OBNL et concurrence déloyale : le vrai débat
« Les organismes à but non lucratif (OBNL) constituent une source de concurrence déloyale; elles nuisent ainsi au développement des entreprises à but lucratif et, par conséquent, à l’essor de l’industrie. » Voilà une opinion assez répandue chez les entrepreneurs en tourisme.
L’industrie touristique se décline en 5 secteurs : les services touristiques (agences de voyage et information touristique), le transport (de personnes), l’hébergement, la restauration et enfin les activités. Les OBNL se retrouvent presque exclusivement dans 2 secteurs, soit les services touristiques et les activités. Nous concentrons notre réflexion sur le secteur « Activité », lequel englobe toute une série d’organisations disparates, avec ou sans but lucratif : stations de ski, musées, vignobles, terrains de golf, églises, agrotourisme, parcs linéaires, zoos, glissades, spas, parcs d’attractions, etc. En résumé, on y regroupe tout ce qui justifie le déplacement du client.
J’ai entendu souvent dans des discussions de corridor des récriminations portant sur la présence dans notre industrie d’entreprises d’économie sociale (OBNL). À chaque fois, les entrepreneurs s’en prennent aux soi-disant avantages indus consentis aux OBNL, lesquelles :
- ne paient pas d’impôt,
- bénéficient parfois de congé partiel de taxes municipales et scolaires,
- ont accès à des programmes de subventions.
Or, si cette structure juridique n’avait que des avantages, pourquoi ne serait-elle pas omniprésente dans l’industrie, voire dans tous les secteurs de l’activité économique? Voici les désavantages dont on parle peu :
- Accès difficile au crédit. Les entrepreneurs touristiques sont bien au fait de la difficulté d’emprunter. Imaginez la situation d’un OBNL, qui le plus souvent n’a aucun actif à mettre en garantie. (Investissement Québec et Fondaction CSN ont développé des outils, mais l’opération demeure ardue.)
- Récupération limitée des taxes de vente. Les règles désavantagent les organismes subventionnés.
- Lourdeur de gestion. Un OBNL est géré par un CA de bénévoles, parfois contrôlé par le politique, ce qui peut compliquer la prise de décisions.
En bref, tout a l’air plus vert chez le voisin, mais dans les faits, les plus et les moins coexistent des 2 côtés de la clôture. Pour tous les autres aspects liés à la prestation de services, les mêmes lois et règlements s’appliquent. Le client-touriste, quant à lui, s’intéresse au produit et au rapport qualité/prix, et non à la structure juridique du fournisseur.
En dehors de Montréal, Québec et certaines zones touristiques à haut potentiel, le secteur « Activités » est très difficile à rentabiliser pour une entreprise à but lucratif. L’apparence de concurrence déloyale existe peut-être sur un territoire donné entre 2 infrastructures apparentées, mais d’un point de vue macro, les OBNL bonifient grandement l’offre touristique dans toutes les régions du Québec. Elles améliorent aussi la qualité de vie des résidents et contribuent à rendre le produit touristique socialement acceptable dans plusieurs régions.
En matière de produit, la cohabitation d’entreprises à but lucratif et non lucratif doit être encouragée. Demandez aux hôteliers, aux restaurateurs et à tous ceux qui bénéficient de la proximité de ces attraits, s’ils se préoccupent du statut juridique du voisin, lequel fait sonner leur caisse enregistreuse. Voilà un débat qu’il faut évacuer à l’heure de la recherche de cohésion pour améliorer la performance. La véritable question devrait être plutôt : « Est-ce que nous utilisons de façon optimale le potentiel des coopératives et des OBNL pour le développement de produits touristiques novateurs? » Devrait-on par exemple, à l’instar du secteur événementiel, créer des entreprises à double statut?*
Une réflexion constructive s’impose pour dépasser les stériles chicanes de clôtures.
Collaboration spéciale, Adèle Girard
* Le groupe Spectra promoteur de spectacle à but lucratif et le groupe Spectra, OBNL pour le volet événement gratuit des Francofolies.
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