Politique… touristique

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Louis RomeDepuis des années, il est question au sein de l’industrie touristique de revoir nos manières de faire. Voilà que depuis l’élection du gouvernement Couillard l’atteinte de l’équilibre budgétaire, véritable mantra pour le gouvernement, est au cœur des actions des ténors libéraux. Qui, pour arriver à leurs fins, n’hésitent pas à bousculer le modèle dit québécois.

La ministre du Tourisme, Dominique Vien, n’est pas en reste avec la révision du modèle d’affaires de l’industrie et de sa gouvernance, mais de nombreux acteurs touristiques commencent à se rebiffer.

Au cœur des remontrances de l’industrie, le contrôle de la taxe sur l’hébergement (TSH). Un enjeu, aujourd’hui, de près de 50 millions de dollars par année, qui pourrait être augmenté de 15 à 25 M$ si un taux unique de 3.5% ou 4% était imposé. J’ai la nette impression que les travaux pour revoir nos manières de faires en tourisme risquent de déraper sérieusement parce que pour le gouvernement, les objectifs budgétaires et politiques veulent prendre le dessus sur les véritables enjeux de l’industrie.

Quand la et le politique s’en mêlent
Les sorties dans les médias, des derniers jours, sur la taxe sur l’hébergement (TSH), d’associations hôtelières, d’ATR et de députés de l’opposition étaient prévisibles, le changement n’est jamais facile encore moins quand on ne sait pas où on s’en va.

D’autant plus facile à prévoir, quand l’industrie touristique a été maintes fois échaudée par le passé alors que les enjeux politiques prenaient le pas sur ceux de l’industrie.

De plus, quand les véritables échanges sur la révision du modèle d’affaires et sa gouvernance se font « derrières des portes closes ou dans les corridors de l’industrie » où seuls quelques initiés ont accès. Eh bien! Devant l’inconnu et comme moyen ultime, il ne reste qu’à la plèbe de prendre le micro.

Et voilà que, la loi de l’Omertà, au sein de l’industrie en prend pour son rhume, car de plus en plus d’intervenants touristiques la brisent aux grands bénéfices de tous. Les sorties médiatiques des derniers jours et la lettre des 8 signataires, du 8 décembre dernier, sur le besoin d’un électrochoc au sein de l’industrie en sont une démonstration.

Un débat qui risque de déraper
Comment voulez-vous que les intervenants touristiques aient confiance en la démarche de la ministre dans le contexte actuel, où la cible budgétaire du gouvernement se substitue aux véritables enjeux de l’industrie. Et que le cimetière des bonnes intentions en matière de modèle d’affaires et de gouvernance touristique des différents gouvernements affiche complet.

En rappel, les nombreuses demandes de l’industrie touristique pour une agence marketing ou une société d’État autonome (1993, 2003, 2004 et 2014) qui ont toujours fini en queue de poisson. Le tourisme est ballotté depuis plusieurs années d’un ministère à l’autre, d’un ministre en titre, à un ministre délégué (sans portefeuille) au gré des partis et des enjeux politiques (Le yoyo de la gouvernance touristique au Québec, novembre 2013). Excusez l’aparté, mais c’est plus fort que moi.

Où est la ministre?
Le 9 décembre dernier lors de la rencontre de l’AQIT, le chef de cabinet de la ministre prenait la parole pour expliquer que le ministère se questionnait sur le statut de la TSH à savoir si elle était publique ou non. La brève allocution du Pierre Milette était en quelque sorte prémonitoire de la situation actuelle, en plus d’être la première à laquelle j’ai assisté où un chef de cabinet du Tourisme prenait la parole dans une assemblée publique sur un enjeu aussi important.

Ce week-end, dans Le Soleil, c’était au tour de la porte-parole de la ministre de répondre aux questions sur la réflexion de la ministre et du ministère, à propos d’une centralisation possible de la TSH et de l’imposition d’un taux unique. Le dossier de la gestion de la taxe est suffisamment sensible, et c’est peu dire, pour que ce soit la ministre qui adresse le point sur sa réflexion et non les membres de son cabinet.

Le contrôle de la taxe sur l’Hébergement (TSH)
Je ne vous referai pas l’historique de la TSH, mais un fait demeure, celle-ci a été mise en place par le gouvernement pour le développement économique des régions suite à un vote libre du secteur de l’hébergement via les ATR. Doit-on remettre en question la gestion de la TSH? Sans l’ombre d’un doute. Dans la mesure où cela se fait à l’intérieur de la réflexion beaucoup plus large qui porte sur notre modèle d’affaires et de sa gouvernance.

Les sorties des acteurs touristiques des derniers jours démontrent que quelque chose cloche dans la démarche actuelle.

La taxe sur hébergement doit être au service de l’ensemble de l’industrie et non de ses structures. Ce sont les entrepreneurs et leurs entreprises qui doivent être au cœur de la réflexion. Toutefois, je crois que pour gérer la TSH, les ATR sont les plus aptes à le faire, mais à condition de revoir leurs manières de faire.

Nombreux parmi vous diront que j’ai un préjugé favorable pour les ATR, comme ex-DG de celle de la Gaspésie et ex-DG d’ATR associées du Québec.

Mais, je remets aussi en question depuis plus de deux ans dans mes textes, le modèle d’affaires de l’industrie et sa gouvernance (rôle et responsabilité, nombre de structures, complexité pour les entrepreneurs de s’y retrouver, etc.) incluant le travail et la performance des ATR, ATS, CLD, Offices, du ministère, de DEC, etc.

La révision du modèle d’affaires et de sa gouvernance en tourisme est quant à moi mal entamée par le gouvernement ou du moins elle soulève beaucoup de questions.

En plus de la réflexion sur la gestion de la TSH, quelle est la vision du gouvernement Couillard pour la gouvernance régionale, avec l’abolition des CRÉs, le transfert des responsabilités des CLD aux MRC, mais avec une enveloppe amputée de 40 M$ sur 72 M$ et les demandes répétées des municipalités pour une gouvernance de proximité où le développement touristique prendrait place?

Tout cela sent l’improvisation et risque d’avoir un impact négatif sur l’industrie touristique.

« Un ministère fort »
J’ai un autre doute qui m’assaille. Est-ce que la demande de l’AQIT, d’ATR associées du Québec et d’ATS Québec pour un « ministère du Tourisme fort », formulée lors de la rencontre annuelle de l’AQIT le 9 décembre dernier, a mal été interprétée par la ministre qui aujourd’hui évalue la possibilité de centraliser la gestion de la TSH et d'imposer un taux unique à 3,5% ou 4%. Pourtant la demande des trois associations était à l’effet de s’assurer que le tourisme soit bien représenté au sein de l’appareil gouvernemental via un(e) ministre dédié(e) au Tourisme. La réaction de la ministre ne m’étonne pas, alors que le gouvernement a besoin d’avoir les coudées franches pour imposer le retour à l’équilibre budgétaire.

De plus, un ministère fort, comme semble l’interpréter la ministre, signifie que les enjeux politiques continueront d’avoir trop souvent préséance sur ceux de l’industrie.

Il est essentiel que le tourisme se dote d’un organisme (agence, société d’État ou autre) qui soit autonome financièrement et indépendant politiquement. C’est la seule manière d’éviter que les politiciennes et les politiciens confondent « le marketing politique avec le marketing touristique ».


Collaboration spéciale, Louis Rome