Eeyou-Istchee/Baie-James, l’avenir de notre tourisme?
Dimanche dernier, j’ai croisé sur ma route un chevreuil près de Rivière-Rouge, un original au km 85 de la Route de la Baie-James et 3 caribous au km 504… sans compter les dizaines de renards, gélinottes, furets… bienvenue au zoo sauvage d’Eeyou Istchee/Baie-James, la région touristique la moins bien connue des Québécois!
Nous sommes ici dans l’univers du « tout est possible » en développement et positionnement touristiques. Mais qui connaît ce nom et ce territoire hormis pour les grands barrages d’Hydro-Québec et les villes jamésiennes de Chibougamau-Chapais-Matagami- Radisson -Lebel-sur-Quévillon?
Grande comme l’Allemagne; population de 35 000 personnes dont plus de la moitié ont une culture millénaire de plus de 5 000 ans , celle des Cris; des centaines de trappeurs actifs regroupés sous la « Cree Trapper Association », des saisons toujours célébrées par la chasse aux outardes au printemps et à l’automne, l’arrivée des centaines de milliers de caribous en hiver; des rivières « fleuves » qui marquent l’imaginaire et le territoire telles que Grande-Baleine, Broadback ou Rupert et une histoire « récente » digne d’Hollywood avec la mutinerie du 21 juin 1611 alors que l’explorateur Henry Hudson et son fils furent forcés de quitter le navire dans le secteur aujourd’hui nommé Waskaganish sur la Baie-James; Radisson et Des Groseillers en 1668 avec la création de la Compagnie de la Baie-D’Hudson ou encore le père Albanel venu à Fort Charles (Waskaganish) par les rivières et le Lac Saint-Jean expulsé et emprisonné en Angleterre…
Contrairement au Nunavik, le territoire est largement accessible par la Route de la Baie-James (Radisson n’est qu’à 1 400 km de Montréal), la Route du Nord, la « Trans-Taïga » qui un jour se connectera avec Schefferville et le Labrador… Amateurs de « Road trip » nordiques, bienvenue au paradis!
Ce vaste territoire répond précisément à une tendance lourde du tourisme international: vivre des expériences intenses avec les gens de la place, idéalement autochtones, en région éloignée en symbiose avec un environnement naturel exceptionnel. Observation de la faune et de la flore nordique, randonnées à pied, en raquettes ou canot… La culture crie n’est pas ici folklorique, elle est vivante, riche et intense. Les spécialistes l’appellent la TEK « Traditionnal Ecological Knowledge ». Comment en tant qu’individu fais-je partie d’un vaste jardin; comment est-elle ma relation avec les plantes et les animaux?... Le voyageur qui cherche un sens à sa vie et un espoir pour notre planète pourra se réconforter dans cette compréhension millénaire et universelle de l’Homme et de son univers…
Un développement touristique par deux nations
Situation unique au Québec, deux associations touristiques (Tourisme Baie-James et Tourisme Eeyou-Istchee) se partagent le même territoire. Depuis la convention de la Baie-James de 1975, les Cris se sont dotés d’outils de développement efficaces en tourisme, entre autres. La Cree Outfitting and Tourism Association – COTA – est la seule organisation touristique au monde étant prévue spécifiquement dans un traité officiel entre nations. Après des années d’efforts et une concertation exceptionnelle entre les partenaires (Tourisme Québec, Accord, COTA, TBJ, EIT,etc.), les résultats se font maintenant sentir :
- La communauté d’Oujé-Bougoumou près de Chibougamau a investi 15 M$ dans l’Institut culturel cri de calibre international Aanischaaukamikw;
- Deux sites multiactivités en forêt ouvrent leur porte en 2016: Nuuhchimi Wiinuu et Shammy Adventures offrant des séjours découvertes et d’aventures à l’année;
- La communauté de Wemindji offre en 2016 des forfaits guidés de Wemindji et bientôt des excursions maritimes le long de la côte de la Baie-James avec ses centaines d’iles et ses ours blancs, les plus au Sud de la planète;
- La prochaine création de deux parcs nationaux cris: Albanel-Témiscamie-Otish et Assinica.
Caribous sur la Route de la Baie-James, février 2016
De multiples projets privés autant du côté jamésien que Cri sont en marche. Traditionnellement, la chasse et la pêche constituaient l’unique tourisme de loisir dans la région (parlez-en à mon ami Cyril Chauquet , spécialiste international de la pêche sportive : la Baie-James est l’un des meilleurs endroits au monde pour les poissons « trophées »). On y trouve des pourvoiries exceptionnelles telles que Mirage, Broadback, Osprey et Louis-Jolliet.
Mais le développement du tourisme, par la création d’emplois et la mise en valeur/protection de la culture crie, passe comme dans toutes les régions éloignées du Québec par le développement de ressources humaines compétentes (employés et promoteurs); et par la sensibilisation auprès des jeunes, des aînés et des intervenants économiques et politiques des bienfaits d’un tourisme écologique et équitable qui apportent une qualité de vie élevée, mais ne peuvent prétendre rejoindre les salaires des mines ou des emplois des Conseils de bande. À long terme, le tourisme deviendra, s’il est fait dans une perspective durable, une industrie majeure qui survivra aux mines et aux barrages…
À South Twin Island, Baie-James, août 2013
Montréal & Québec
La région d’Eeyou Istchee/Baie-James a reçu, il y a deux semaines, deux représentantes de l’une des plus importantes agences allemandes en tourisme découvertes/aventures. Il s’agit de leur premier séjour au Québec. Ces deux représentantes sont reparties conquises par le territoire et surtout par la qualité des gens rencontrés. Un premier programme pour 2017 suivra incluant un parcours classique avec Montréal-Québec-Charlevoix.
Le Québec touristique du « Sud » doit comprendre que les régions éloignées du Québec qui offrent une nature grandiose et une population locale accueillante et authentique permettra de plus en plus d’attirer au Québec des visiteurs fortunés qui autrement ne viendraient pas ici uniquement que pour notre métropole festive et notre capitale romantique. Les régions ont besoin des grands centres comme portes d’entrées de leurs voyageurs potentiels, mais l’inverse sera de plus en plus vrai!
Collaboration spéciale: Jean-Michel Perron
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