TSH. Vérités & mensonges : lettre ouverte aux hôteliers en région
Depuis quelques jours, on voit passer toutes sortes de commentaires sur la taxe spécifique sur l’hébergement créant ainsi une amorce bien maladroite d’une réforme en tourisme qui tarde d’ailleurs à se préciser. Vous qui êtes en affaires et qui assumez jour après jour la responsabilité d’être rentable, ne devriez-vous pas considérer comme les autres PME en tourisme, de nouvelles façons de faire?
Ce débat sur la taxe et toute la réforme à venir sera tout à fait stérile et démagogique si l’on ne s’entend pas tous sur des états de fait :
- Le tourisme au Québec sous-performe depuis 2003 par rapport à la grande majorité des destinations touristiques internationales. Ce n’est pas tragique à Québec et à Montréal, mais ça l’est pour toutes les régions qui n’ont pas une économie forte basée sur les ressources (et encore, parlez-en aux hôteliers de Sept-Îles avec le Plan Nord en panne actuellement);
- Tous ceux et celles parmi vous qui avez participé à des salons ou rencontres à l’international le savent. On vend en premier lieu le Canada, ensuite le Québec et uniquement après, sa région. Vous ne verrez pas le Queensland, San Francisco ou la Sibérie venir solliciter les touristes québécois alors pourquoi nous on continue de le faire en sens inverse? Sur les marchés hors Québec, il faut non seulement parler d’une seule voie pour maximiser notre impact marketing, mais encore faut-il bien le faire, c'est-à-dire avec une entité autonome du politique (agence marketing indépendante), avec des dirigeants imputables et du personnel hautement compétent. Est-ce que c’est le Ministère de l’Économie qui vend les producteurs de meubles du Québec sur les marchés étrangers? Est-ce que c’est le Ministère de la Culture qui vend les artistes québécois en France? Alors pourquoi seuls les produits touristiques sont vendus par le gouvernement du Québec à l’étranger?
- Il est démagogique de prétendre que ce qui est centralisé est automatiquement contre l’intérêt des régions. À trois niveaux. 1. Selon les objectifs de l’agence marketing et les marchés visés, là où se trouvent les bons produits (ex. : motoneige), c’est ça que l’agence va vendre. Le meilleur produit où qu’il soit au client le plus rentable pour le Québec. 2. Plus il va y avoir de touristes à Québec et à Montréal, plus les régions vont avoir l’opportunité de les convaincre de venir chez eux. 3. De plus, désolé, mais la centralisation du marketing touristique sur les marchés étrangers va permettre d’amener une forte concentration de compétences marketing et d’imputabilité ce qui n’est pas le cas actuellement dans plusieurs régions. De multiples actions marketing se font sur le hors-Québec, depuis plus de 10 ans, par des régions, avec très peu de résultats par rapport à l’argent investi. Du beau gaspillage. Comme hôtelier, ça ne vous choque pas cet état de fait depuis 10 ans ? Regarder l’évolution des touristes hors-Québec dans votre région depuis une décennie et comparez avec les centaines de milliers de dollars sinon millions de dollars investis sur ces marchés, et on se reparle!
- Même si la grande majorité des revenus de la taxe servent actuellement à la promotion, avec la sous-performance de notre tourisme autant auprès des Québécois (ils voyagent à l’étranger 100 % plus qu’avant, mais n’ont pas doublé leurs séjours au Québec en contrepartie) que des étrangers, il est faux de prétendre que sans les revenus de la taxe gérée régionalement pour la promotion, la performance d’une région va automatiquement diminuer. Les taux d’occupation hôteliers de certaines régions comme l’Abitibi, la Baie-James et la Côte-Nord reposent essentiellement sur le tourisme d’affaires et sportifs, segments de marchés qui seraient présents sans aucune promotion touristique, car les ressources naturelles et les populations sont là, tout simplement. Et ceci ne veut pas dire que le tourisme d’agrément intra et hors Québec n’y a pas un fort potentiel, au contraire. Je vis en région, j’aime les régions et j’y suis actif sur le terrain à titre de conseiller depuis des années (80 000 km/an). C’est pourquoi je vous conjure de refuser le statu quo qui nuit à votre commerce... Il faut reconnaître que les revenus de la taxe sont très bien gérés par les ATR, mais ils pourraient être beaucoup plus performants en promotion hors Québec (les revenus de la taxe dédiés à l’intra-Québec et au développement, quant à eux, doivent demeurer au niveau régional pour maintenir à ce niveau l’effet de levier).
- La promotion est aussi importante que le développement des produits. On a un défi au Québec de soutenir, développer et innover par des offres d’expériences touristiques de qualité, mais on peut faire également des gains à court terme en commercialisation si l’on a l’intelligence collective de se regrouper. Une offre de produits non conformes aux attentes des clientèles cibles amène la survente de la destination (donc un marketing viral négatif), mais ne pas appuyer efficacement les entreprises en tourisme actuelles par un marketing optimal du Québec, nuit à ces PME et décourage d’éventuels investisseurs avec de si bas taux d’achalandage et de revenus.
Par ailleurs, je vous comprends très bien, comme pour les ATR, de ne pas faire confiance au gouvernement en rapatriant à Québec, même une partie des revenus de la taxe. Il ne faut rien de moins qu’une agence marketing autonome sur les marchés hors Québec avec des moyens financiers en conséquence. La suggestion cette semaine faite par notre ministre «…pour le volet «hors Québec», une table de l'industrie touristique où siégeraient les différents partenaires, dont les ATR, élaborerait un plan de commercialisation ciblé, commun à tous, mais flexible » ne donnera pas un meilleur rendement que le modèle actuel. Même ce serait pire. Imaginez plein de monde aux priorités « flexibles » autour de cette grande table et personne d’imputable au bout du compte.
S’il est sage d’affirmer que l’argent de la taxe dédiée à la promotion intra-Québec doit demeurer en région afin de stimuler la saine compétition entre elles; comme hôteliers, vous seriez encore plus gagnants si dans ce même contexte, des campagnes, une forfaitisation et des promotions originales se faisaient conjointement par toutes les régions (pas juste Québec et Montréal). Il y a autant de gains à faire sur le marché intra-Québec d’agrément que sur le marché américain. Ainsi, pour exemples, attaquons de front nos psychoses collectives du « Tout inclus à Cuba, pas cher », du « 40 % de probabilité de pluie » et du « Maudit hiver ». Ce qu’une région seule ne peut accomplir.
En terminant, comme le gouvernement du Québec veut maintenant changer son image d’austérité et ne plus couper en « régions », l’ironie de la situation actuelle et le risque pour notre ministre du Tourisme est de ne pouvoir plus rien changer. Plus vous allez crier au loup contre le rapatriement d’une partie de la TSH, plus le gouvernement risque de reculer. Mais par la conséquence de cette victoire apparente, au final c’est vous les hôteliers, en premier, qui allez en payer le prix. C’est le tiroir-caisse de votre hôtel qui sera perdant! Alors, ne crions pas contre la redistribution de la taxe, chantons plutôt pour la création d’une agence marketing autonome et faisons-nous confiance pour la suite. Qu’avez-vous à perdre, dites-moi?
Collaboration spéciale, Jean-Michel Perron, conseiller en tourisme, PAR Conseils
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