Premier symposium de Tourisme durable Québec : consensus sur l’urgence d’agir
Près de 150 participants ont assisté au premier symposium virtuel Ensemble vers un nouveau tourisme de Tourisme durable Québec (TDQ), qui a eu lieu le 3 novembre. Partie intégrante du Sommet du tourisme de l'Alliance de l’industrie touristique du Québec (AITQ), l’événement avait pour but de rassembler les acteurs impliqués dans la transition vers un tourisme durable, afin de réfléchir ensemble aux enjeux et pistes de solution à prioriser pour l’avenir. Animé de main de maître par le journaliste scientifique Yanick Villedieu, le symposium a également permis de témoigner de l’urgence d’agir, grâce aux interventions d’invités de marque, locaux et internationaux.
LES ENJEUX DE LA TRANSITION VERS LE TOURISME DURABLE
En ouverture, Sandra Gauthier, présidente de TDQ, a rappelé que la jeune organisation, née en avril 2021, est déjà représentative de tous les secteurs du tourisme québécois, de l’hébergement aux agences réceptives, et compte sur plus de 160 membres engagés dans la voie du tourisme durable. Au chapitre des actions, TDQ, a déjà réalisé des café-jasette virtuels permettant de creuser certaines notions essentielles, collaboré avec des étudiants de l’Université de Sherbrooke à un travail sur les outils et certifications actuellement disponibles en tourisme durable, et noué des partenariats avec plusieurs autres organisations comme l’ISTO, l’Association Canadienne des agences de voyages (ACTA), le média TourismExpress et l’AITQ. En conclusion, Mme Gauthier a fait état des projets sur la table de TDQ pour les prochains mois: ‘’En termes d’objectifs, nous désirons dégager les prochains enjeux qui vont permettre d’optimiser la transition durable de notre industrie, prioriser des actions collectives pour les destinations et les entreprises membres, et faire en sorte que le tourisme diminue son impact et participe au rétablissement de notre planète de façon équitable, responsable et durable’’.
Pour Guillaume Cromer, président sortant des Acteurs du tourisme durable (ATD) (France) et consultant sur cette question depuis plus de 10 ans, il y a clairement une évolution dans les enjeux du développement durable en tourisme, sujet dont on parle beaucoup depuis quelques mois dans son pays, en raison de la crise climatique. En France comme au Québec, il ne s’agit plus de parler de croissance, mais plutôt de plafond écologique, permettant de faire ce pas de côté afin de repenser son développement touristique, et trouver des nouveaux indicateurs de réussite intégrant la préservation de l’environnement et du climat.
De son côté, Guillaume Plamondon, conseiller stratégique du Ministère du Tourisme (MTO), et représentant de la ministre Caroline Proulx, a insisté sur l’importance de cette journée de réflexions et d’échanges à l’heure du redémarrage du tourisme. S’appuyant sur des sondages démontrant que plus de 60 % des voyageurs souhaitent maintenant voyager de façon plus responsable (Booking), et les recommandations de l’OMT, le ministère a lancé en février dernier son Plan d’action pour un tourisme durable et responsable, décliné sur cinq axes soit: l’économie circulaire, la mobilité durable, l’écotourisme, le respects des individus et des collectivités et l’adaptation des entreprises aux changements climatiques. Une dizaine de représentants du ministère ont d'ailleurs participé à l’événement.
SURVIVRE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES
Entrant dans le vif du sujet, avec la conférence Le tourisme pourra t’il survivre à l’enjeu climatique, Claude Villeneuve, de la chaire Ecoconseils de l’UQAC, nous annonce qu’on a enregistré une augmentation de 1.2 degrés depuis l’ère préindustrielle (1850) dont la majeure partie a eu lieu ces 50 dernières années, principalement dû aux activités humaines, et causant les dérèglements climatiques que nous subissons aujourd’hui. Selon des scénarios du GIEC, les engagements actuels des pays nous dirigent vers une augmentation globale de température de 2,7 degrés en 2050, ce qui est très important, avec des possibilités d’impacts irréversibles. Au niveau du Québec, on estime que la hausse affecterait sérieusement les activités hivernales en 2040. Le tourisme international est dépendant des énergies fossiles et selon les prévisions, nous reviendrons au même niveau de croissance que 2019 en 2023. Et d’ici là, les avions électriques n’auront pas encore commencé à voler. Dans le meilleur des cas, selon le professeur émérite, on peut encore limiter les dégâts. Les entreprises qui assurent les services associés aux activités touristiques devront agir rapidement pour connaître et divulguer leur empreinte carbone, mettre les moyens en œuvre pour la réduire, et atteindre la carboneutralité en 2050.
AGIR ET COMMUNIQUER
Poursuivant sur cette lancée, Florie Thielin, de 4R Tourisme et membre du collectif de journalistes de Voyageons autrement, nous a initié aux principes des 4 R pour le tourisme durable. Tour d’abord refuser les modèles de tourisme qui ne sont pas soutenables, puis réduire avec les notions de Slow Tourisme ou micro aventures (près de chez soi), remplacer, en choisissant des hébergements, agences de voyages et des acteurs touristiques engagés, et enfin recycler pour transformer les vieux modèles et insuffler le changement. En matière de qui doit agir, le comportement individuel peut changer les choses, en souscrivant à la Charte du voyageur responsable, un modèle depuis 1997. Les institutions sont appelées à légiférer, mais également à faire la promotion de leurs destinations autrement, et les entreprises à faire plus pour ouvrir, sensibiliser et montrer la voie. Se différencier par une expérience client respectueuse et sensible, c’est aussi assurer le futur du tourisme dans sa destination et générer un impact positif pour son entreprise, selon la spécialiste. Étapes par étapes, Florie Thielin a esquissé les actions qui permettent de se hisser au rang des entreprises durables, par des exemples concrets et une communication responsable sur les bénéfices clients.
DÉVELOPPEMENT DURABLE AU QUÉBEC : COMMENT PASSER À L’ACTION
Dans la présentation suivante, Nicolas Girard, du Fonds d’action québécois pour le développement durable (FAQDD) a pu démontrer comment intégrer des pratiques écoresponsables dans les activités touristiques, et pourquoi le faire dès maintenant. En 20 ans, le FAQDD a acquis une grande expertise et pu aider de nombreuses entreprises et institutions à améliorer leur bilan environnemental et leur compétitivité, grâce à des programmes adaptés. Actuellement, les gouvernements et les institutions intègrent les critères du développement durable dans leurs programmes d’aide et leurs réglementations, de même que les consommateurs sont à la recherche de produits durables: le contexte est donc idéal pour passer à l’action. Grâce à des centaines de ressources intégrées dans un écosystème accessible, il est possible d’aider les entreprises à participer à l’économie verte. Mentionnons notamment le Fonds Ecoleader, qui aide à identifier les enjeux, appuyer les projets financièrement et soutenir l’implantation de mesures de développement durable.
S’ADAPTER AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES
Puis ce fut au tour de Stéphanie Bleau, de l’organisation Ouranos, pôle d’innovation sur la climatologie régionale, de consolider le dialogue sur l’adaptation aux changements climatiques. Si l’industrie du tourisme est appelée à subir les risques inhérents aux phénomènes météorologiques extrêmes et de la saisonnalité, elle peut néanmoins saisir des opportunités comme moteur d’innovation dans un monde en transformation, selon la chercheuse.
Avec pour mission de préparer et adapter le Québec à la réalité climatique, Ouranos s’appuie sur un vaste réseau pour favoriser la recherche collaborative et mettre en œuvre des initiatives d’adaptation aux changements climatiques qui permettront de faire face à ces changements dans le cadre d’une économie plus verte.
La situation est préoccupante, et il faut maintenant travailler en complémentarité l’accélération de la réduction des émissions et de la mise en place de mesures d’adaptation. Il y aura des bouleversements sur les quatre saisons, à l’échelle de la province, qui affecteront les opérations quotidiennes. Les impacts déjà constatés sur les infrastructures (érosion des sentiers et des côtes, sécurité des clients, dommages matériels) réduisent la rentabilité de certains sites. Des connaissances scientifiques à jour liées aux activités touristiques permettent d’avancer autrement et d’agir pour adapter les pratiques avant que celles-ci ne soient rattrapées par les chocs et stress climatiques. Ainsi, certaines régions comme celle des Îles de la Madeleine ou de Québec, et le secteur du ski alpin préparent le changement. Le développement durable et l’adaptation aux changements climatiques sont des alliés pour construire une économie touristique plus résiliente, cultiver et faire rayonner une nouvelle image de marque et générer de l'innovation tant au niveau des produits que des services et des emplois.
DE HELSINKI AU QUÉBEC, QUELQUES EXEMPLES DE BONNES PRATIQUES
Le tourisme nordique connaît une hausse et Helsinki n’y fait pas exception. Lors de sa rafraîchissante conférence, Jukka Punamäki (Travel and Tourism Helsinki) nous a expliqué comment la capitale de la Finlande s’est engagée dans le tourisme durable. Tout d’abord en misant sur l’acceptabilité sociale, en effet, les résidents doivent obtenir des bénéfices et non pas subir les inconvénients du tourisme. Leur deuxième objectif est la carboneutralité en 2035, avec un plan d’action de 140 mesures pour y arriver et un site web permettant de voir l’avancée vers cette cible, stimulant ainsi la participation de la population locale. La mesure de l’empreinte carbone des entreprises touristiques ainsi qu’un programme Zéro empreinte environnementale pour les restaurants participent aussi au succès de cette démarche. Helsinki fait partie du GDS index (Global Destination Sustainability Index), une reconnaissance des stratégies d’amélioration des destinations durables, avec un classement général. Pour se hisser à la première place, Helsinki ne ménagera pas ses efforts, en s’appuyant sur des programmes innovants comme Think Sustainably, qui fait la promotion des entreprises répondant aux critères du développement durable dans la communauté.
Au Québec, les bonnes pratiques fleurissent aussi, tels qu’en ont témoigné plusieurs acteurs de l’industrie. Pour les attraits et activités touristiques, Hugues Sansregret Responsable du développement durable, pour la SEPAQ nous expliquait que pour ses 47 établissements, il y a eu un appel mobilisateur depuis quelques années déjà, qui a suscité la mise en place d’un plan de développement durable, afin de repositionner les parcs nationaux, qui accueillent annuellement 9 millions de visiteurs. L’enjeu de la préservation de la biodiversité est le point d’appui de cette démarche, tout comme l’éducation du visiteur. Parmi les défis du futur, l’électrification des transports et la réduction énergétique dans les structures sont à l’ordre du jour.
C’est Johanne Caron, directrice ventes et marketing Château Laurier, qui prenait la parole pour le secteur de l’hébergement et de la restauration. L’hôtel situé à proximité de l’arrondissement historique du Vieux Québec a commencé ses démarches lors d’une rénovation au début des années 2000, en s’inspirant du principe de la protection du patrimoine culturel comme guide et en intégrant peu à peu les autres principes du développement durable. Parmi leurs réalisations, notons la création de la certification Hotel Francoresponsable supportant la culture d’expression française. L’introduction sur la plateforme de réservation en ligne de l’achat de crédit carbone pour les clients entre dans leurs prochains objectifs, tout comme la révision de leur modèle d’affaire, axé sur l’écoresponsabilité.
C’est en prenant le large que nous avons abordé le secteur des destinations, avec Michel Bonato, directeur de Tourisme Îles de la Madeleine. Confronté à de nombreux défis, l’ATR garde le cap sur sa mission de développement de la destination, mais en respectant la population locale et en améliorant l’expérience client. Une stratégie basée sur l’innovation, liant le territoire, la population et le tourisme, et axé sur la qualité de vie ainsi que le rapport visiteur visité. La destination, sculptée par le climat, est sensible à celui-ci, ce qui nécessite une constante adaptation. On s’oriente sur l’intelligence touristique avec la création de six produits de niche déclinés sur les quatre saisons, permettant de mieux gérer les flux touristiques, et sur la mobilisation pour le tourisme durable.
Isabelle Pecheux directrice de l’agence Passion Terre nous a partagé son profond engagement pour la cause, puisqu’elle dirige la première agence de tourisme durable membre du réseau de distribution au Québec. Convictions qu’elle a su insuffler à son équipe, qui concocte des forfaits carboneutre et suggère des itinéraires de voyages en phase avec les attentes des voyageurs responsables, de plus en plus nombreux. Elle a mis en place une communauté de fournisseurs engagés qui lui garantissent une expérience respectueuse de l’environnement et des populations locales. Parmi les voyages proposés, citons un itinéraire en train vers l’Abitibi, à la rencontre des associations de protection locales et d’expériences natures. La conception de circuits sans voiture, axée sur la marche ou le vélo, de même que de plus longs séjours, est dans ses cartons.
D’emblée, comment ne pas être séduit par NANA, la navette nature, dernière fleur ajoutée au bouquet de bonnes pratiques de ce symposium, pour le secteur des transports. Catherine Lefebvre, sa directrice, nous a révélé qu’à l'origine le but était tout simplement de rendre les parcs naturels plus accessibles aux citadins. Depuis ses débuts, NANA et a transporté 6 900 personnes vers les parcs nationaux. Ce transport collectif a beaucoup de retombées positives, tant au niveau social qu’environnemental, puisque lors du transport on fait de la sensibilisation à la nature. Le grand objectif est maintenant d’avoir des autobus électriques et NANA est à la recherche de partenaires pour y arriver. La Navette Nature pourrait aussi voir sa jumelle s’installer à Québec pour accomplir la même mission.
Ces exemples inspirants ont nourri les discussions lors des ateliers thématiques qui ont conclu cette passionnante journée.
DES ATELIERS ANIMÉS AUTOUR DES DÉFIS À RELEVER
Divisés en quatre secteurs, les ateliers Ma transition durable ont permis de dégager les principaux enjeux rencontrés par les organisations et entreprises engagées dans le processus. Voici quelques défis évoqués lors des échanges.
Pour les destinations, il est important de voir la transition durable comme un écosystème. Ce changement ne peut se faire seul, mais en s’appuyant sur l’intégration des parties prenantes. Comment disséminer cette volonté dans les entreprises touristiques, et les outiller correctement reste un défi, pour diverses raisons, dont le manque de ressources humaines.
Les membres de l’atelier attraits et activités ont identifié un problème l’approvisionnement local en produits éco responsable, la difficulté de convaincre certains décideurs, et le manque d’indicateurs et de tableaux de bord pour se lancer dans une démarche mesurable. Peu de certifications semblent pertinentes et en français. Les petites structures ne voient pas comment s’intégrer au mouvement, il faut les amener à voir cela comme un investissement. Communiquer nos bons coups afin de nous mobiliser.
Pour les réseaux de distribution, il y a une difficulté pour identifier les prestataires de services responsables. Le volet du transport dans son ensemble représente 70 % des émissions GES. Inciter les voyageurs à prendre un vol direct, et inclure un montant dans la vente des forfaits pour qu’il soit carboneutre sont des solutions envisagées.
Hébergement: les préoccupations sont similaires, Il y a aussi l'impression de manquer de temps, d’argent et de collaborateurs pour prendre le virage vers le tourisme durable.
CONCLUSION ET PROJETS D’AVENIR
Depuis des mois, TDQ réfléchit aux solutions pour faciliter la transition durable, par exemple avec une feuille de route basée sur les succès des pionniers dans ce domaine au Québec. À ce projet s’ajoute une planification stratégique à laquelle tous sont invités à participer. L’engagement des entreprises, des indicateurs de performances mesurables et équitables, un diagnostic efficace et une trousse d’outils concrets pour passer à l’action sont des éléments clés pour que le mouvement prenne de l’ampleur et fasse boule de neige. Car l’urgence climatique n’attend pas!
En cette semaine importante pour le climat, TDQ invite tous les gens concernés à signer, à son exemple, la Déclaration de Glasgow et à s’engager pour l’avenir de la planète et de l'économie verte.
REMERCIEMENTS
TDQ souhaite remercier Geneviève Turner, coordonnatrice et Véronique Kerjean, présidente du Symposium, le comité scientifique, soit Claude Villeneuve, Marc-Antoine Vachon et Yves Fréchette; tous les bénévoles ayant contribué à l’organisation, les conférenciers et animateurs, ainsi que les partenaires ayant soutenu cet événement : La Semelle verte, le Ministère du Tourisme du Québec, et Huttopia.
Yanick Villedieu, Geneviève Turner et Véronique Kerjean
VOIR LES CONFÉRENCES EN REDIFFUSION ET ACCÉDER AUX DOCUMENTS DE RÉFÉRENCE
Ces conférences de qualité seront bientôt disponibles en rediffusion. Il sera possible d’y accéder moyennant une contribution, qui vous permettra également d’obtenir tous les liens vers les dossiers et documents cités dans les présentations. Surveillez l’annonce qui sera bientôt faite à ce sujet.
Pour rejoindre l’organisation et pour plus d’informations visitez : tourismedurable.quebec.
À propos de l’organisation Tourisme durable Québec
L’organisation Tourisme durable Québec est indépendante, et sans but lucratif. Son conseil d’administration et ses membres représentent tous les secteurs du tourisme et des voyageurs engagés sur la voie du tourisme durable. Notre objectif est de faire du Québec une destination modèle du tourisme durable par un mouvement solidaire et collectif.
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