Transformer l’écosystème touristique par l’achat responsable des réceptifs et voyagistes
Au cœur du métier de réceptif-forfaitiste, soit la création de voyages, se trouvent les achats de services touristiques rendus par des fournisseurs. Pour cette raison, le réseau de distribution détient le pouvoir et la noble responsabilité de pousser tout l’écosystème touristique à adopter des pratiques plus durables. Les fournisseurs et les destinations qui travaillent avec le réseau ont tout intérêt à connaître leurs défis et difficultés afin de mieux collaborer.
D’un point de vue du développement durable, les impacts environnementaux et sociaux directs des réceptifs-forfaitistes, soit ceux générés par leurs bureaux et leurs équipements propres, sont plutôt faibles, à moins d’être propriétaires d’une flotte de véhicules, d’unités d’hébergement, etc. C’est pourquoi leur plus grand potentiel d’impact positif se trouve au niveau des approvisionnements, c’est-à-dire du choix des fournisseurs à intégrer dans leurs forfaits.
Ne manquez pas l’entrevue avec Isabelle Pécheux de Passion Terre sur le sujet, un peu plus bas !
Les achats responsables — de quoi s’agit-il?
En matière d’achats responsables, on distingue deux approches complémentaires : Qu’est-ce qu’on achète? De qui l’achète-t-on?
Avec la première, soit l’approche « produit », on vise à minimiser les impacts négatifs du bien ou du service. Pour un réceptif-forfaitiste, il s’agirait de se questionner sur les prestations elles-mêmes. Par exemple, pourrait-on remplacer une activité motorisée par une balade à pied?
Avec l’approche « fournisseur », on choisit parmi des fournisseurs qui offrent un même bien ou service, par exemple des chambres d’hôtel, ceux qui affichent une meilleure performance environnementale et sociale que les autres. Deux façons de faire sont possibles :
- Travailler avec ses fournisseurs actuels pour les amener à changer leurs pratiques pour répondre à ses exigences.
- Évaluer tous les fournisseurs potentiels en ajoutant des critères de durabilité pour guider ses choix.
En matière de durabilité, les critères du Global Sustainable Tourism Council (GSTC) font office de référence à l’échelle mondiale et constituent « l’exigence minimale à laquelle toute entreprise touristique devrait aspirer ». Parmi les critères et indicateurs à l’intention des voyagistes, les pratiques d’achats y sont mentionnées à plusieurs reprises :
Dans le thème B : Maximisation des avantages socio-économiques pour la communauté locale
- Favoriser les prestataires de services, produits et expériences exploités et gérés au niveau local.
- Favoriser les prestataires de services, produits et expériences issus du commerce équitable.
Dans le thème C : Valorisation du patrimoine culturel
- S’assurer que les sites visités et les expériences proposées offrent une expérience authentique de la culture et du patrimoine.
Dans le thème D : Réduction des effets négatifs sur l’environnement
- Favoriser les fournisseurs et produits respectueux de l’environnement, par exemple les fournisseurs titulaires d’une certification.
- Limiter les produits à usage unique, éviter les emballages inutiles, etc. Favoriser les biens réutilisables, consignés et recyclés.
- Chercher à réduire ses besoins en transports émetteurs de gaz à effet de serre.
Le témoignage d’Isabelle Pécheux à propos des défis à surmonter
Changer ses habitudes d’achat peut être déroutant. Écoutez Isabelle Pécheux de l’agence Passion-Terre parler de ses 10 ans d’expérience en la matière. Véritable précurseure du voyage responsable au Québec, elle a commencé à intégrer des critères de durabilité dans le choix de ses fournisseurs à une époque où peu d’informations étaient disponibles.
Pour les lecteurs pressés, voici quelques points clés de la discussion :
- La quête du fournisseur parfait est impossible, mais cela ne doit pas être un frein à mieux faire.
- Face à la pression pour garder les prix bas, tous les maillons de la chaîne de valeur doivent apprendre à justifier leurs prix (fournisseurs, agences réceptives, forfaitistes, agents de voyage, employés à destination tels que les guides, etc.). Les pratiques durables doivent être considérées comme une dimension de la qualité.
- Face à la difficulté d’identifier et d’évaluer les fournisseurs, les organismes de gestion des destinations ont un rôle d’entremetteur à jouer.
- Les fournisseurs doivent se préparer à fournir de l’information vérifiable — attention à l’écoblanchiment ou greenwashing.
En bref : un pouvoir d’influence à utiliser sans se gêner!
En tant qu’acheteur B2B, les réceptifs-forfaitistes ont un plus grand pouvoir d’influence que les consommateurs pris individuellement. Tous ensemble, les membres du réseau de distribution ont le pouvoir d’envoyer un signal fort auprès des hôtels, restaurants, attraits et transporteurs d’ici et d’ailleurs que le marché change, que les critères de choix des fournisseurs évoluent et que des pratiques durables sont désormais incontournables, sous peine de perdre des parts de marché. Il reste encore du pain sur la planche pour que le tourisme durable devienne la norme, et non plus un segment de marché ou de produits!
Des ressources à votre portée
Ce Guide de l’achat responsable réalisé par l’Alliance des chambres de commerce de Lanaudière est particulièrement bien fait. Il répond à toutes les questions de base : pourquoi intégrer l’achat responsable? Comment entamer une démarche? Sur quelles bases générales évaluer les fournisseurs? etc.
Ce Guide de mise en place d’une politique d’achat responsable sera utile aux organisations qui souhaitent formaliser leurs orientations par une politique écrite, notamment la section sur les différentes étapes de mise en place, la formation des employés à envisager, etc.
Ce Guide (suisse) des achats professionnels responsable offre des fiches thématiques particulièrement détaillées. On y trouve des fiches à propos des considérations générales d’importance comme la durée de vie des produits ou les emballages, ainsi que d’autres par catégories d’achats comme les nuitées hôtelières, la restauration, les prestations de déplacement (transport), etc.
Pour aller plus loin et obtenir du soutien dans vos démarches, considérez devenir membre de l’Espace québécois de concertation sur les pratiques d’approvisionnement responsable pour avoir accès à des outils et des fiches thématiques spécifiques pour le Québec.
Par Caroline Asselin
TouriScope
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