L’art de débattre en cette période de turbulence, par Louis Rome
Je fulmine, je rugis, mes doigts s’entrechoquent sur mon clavier, mon rythme cardiaque est à 180, mon interlocuteur est dans le champ gauche ou droit, dans les deux cas il ne comprend rien, il se fout totalement de mon point de vue. C’est dur à admettre, surtout quand on est seul avec soi-même.
Nous avons tous été confrontés sur les réseaux sociaux, lors d’une réunion du comité X, à moins que ce soit du comité Z, ou lors d’un conseil d’administration, à un interlocuteur obtus. Comment échanger, comment débattre alors que le sujet nous tient à cœur?
Martin Desrosiers, qui signe un texte, « L’art de ne pas avoir raison » dans la section philo du Devoir, nous propose 4 règles inspirées « De l’art de conférer » chapitre des Essais, l’œuvre central de Michel de Montaigne (1533-1592).
La première règle : maintenir ses idées à distance. Martin Desrosiers souligne que la solution consiste à ne pas tomber amoureux de nos convictions, mais à les maintenir à une saine distance, surtout si « une opinion contraire est perçue comme une menace à notre égo ».
Deuxièmement, ne pas avoir peur d’accueillir la contradiction. Selon l’auteur, de Montaigne suggère « d’adopter une attitude hospitalière à l’opinion adverse ». C’est ainsi que pour Montaigne « Quand on m’est contraire, on éveille mon attention, non pas ma colère : je m’avance vers celui qui me contredit, qui m’instruit ». Je ne sais pas pour vous, mais ce n’est pas toujours facile de faire preuve d’autant de sagesse.
Troisième règle, douter de tout, surtout de soi. Martin Desrosiers résume le tout en suggérant « de demeurer suspicieux par rapport à sa propre tendance à adhérer trop rapidement et trop résolument à ce qui peut sembler à vue d’œil convaincant ». Comme il le souligne, « c’est que la pensée critique passe d’abord et surtout par l’autocritique ».
Quatrième règle, bien choisir son interlocuteur, ce qui n’est pas toujours évident, surtout sur les réseaux sociaux. L’auteur nous rappelle que pour de Montaigne « Il est impossible de traiter de bonne foi avec un sot ». Il ajoute plus loin qu’il nous faut éviter à tout prix « le pédant », le pire sot qui soit, selon de Montaigne. C’est que le pédant n’a que faire de la vérité : le sujet débattu n’est qu’un prétexte. Cette « lourde tête » n’a de sagesse que l’apparat : il n’est pas en quête de savoir, mais de reconnaissance et de pouvoir, et nous n’avons donc rien à attendre de lui. Et vlan!
Quatre règles de base à suivre, mais pas toujours évidentes, surtout quand un sujet ou un enjeu nous tient à cœur. La lecture de cet article porte toutefois à réflexion sur nos échanges avec l’autre, surtout en cette période de turbulence.
Bon débat!
Source : Le Devoir de philo – L’art de ne pas avoir toujours raison, Martin Desrosiers, 25 février 2023
Lire aussi:
Les plus commentés