaux produits d’appel en lien avec sa personnalité. Et quelle est selon lui la personnalité du Québec touristique ? « Nordicité, créativité et art de vivre sont nos marques distinctives. Nous sommes un peu rebelles, nous n’aimons guère les modes d’emploi et nous ne passons pas notre temps à analyser les tendances » conclut le visionnaire qui rêve encore  d’inventer la prochaine.

« La campagne hivernale de Tourisme Québec sur le marché français est un petit bijou qui mise sur notre identité et nos différences avec humour et créativité » - Daniel Gauthier

À la question de savoir comment un projet basé sur des valeurs plus philosophiques que commerciales peut intéresser des partenaires sérieux à investir dans l’aventure, Daniel Gauthier répond « Qui s’assemble se ressemble. De plus en plus de grandes sociétés ont compris que l’humain était en fâcheuse position. On ne peut plus se contenter d’aligner des colonnes de chiffres. Il faut regarder les choses en face et avoir la volonté de contribuer à créer un monde meilleur. Ça fait cliché, mais j’y crois et il semblerait que je ne sois pas le seul. Les voyageurs sont de plus en plus nombreux à choisir des destinations responsables. Ça ne va que s’intensifier ». 

Voir grand

Les gouvernements - y compris son complice Guy Laliberté - n’ont pas hésité à investir quelques millions dans son projet. Plus récemment, le Club Med a aussi démontré son intérêt pour opérer, avec Le Massif, un premier Club Med au Canada.  « Grâce à eux, nous serons en mesure de faire en peu de temps ce qui aurait pris 15 ans à réaliser », mentionne le promoteur qui croit que la force marketing du géant - avec 80 clubs répartis dans 26 pays sur 5 continents – contribuera à positionner rapidement Charlevoix sur la carte du monde.  

Le mot de la fin? « Rêver grand, rester soi-même, faire au besoin des petits pas, mais toujours avancer…voilà ma philosophie de vie et une vision qui peut très bien s’appliquer au Québec touristique de demain ».

 

Rédigé par Mme Diane Laberge, collaboration spéciale

Nominations

NOMINATIONS SEMAINE DU 19 AOÛT 2024

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  • Groupe Germain – Montréal et Toronto – Paul de La Durantaye, Nicolas Lazarou et Jean-Philip Dupré
  • Palais des congrès de Montréal – Nicolas Joël
  • AQS – Catherine Rocheleau & Audrey Bouquot

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