DOSSIER TENDANCES TOURISMEXPRESS 2024 – Tendances 2024 pour l’industrie des festivals: entre continuité et nouveautés, par Mohamed Reda Khomsi
Prédire les tendances dans le secteur de l’évènementiel, et plus particulièrement des festivals, est un exercice des plus fastidieux, et ce, pour plusieurs raisons.
En fait, la diversité des thématiques fait en sorte que ce qui s’applique au festival de musique ne s’applique pas nécessairement au festival de gastronomie. Même si les deux événements peuvent avoir lieu dans la même ville; le type de clientèle, le modèle d’affaires, ainsi que le nombre d’années d’existence de l’événement peuvent faire en sorte que les pratiques peuvent être très différentes d’un événement à un autre.
Malgré cela, certaines tendances semblent de plus en plus probantes dans l’industrie et laissent penser que plusieurs organisations regardent bien vers l’avenir.
La vague de l’IA déferlera sur les festivals en 2024
Les festivals ont souvent été les premiers à intégrer de nouvelles technologies, que ce soit pour améliorer l’expérience des festivaliers ou pour améliorer la gestion des opérations de l’événement. Néanmoins, la vague de l’intelligence artificielle qui a déferlé sur la planète depuis le lancement de ChatGPT va toucher, si ce n’est pas déjà fait, les festivals, et plus particulièrement ceux à grand déploiement. Dans ce contexte, et avec des milliers, voire des millions de données collectées le temps d’un festival, le potentiel de l’IA est sans limite, ou presque. Pensez aux robots conversationnels qui peuvent prendre le relais de votre première ligne pour répondre aux questions fréquentes des festivaliers, à la gestion des ressources en sécurité en prédisant en temps réel le mouvement des foules sur un site, ou encore l’animation des différents réseaux sociaux du festival en utilisant le contenu généré par les utilisateurs. Jusqu’ici, le recours à l’IA dans le domaine des festivals était limité à quelques initiatives, comme celle menée dans le cadre du festival Tomorrowland (Boom, Belgique) dans le cadre d’un partenariat avec BMW, mais 2024 sera l’année de l’adoption de l’IA à grande échelle.
Après le ROI voici le ROX
Vous connaissez certainement le concept de retour sur investissement (ROI), utilisé pour évaluer le rapport entre les ressources mobilisées (financières, humaines, temporelles, etc.) et la valeur ajoutée par ces ressources à un processus, eh bien vous devriez désormais vous habituer à utiliser le concept de ROX. Ce dernier a commencé à circuler dès 2019, voire même avant, mais l’arrivée de la pandémie a limité son utilisation. Cela dit, si vous êtes dans le domaine de l’événementiel, ce concept sera de plus en plus répandu dans les prochaines années. Pour cause, les mégadonnées (big data) et l’intelligence artificielle (encore une fois) ont fait évoluer de façon significative les outils d’évaluation de l’expérience client. Cette dernière notion, qui est au centre de la réflexion des promoteurs des événements depuis plusieurs années, était essentiellement mesurée via des sondages in situ ou post-expérience. Cependant, avec l’IA, les organisateurs peuvent désormais analyser des données complexes en temps réel, et surtout identifier des actions à mettre en place rapidement en se basant sur modèles prédictifs. L’objectif ultime de cette nouvelle façon de faire est d’offrir des expériences exclusives et transformatrices afin d’augmenter l’attachement à la marque et la fidélité à cette dernière, surtout dans un contexte où de plus en plus d’événements souhaitent sortir de l’éphémère et maintenir le lien avec la clientèle tout au long de l’année.
Scène Bell | Plaines d'Abraham, juillet 2023, Crédit: André-Olivier Lyra/Source: page Facebook du FEQ
Accélérer la durabilité
En analysant les rapports des différents regroupements de festivals à travers le monde, il est clair que l’enjeu environnemental est désormais bien intégré dans les processus de gestion des événements. Cependant, l’urgence climatique qui bouscule la planète et le monde des festivals également – à travers l’ajustement permanent des programmations aux conditions climatiques – exige d’aller plus loin que le recyclage, le compostage ou la compensation des kilomètres parcourus.
Selon les prévisions de Tourisme Montréal dans le domaine de l’événementiel, l’écoblanchiment ne suffit plus. Pour l’OGD, les promoteurs d’événements doivent déployer des stratégies environnementales qui tiennent compte des trois dimensions du développement durable et non seulement de la composante écologique. À ce chapitre, de plus en plus d’acteurs du milieu souhaitent voir plus d’initiatives à impact social sur le milieu d’accueil.
Dans leur analyse post mortem de l’édition 2023, les promoteurs du South by Southwest festival (SXSW) ont indiqué que la durabilité et la responsabilité sociale ne sont plus des mots à la mode, mais plutôt des composantes essentielles à toute marque événementielle qui veut réussir. À ce titre, le festival compte augmenter encore plus son engagement vis-à-vis de la communauté d’Austin en déployant des programmes en faveur des droits de l’homme et de la crise climatique.
Parmi les initiatives en vue pour 2024, nous pouvons citer celle qui est prévue par le Wall Street Journal’s festival. Certes, ce dernier n’est pas un exemple d’événement de portée culturelle comme un festival de musique ou d’humour, mais les actions prises par ce dernier depuis quelques années méritent notre attention.
Plus concrètement, les participants à l’édition 2024 du Wall Street Journal’s festival devraient jouer le rôle de bénévole à la troisième journée de l’événement, afin de prendre part à des activités horticoles dans le Hudson River Park ou la High Line de New York. Il s’agit là d’un changement de logique, dans la mesure où les actions de ce type étaient limitées à la cohorte de bénévoles qui étaient engagés pour l’organisation de l’événement, alors que dans le cas présent, ce sont les participants qui payent quelques centaines de dollars (le laissez-passer pour deux jours coûte 1099$) pour assister à l’événement qui vont jouer le rôle de bénévole. Changement de paradigme, direz-vous, peut-être, mais c’est aussi un indicateur que cela rejoint de plus en plus les valeurs des festivaliers qui souhaitent sortir de leur rôle passif et d’être des cocréateurs de l’expérience de l’événement.
Mohamed Reda Khomsi
Professeur / directeur des cycles supérieurs en tourisme, UQAM
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