Créer des expériences accessibles
Le marché du tourisme accessible est en pleine croissance. De plus en plus d’entreprises utilisent des outils adaptés, tant dans le secteur de la culture que dans celui du plein air: vélo hors route, systèmes de guidage, modèles tridimensionnels, etc.
QUI SONT LES VOYAGEURS HANDICAPÉS ?
Ce type de touristes ne constitue pas un groupe homogène, comme le soulignait d’entrée de jeu Bill Forrester, chez TravAbility, une organisation australienne qui se consacre au tourisme inclusif. En fait, ils appartiennent à toutes les classes de la société.
L’énorme croissance de ce marché est également due aux baby-boomers, groupe aisé et exigeant qui exercera une influence sur le secteur des voyages au cours des 25 prochaines années. Ils s’attendront à une grande diversité de séjours, quelle que soit leur capacité physique. Selon monsieur Forrester, les membres de cette génération n’accepteront jamais de se considérer comme des personnes handicapées. De ce fait, ils voudront que les produits et les services dont ils ont besoin soient disponibles dans la filière touristique « traditionnelle ». Le tourisme accessible doit être basé sur des expériences inclusives qui ravissent et captivent le visiteur handicapé. Dès lors, comment créer des expériences touristiques inoubliables ? Lors du 2e Sommet mondial du tourisme accessible, plusieurs intervenants ont présenté des expériences inclusives inspirantes ; en voici quelques-unes.
L’AVENTURE EXTRÊME
Poursuivant sur sa lancée, Bill Forrester a présenté une vidéo montrant comment on peut adapter l’équipement pour permettre la pratique d’activités de plein air aux personnes à mobilité réduite: fauteuils roulants tout-terrain TrailRider, vélos hors route, fauteuils de plage autopropulsés et tapis de plage, monte-escaliers, chaises sur ski, systèmes de guidage électroniques. Ces technologies procurent de nouvelles possibilités aux entreprises qui devraient les intégrer à leur offre afin d’en tirer parti pour créer des expériences intéressantes pour le voyageur handicapé. À cet effet, Making Trax, regroupement d’experts du handicap et du tourisme d’aventure, a amené des exploitants de descente de rivière à incorporer un siège sur leur canot pneumatique pour y accueillir une personne à mobilité réduite. Ils ont aussi incité une entreprise de parachutage à installer un système qui permet de retenir les jambes de la personne handicapée lors de l’atterrissage et plus encore. En adaptant le matériel, rien n’est impossible. Visionnez la vidéo ci-après à partir de la onzième minute pour vous en convaincre.
LE PLEIN AIR ET LA NATURE POUR TOUS
Éric Dubois, de l’association sans but lucratif Natagora qui se consacre à la protection de la nature dans les parties francophone et germanophone de la Belgique, a présenté le projet Nature pour tous. Initié en 2005, il vise à rendre la nature accessible aux personnes handicapées ainsi qu’à des publics marginalisés ou peu familiarisés avec elle. « Elle devient alors un vecteur de découvertes sensorielles, d’intégration sociale et de responsabilité citoyenne à travers une démarche de protection de l’environnement ». Pour ce faire, Nature pour tous conçoit et anime des activités, organise des journées de sensibilisation et des formations à la guidance, et crée des outils adaptés comme des objets en trois dimensions que l’individu aveugle ou malvoyant peut manipuler afin de s’en faire une représentation mentale (voir image ci-dessous).
Fondé en 2004, le parc national de l’Eifel, d’une superficie de 110 km2, est l’un des 16 parcs nationaux d’Allemagne. Depuis sa création, il s’engage à faire découvrir ses trésors naturels à tout le monde, incluant les personnes présentant divers handicaps physiques, grâce à un programme et à des infrastructures riches et variées comme le mentionnait Tobias Wiesen :
- aucune marche dans tout le parc ;
- système de guidance au sol ;
- tablettes tactiles ;
- modèles tridimensionnels ;
- boucles à induction pour personnes malentendantes ;
- informations sensorielles (braille, objets à manipuler, langue des signes allemande, etc.)
- randonnées guidées en langue des signes ;
- randonnées guidées en fauteuil roulant électrique.
Pour réduire les barrières à la communication, les employés reçoivent de la formation continue sur la manière d’interagir avec les personnes en situation de handicap. De plus, sur la page d’accueil du site Web du parc national, il est naturellement possible de choisir la langue d’affichage, mais qui plus est, le menu propose de visualiser le site en langue « Facile à lire et à comprendre » ou en caractères plus grands. Il présente aussi des vidéos en langue des signes avec textes et images.
DES OUTILS DE MISE EN ACCESSIBILITÉ DANS LES INSTITUTIONS CULTURELLES
Jérôme Duquesne, responsable de l’accessibilité à la Fédération Francophone des Sourds de Belgique, s’est entretenu sur l’accessibilité et l’inclusion dans un musée pour les personnes sourdes ou malentendantes (PSM) grâce au visioguide. Cette technologie permet de présenter des séquences vidéo exprimées en langue des signes. Depuis juin 2013, le musée Magritte, à Bruxelles, expose une sélection de 21 œuvres commentées en trois langues des signes : francophone belge (LSFB), néerlandophone (VGT) et internationale (ISL). En plus de fournir des informations sur René Magritte et ses tableaux, le guide mêle théâtre, poésie et histoire de l’art. Disponible sur une tablette tactile, ce visioguide favorise l’autonomie des PSM dans le musée. Les sous-titres en français, en néerlandais et en anglais constituent aussi une approche adéquate pour le grand public, tant pour les enfants, les adultes et les familles que pour les touristes.
D’autres musées ont plutôt recours à des outils tactiles pour favoriser une plus forte interaction avec les œuvres. Madame Dupuis Caillot, fondatrice de Polymorphe, une entreprise spécialisée dans l’accessibilité aux publics handicapés ou en situation de handicap, a présenté l’exemple du musée national du Prado à Madrid. Depuis janvier 2015, il invite les malvoyants à une exposition originale où ils peuvent ressentir, au toucher, des copies imprimées en 3D de célèbres tableaux, tels que la Joconde, de Léonard de Vinci, ou Goya, de Dürer. Cette technique permet d’obtenir des textures et un relief pouvant atteindre six millimètres de hauteur à partir d’une photo en haute résolution du tableau. Le choix des textures et des volumes s’avère primordial pour guider les mains de la personne malvoyante et lui permettre de capturer l’essence de l’œuvre.
Ces exemples présentent plusieurs bonnes pratiques mises de l’avant pour offrir une expérience inclusive pour tous en tenant compte des handicaps, mais également de la perte d’autonomie liée à l’âge. Pour d’autres idées, vous pouvez consulter les actes du Sommet.
Source:
Par Chantal Neault
Réseau de veille en tourisme, Chaire de tourisme Transat
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