OPINION: Limiter le nombre de visiteurs, une future norme mondiale ? par Stéphane Tellier
4 heures d’attente puis avoir 30 secondes pour contempler les merveilles de la chapelle Sixtine, à cause qu’il y a trop de monde; c’est ça le voyage de rêve? Des heures d’attente vécues par des millions de tourisme partout sur la planète en raison de la saturation des lieux touristiques.
Voulons-nous revenir aux anciennes pratiques ou en créer de nouvelles?
Chaque année, nous étions des millions à prendre avion, train ou bateau de croisière pour découvrir le monde. Nous encouragions des millions de travailleurs de l’industrie touristique aux quatre coins de la planète pour découvrir ses richesses naturelles et humaines.
Or, depuis quelques mois, nous sommes confinés à la maison pour des raisons de santé mondiale. Selon moi, il est essentiel que nous, voyageurs, spécialistes du voyage et législateurs, prenions ce temps de pause pour bien penser à la reprise touristique. Je n’ai aucun doute que l’industrie rêve de retourner à une situation semblable à l’avant-pandémie. Toutefois, notre façon de voyager est-elle la meilleure façon ou devrait-on la changer? Le concept même de vacances devrait-il évoluer?
COMME TOURISTES, NOUS N’ÉTIONS JAMAIS SEULS
Depuis que je suis confiné, je pense beaucoup aux avantages et aux inconvénients du voyage. Au départ, nous souhaitons tous admirer des sites extraordinaires, naturels ou urbains, dans leur plus grande beauté. Nous voulons en profiter dans l’harmonie et sans nous sentir envahis par nos congénères. Ces dernières années, plusieurs expériences m’ont laissé un arrière-goût amer. Je m’étais convaincu qu’à certains endroits, il n’y aurait aucun déchet ni foule sur les lieux et, surtout, que mon séjour bénéficierait à la communauté locale. J’ai plutôt réalisé que j’étais loin de cette promesse d’un paradis authentique et intact. Pourtant, ces endroits étaient fantastiques… avant qu’on y débarque par millions.
Voyager a toujours été pour moi une grande motivation, car c’est ainsi qu’on peut découvrir l’incroyable monde que nous avons construit ensemble. Malheureusement, c’est devenu aussi une façon de nous montrer la triste réalité des inégalités vécues par les communautés qui nous reçoivent pour presque rien, ne parviennent pas à gérer nos déchets et sont envahies par notre présence. Alors que leur qualité de vie devrait augmenter, ces communautés vivent plutôt une diminution considérable. Je pense aussi à l’émission de polluants de chaque vol d’avion ou bateau de croisière, ce qui contribue grandement aux changements climatiques.
REPARTIR DEMAIN OUI, MAIS DANS QUELLES CONDITIONS ?
Tranquillement, les frontières rouvriront, le monde se reconnectera et l’envie de prendre le large nous reprendra. Nous devons saisir l’occasion pour faire face aux réalités les plus laides de nos voyages. Je crois que c’est le moment crucial de faire passer les voyages et le tourisme à un niveau véritablement durable.
Une réflexion a d’ailleurs débuté depuis plusieurs années dans les villes saturées comme Venise, Barcelone et Amsterdam. Imaginez-vous un instant comment, en ces temps de confinement, ces villes respirent mieux et comment leurs habitants peuvent se réapproprier leur lieu de vie sans ces hordes de visiteurs. C’est certain que plusieurs ressentent l’impact économique de cette pause du tourisme et qu’il y aura des répercussions à long terme.
Le maire de Venise réfléchit justement aux différentes approches à mettre en place pour ne pas revenir à la case départ et revivre les mêmes désagréments. Limiter l’accès à un certain nombre de visiteurs préserverait-il les lieux et les habitants du nombre grandissant de voyageurs? Un nombre limité de visiteurs pourrait-il devenir une norme mondiale? Pourrait-on développer des normes de pratiques durables et équitables pour les lieux les plus recherchés, là où la nature et les communautés ne peuvent plus gérer cette surdemande? La plupart des pays ont un plan d’entraide économique pour aider leur industrie touristique. Ces milliards de dollars devraient-ils inclure des clauses de durabilité et de responsabilité?
QUE SERONT LES NOUVEAUX BARÈMES À SUIVRE ?
L’industrie touristique doit adopter de nouveaux barèmes pour un tourisme durable et respectable. C’est certain que nous devrons changer nos rêves de voyage, mais, si c’est bénéfique pour la planète, cela n’en vaut-il pas les efforts ? Sommes-nous prêts à accepter qu’à défaut de voir la Joconde au moment où on le désire, nous découvrirons un tableau moins célèbre, comme le nombre de visiteurs est limité ? Pourquoi pas ; surtout si on a la garantie que nous profiterons pleinement de notre voyage de rêve tant attendu sans nous sentir envahis par la présence des autres voyageurs !
Nous avons respecté les consignes de confinement pour des questions de santé. Je suis certain que nous pourrions adopter des consignes de visite pour nos prochains voyages.
Stéphane Tellier, Bourlingueur
Animateur radio des escales du Bourlingueur au FM103.3
Animateur Télé à Évasion de Guide & Bourlingueur
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