Le touriterrorisme

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Rares sont les mots affichant une graphie aussi ironiquement semblable tout en creusant un si grand fossé dans leur signification. Tourisme et terrorisme. L’antithèse. Le touriste, par définition, boude ce qui rime avec problème ou qui en a la moindre apparence dans un coin du globe, pour toutes sortes de raisons qui lui sont propres: vacancières, amicales, sanitaires, professionnelles, familiales ou autres. Il veut bien aller au bout du monde, mais pas pour un voyage au bout de l’enfer.
 
Son choix est si vaste, lui que s’arrachent les destinations, qu’il optera volontiers pour une ville, une région, un pays réputé « sécuritaire », comme en a grandement bénéficié cette année le milieu touristique québécois.
 
Mais voilà, une culture terroriste frappe la planète, une sorte de mondialisation de la terreur par quelque État boulimique qui aspire à mouler le monde à sa tragique façon.
 
Il y a bien un « tourisme de catastrophe » qui s’est développé pour la visite de lieux sinistrés. Une forme de voyeurisme cynique. Dans L'Obs français du 15 octobre dernier est cité un jeune Australien qui en avait « marre d’aller à Bali ou en Thaïlande, comme tout le monde. On a les mêmes vacances que ses voisins, les mêmes photos Facebook, les mêmes gastros, les mêmes récits de voyage ennuyeux à mourir. Quand je rentrerai, je pourrai dire “j’ai fait l’Irak”, et là je ne serai plus un touriste, tu vois : je serai un héros. »
 
Courageux mais pas téméraire, il demandera tout de même que son nom soit modifié... écrit la journaliste Anne-Sophie Faivre Le Cadre.
 
On sera plus tranquilles chez nous, chéri !
 
Le phénomène du « terrorisme touristique », lui, n’est pas nouveau, souligne Michel Archambault, professeur émérite en tourisme à l’UQAM. « Dans tous les cas, les troubles vont perturber une région pendant quelques mois ou même quelques années, et diriger les gens ailleurs. » Les individus ne cesseront pas de voyager partout sur la boule ronde, comme l’attestent les statistiques, et les moindres recoins du monde, même les plus confidentiels, sont désormais explorés.
 
« La catastrophe pour les acteurs de l’industrie réside dans la répétition des actes terroristes », poursuit-il. Or, depuis le 11-Septembre 2001, ils se multiplient. Paris, Nice, Bruxelles, Istanbul… C’est là qu’intervient notamment le staycation (stay at home vacation, ou vacances à la maison) qu’évoquait récemment dans ces pages la journaliste Carolyne Parent.
 
Selon le World Travel and Tourism Council, l’industrie du tourisme a généré 7200 milliards de dollars américains en 2015 et contribué à un emploi sur 11 dans le monde. Soit. Ce qui ne veut pas dire que les voyageurs cherchent le trouble. Et lorsque sévit la terreur dans un lieu, même étroitement circonscrit, le pays entier pourra en être affecté.
 
Pendant l’épidémie de SRAS qui avait secoué Toronto à l’époque, certaines personnes évitaient tout le « Canada » par crainte de contamination. De Vancouver à Charlottetown, même combat. Les bibittes se paient de beaux voyages. Et vite !
 
Plusieurs Japonais, eux si friands de visiter le site qui a inspiré Lucy Maud Montgomery pour son roman Anne… la maison aux pignons verts, avaient aussi boudé l’île du Prince-Édouard (« au Canada ») par crainte du virus concentré à Toronto…

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Source: Le Devoir