Une Alliance en devenir, des enjeux et défis

Hébergement, Associations, Gouvernements, Marketing · · Commenter

Louis RomeL’annonce de la création de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec (AITQ) est favorablement accueillie au sein de l’industrie. Mais la majorité des acteurs touristiques reconnaissent qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. L’Alliance ne réglera pas tout, il ne faut pas oublier l’enjeu de la gouvernance au sein de l’industrie. Les trois associations (AQIT, ATR associées du Québec et ATS Québec) feront face à de nombreux défis d’ici le 1er avril 2016, les prochains mois seront, sans aucun doute, parsemés d’embûches et d’imprévus.

L’Alliance, l’affaire de tous
Tous ceux et celles qui lancent un projet ou une entreprise vont le dire, les embûches et problèmes qu’ils rencontrent ne sont pas considérés comme des obstacles, mais bien comme des défis. C’est dans cette approche que la création de l’AITQ doit être abordée. Imaginer, tous ensemble, les associations, les entrepreneur(e)s, les dirigeant(e)s d’organismes, le ministère, etc. à collaborer pour créer un modèle qui répond aux besoins de l’industrie touristique du Québec, notre modèle. Bien sûr que le résultat ne sera pas parfait, qu’il faudra faire des compromis, mais avec de la volonté et de la créativité tous les espoirs sont permis.

La création de l’Alliance n’est pas une fin en soi. Il s’agit d’un outil pour nous permettre d’atteindre collectivement des objectifs – surtout marketing - qui font consensus. Un outil dont une des fonctions sera d’assurer une meilleure synergie entre les acteurs. Si, par le passé, le MTO avait réussi à relever ce défi, en marketing, aujourd’hui nous ne parlerions pas d’une Alliance. En clair, c’est génial l’Alliance, mais même si on a une structure géniale et que les acteurs de l’industrie ne changent pas leurs manières de faire, Alliance ou pas, ministère ou pas nous n’avancerons pas d’un iota.

L’enjeu de la gouvernance régionale
Le renouvellement de la gouvernance au sein de l’industrie est une demande qui date de plus de deux décennies.

L’impression laissée, autant pour l’Alliance que pour le MTO, c’est qu’il y a un souci manifeste pour une plus grande cohésion et efficacité en matière de gouvernance du marketing et j’en suis, mais l’enjeu de la gouvernance est beaucoup plus large. Par exemple, il est essentiel que la gouvernance régionale ne soit pas négligée.

Avec la disparition des CRÉ, le transfert des responsabilités des CLD aux MRC et les prétentions des municipalités en matière de gouvernance de proximité et pour le développement touristique, c’est toute la gouvernance régionale qui s’en trouve bouleversée. C’est un dossier qui mérite une place importante dans le renouvellement de la gouvernance annoncé aux Assises. (À relire : Politique… touristique publié le 16 février 2015)

L’uniformatisation de la taxe à 3,5%
L’enjeu du financement de l’Alliance (un total de 30 millions) passe en partie par l’uniformatisation de la taxe sur l’hébergement (TSH) à 3,5% qui doit être entériné par chacune des ATR.

Il est évident que si le gouvernement imposait l’uniformatisation à 3,5%, cela simplifierait les choses, car je n’ose imaginer les ajustements, et c’est peu dire, qui serait nécessaire si une ou des régions votent contre.

La possibilité que le taux de la taxe soit une décision régionale provient de la volonté de décentralisation de tous les gouvernements du Québec depuis des décennies. C’est un privilège, à mon avis, qui doit être protégé. Imaginons que le gouvernement récupère celui-ci, qui le retiendra quand il voudra renflouer ses coffres en prenant des décisions de façons unilatérales sur la TSH?

Les défis de l’Alliance
Il est loin de moi d’avoir la prétention d’exposer l’ensemble des défis auxquelles devront répondre les partenaires de l’Alliance, mais en voici quelques-uns :

  • Boucler le financement (TSH à 3,5%);
  • Mettre en place une structure souple, imputable envers l’industrie et le gouvernement et axée sur des résultats tangibles, où la compétence et l’expertise seront des fondements de l’organisation;
  • Fusionner les trois associations : ATR associées, ATS Québec et l’AQIT;
  • Avoir un CA représentatif tel qu’annoncé : ATR, ATS, les 3 portes d’entrée, les secteurs de l’hébergement et des événements, des experts et des entrepreneurs/dirigeants d’entreprises;
  • Un CA composé de 17 membres avec une majorité d’entrepreneurs. Un des critères essentiels pour le choix des membres du CA, la compétence de chacun et la complémentarité de tous;
  • La mise en place d’une gouvernance sans faille;
  • La représentativité de l’Alliance et son type de membership. Il est actuellement à l’étude qu’un intervenant ne paie qu’un seul membership au lieu de plusieurs (ATR + ATS + etc.) comme c’est actuellement le cas. Est-ce qu’un intervenant pourrait payer à une seule association, mais avoir accès à tous les services? Ou autre scénario, serait-il possible que l’intervenant soit uniquement membre de l’Alliance? Imaginé un membership de plus de 5 000 membres. Toute une AGA, même si le taux de participation est de 10%;
  • La négociation du protocole de l’Alliance avec le MTO, avec les notions et obligations d’imputabilité, de reddition de comptes, d’atteinte des objectifs, etc.;
  • Les négociations des protocoles des ATR et des ATS avec le MTO, du moins pour l’atteinte des objectifs individuels, mais aussi communs;
  • La période de transition et du transfert graduel des mandats et des responsabilités qui les accompagnent du MTO vers l’Alliance;
  • L’échéancier très serré : le 1er avril 2016.

Ouf!

Ses principaux mandats

  • La promotion et la mise en marché hors Québec :
    • Les campagnes promotionnelles;
    • Les actions de commercialisation;
    • Proposer à la ministre l’unique stratégie de marketing pluriannuelle de la destination;
    • Les relations de presse;
    • La présence sur les médias sociaux;
    • L’encadrement et le suivi des activités des bureaux Destination Québec
  • Partenariat et concertation :
    • Les partenariats promotionnels avec l’industrie;
    • Les partenariats stratégiques;
    • Les projets spéciaux;
    • Des activités annuelles avec et pour l’industrie
  • Les affaires publiques et communications :
    • Représentation;
    • Communication;
    • Relation avec les membres.

La possibilité que l’Alliance puisse également avoir la responsabilité de planifier des campagnes promotionnelles panquébécoises a été mentionnée. La lecture des mandats de l’Alliance met en évidence que ses mandats ne seraient pas uniquement du marketing. Re-ouf!

Les défis du MTO
Je n’ose pas imaginer la complexité du travail réalisé à ce jour par le MTO et encore moins ce qu’il reste à faire. En voici un très très bref aperçu :

  • La restructuration au sein du ministère (pertes et transferts d’emplois/employés, négo syndicale, nouvel organigramme, etc.);
  • La Commission parlementaire sur le Projet de loi 67 : lecture des mémoires, et échanges avec les partis d’oppositions;
  • Les discussions et négociations à la table des ministres et au Conseil du Trésor. Le tout dans le cadre des négociations avec l’ensemble des employés de la fonction publique et de la volonté du gouvernement Couillard de revoir les façons de faire au sein de nombreux ministères (santé, éducation, etc., et maintenant au Tourisme) pour boucler l’année financière avec un budget équilibré.
  • « Faire adopter les modifications législatives requises. Afin de permettre la mise en place des mesures relatives à la promotion de la destination, il sera nécessaire d’ajuster les dispositions relatives à la taxe sur l’hébergement en plus de modifier la Loi sur le ministère du Tourisme ». (tiré du plan d’action 2016 – 2020);
  • La gestion de la période de transition et du transfert graduel des mandats et des responsabilités qui les accompagne du MTO vers l’Alliance;
  • Le tout avec un possible remaniement ministériel d’ici les fêtes, avec toutes les conséquences que cela peut avoir dans une étape aussi cruciale pour l’industrie. Le PDIT 2012–2020 a passé au travers de trois gouvernements et de trois ministres. Que nous réserve l’avenir?


Un défi commun
Il y en a plusieurs, l’échec ne peut même pas être envisagé. Mais comme l’a soulevé une diplômée de la maîtrise en tourisme de l’UQAM, Fatima El Gharbaoui, lors des Assises, l’autonomie politique de l’Alliance est primordiale.

Au Québec, comme partout ailleurs dans le monde, trop souvent les politiciens et les politiciennes confondent le marketing politique avec le marketing touristique. Il est normal que les enjeux politiques fassent partie des discussions entre une industrie et les ministères concernés. Là où le bât blesse, c’est lorsque la politique déborde de son cadre d’action, qu’elle occupe trop de place dans la prise de décision. Par exemple, quand les avis des fonctionnaires passent trop souvent à la déchiqueteuse (surtout quand il y a un changement de gouvernement) uniquement pour des raisons politiques, il y a un sérieux risque de dérapage.

Toutefois, si la politique est totalement absente de ce type d’échange, la structure devient trop rigide, empêche la politique de jouer son rôle et d’atténuer les angles. Un exemple qui me vient à la tête, la rigidité de revenu Québec qui est souvent accusé (Commission Robillard, médias, etc.) de faire des torts parfois irréparables à des citoyens comme à des entreprises. Le juste milieu a bien meilleur goût. (À relire sur le sujet : Politique… touristique)

On va de l’avant
La création de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec mérite une démarche hardie.

Je vous laisse sur cette citation de Jacques Amiot dans Le Bréviaire : « Se hâter lentement, se résoudre sagement, exécuter hardiment sont les marques d'un bon chef ». La balle est maintenant dans notre camp.


Collaboration spéciale, Louis Rome