Jules Savoie, réponse à la ministre Dominique Vien
Jules Savoie, directeur général de l’Association des plus beaux villages du Québec, partage sa réflexion sur le modèle d'affaires et la gouvernance tel que demandé par la ministre Dominique Vien.
Comme M. Savoie, TourismExpress vous invite à nous transmettre vos suggestions pour améliorer le modèle d’affaires du tourisme à info@tourismexpress.com.
SUJET : Suggestions de nouveau modèle d’affaires et de gouvernance du tourisme au Québec.
DE : Jules Savoie, directeur général de l’Association des plus beaux villages du Québec
Madame la ministre du Tourisme du Québec,
Suite à votre invitation à partager opinions et réflexions sur le modèle d’affaires et de gouvernance du ministère du Tourisme du Québec (MTO), je vous soumets par la présente, une réflexion personnelle alimentée par une implication souvent bénévole à promouvoir l’offre touristique rurale autant chez nous qu’ailleurs dans le monde depuis septembre 2007.
En réponse au message d’austérité véhiculé par le Conseil du Trésor, (CT) il est essentiel que le modèle de gouvernance actuel du MTO soit revu de fond en comble avec courage et audace. Certaines de mes suggestions sont drastiques puisqu’il faut réduire les coûts inhérents à la structure morcelée du ministère (dont la lourdeur administrative décourage plusieurs initiatives innovantes) au profit d’une flexibilité qui privilégiera l’implication locale et régionale.
Parallèlement, il faut aussi trouver des sources de revenus additionnels pour stimuler la croissance des recettes touristiques, laquelle croissance demeure anémique et bien en deçà des résultats obtenus par d’autres provinces et pays. Le tourisme au Québec représente 2,5% du PIB. Le tourisme en Grèce, pays aux prises avec des difficultés financières énormes, représente aujourd’hui 20% du PIB. Aurions-nous des leçons à tirer de l’expérience grecque?
Force est d’admettre que depuis le dépôt du rapport du Comité performance de l’industrie touristique en mai 2011, les problèmes demeurent sensiblement les mêmes aujourd’hui :
- Des produits vieillissants et pas assez de nouveaux projets ;
- Un management morcelé et trop de structures ;
- Une baisse marquée des investissements privés ;
- Un dollar canadien fort, moins de touristes américains et une plus grande dépendance envers le marché québécois ;
- Une croissance mondiale accompagnée d’une plus grande compétition ;
- Un sentiment d’urgence et une forte volonté de changement de tous les intervenants !
Il est temps de remplacer les structures administratives actuelles par une volonté concertée d’attirer ici un tourisme axé sur l’offre d’exception que représentent notre culture, nos patrimoines et notre image francophone à travers le monde. Pour ce faire, je vous suggère les démarches suivantes :
DIMINUER LES DÉPENSES :
- Remplacement du MTO actuel par une Agence de Développement Touristique (ADT) de type Atout-France;
- Abolition des structures administratives actuelles des 22 Associations Touristiques Régionales (ATR) et des 19 Associations Touristiques Sectorielles (ATS) et les regrouper sous 9 Instances Régionales de Développement Touristique (IRDT)
- Montréal;
- Capitale nationale;
- Gatineau/Abitibi-Témiscamingue/Laurentides;
- Montérégie/Estrie/;
- Mauricie/Portneuf/Centre-du-Québec;
- Chaudière-Appalaches/Bas-Saint-Laurent;
- Charlevoix/Saguenay-Lac-Saint-Jean/Côte-Nord;
- Gaspésie/Îles-de-la-Madeleine;
- Grand Nord
lesquelles IRDT auront pour mission de coordonner l’offre touristique urbaine et régionale avec les acteurs des milieux régional et municipal
- Cure de minceur obligatoire de tous les Festivals et Évènements qui devraient pouvoir s’astreindre à des subventions moindres sans pour autant mettre en danger leur existence (Juste Pour Rire, F1, Coupe Rogers, FFM, Régates, etc…);
- Rationalisation des campagnes publicitaires télévisées souvent redondantes de région en région et diminution drastique de leur fréquence de parution au Québec;
- Utilisation de l’expertise existante des professionnels en publicité au sein du gouvernement et/ou utilisation des forces vives de nos étudiants universitaires en technologie numérique avant de confier des mandats disparates à des firmes de communication externes;
- Élimination des chasses gardées et du travail en silo incrustés dans le fonctionnement des regroupements à vocation touristique qui ne contribuent qu’à une confusion généralisée auprès de la clientèle sollicitée, qu’elle soit du Québec ou d’ailleurs. (Exemple : 13 organismes distincts font la promotion touristique du fleuve Saint-Laurent);
- Abandon graduel des bureaux d’accueil touristique secondaires et transmettre la gestion de 9 bureaux d’accueil régionaux aux IRDT;
- Diminution drastique de la distribution de brochures touristiques au profit de l’utilisation accrue des réseaux sociaux (dont les plateformes sont gratuites);
- Simplification (streamlining) du site Web Québec Original (tout le monde s’y perd…) complémentée par l’adoption d’une application mobile touristique unique pour le Québec.
SOURCES D’AUGMENTATION DES REVENUS :
- Augmentation de la taxe d’hébergement dès janvier 2015 à 4%, de façon uniforme, applicable à tous les établissements hôtes (même si les services de booking.com, airBnB et autres plateformes de réservation sont utilisés).
- Pénalités et amendes enfin appliquées pour auberges, gîtes, maison de tourisme et chalets dont l’offre d’hébergement illégal se poursuit encore à ce jour.
- Récupération des surplus budgétaires et fruits de placements financiers enregistrés par les ATR depuis le début de leur existence.
- Taxe spéciale de 1% sur tout vol au départ du Québec pour destinations hors Canada.
RÉPARTITION DES NOUVEAUX REVENUS :
- Augmentation de la taxe d’hébergement à un taux uniforme de 4% par nuitée : redistribution du 4% directement aux municipalités aux fins exclusives de promotion du tourisme local et de bonification de programmes d’accueil sur le terrain.
- Pénalités et amendes et récupération des surplus des ATR : création d’un comité de surveillance touristique provincial dont la mission première sera de vérifier l’efficacité du marketing touristique. De plus, ce comité devra favoriser une recherche fondamentale sur la perception de l’offre touristique du Québec à l’étranger et être à l’affût des tendances nouvelles en tourisme et des marchés en émergence.
- Taxe spéciale de 1% sur tout vol au départ du Québec pour destination hors Canada : création d’un bureau de développement de la spécificité de notre offre touristique international et chargé d’en coordonner la promotion; notre offre touristique internationale pourrait être bonifiée par cette instance tout en utilisant les facilités déjà existantes des Maisons du Québec du MRIF au lieu des doublons créés par nos Maisons de Tourisme à travers le monde. De plus, le produit touristique *QUÉBEC* devrait être inclus dans les missions économiques du MRIF.
L’objectif poursuivi par nos suggestions ne remet pas en question la qualité du personnel actuellement à l’emploi du MTO mais suggère plutôt une décentralisation des structures existantes propice à l’éclosion de concepts novateurs issus d’intervenants locaux et régionaux. Ce recours à la créativité locale est une exigence fondamentale qui ne peut être mieux illustrée que par la contribution au tourisme local des agents de développement durant les 5 dernières années. Comment expliquer que plusieurs CLD du Québec ont choisi de développer leur propre structure touristique? Pour répondre à un besoin socio-économique que les structures administratives du MTO n’ont pas encore identifié?
La complexité des exigences normatives du MTO actuel décourage les plus hardis et laisse l’impression que l’industrie du tourisme appartient exclusivement aux organismes normés. À titre d’exemple, l’organisme que je gère (Association des Plus Beaux Villages du Québec / APBVQ) contribue entre 5 et 10 millions de dollars annuellement en retombées économiques régionales et locales sans pour autant être normé. La participation financière du MTO lors des 15 dernières années fut timide (total de 45 000$ sur 15 ans dont 20 000$ provenant des budgets discrétionnaires des ministres en place).
L’APBVQ poursuit sa mission touristique grâce à une cotisation annuelle puisée à même les taxes foncières des municipalités membres (0,75$ par citoyen pour un budget annuel de + ou- 40 000$) puisque les intervenants locaux y voient un avantage que le MTO refuse de voir. C’est pour cette raison que l’implication des acteurs régionaux et locaux doit être respectée et encouragée en permettant aux municipalités de recevoir, entre autres, le revenu de la taxe d’hébergement pour redonner aux élus, commerces et citoyens municipaux le goût de s’impliquer à promouvoir le tourisme local.
Certaines décisions de coopération du MTO avec divers ministères sèment la confusion auprès des élus des villages membres de l’APBVQ. La participation financière du MTO à une campagne publicitaire de 700 000$ de la Fédération des Villages-Relais (avec une contribution du MTO en 2014 supérieure à l’ensemble de l’aide financière accordée à l’APBVQ depuis 1998) nous laisse perplexe. Sans remettre en cause le bien-fondé d’une coopération interministérielle ni la vocation poursuivie par Villages-Relais, je questionne la nature du contexte administratif qui permet à certaines associations de répondre aux exigences normatives du MTO sans pour autant avoir à prouver la corrélation entre l’aide financière qui leur est consentie et l’impact touristique escompté.
En conclusion, je vous invite à prendre connaissance des articles suivants qui ont été publiés récemment au sujet de notre réseau et de l’apport du tourisme local aux recettes touristiques du Québec :
- LA LABELLISATION DES BEAUX VILLAGES COMME OUTIL DE DÉVELOPPEMENT
- QUELS ENDROITS, ATTRAITS OU RÉGIONS LES QUÉBÉCOIS RECOMMANDENT-ILS À LEURS AMIS EN VISITE AU QUÉBEC?
- "Les Plus Beaux Villages" : De l'expérience française au développement international
Si vous le jugez bon, je suis à votre entière disposition (et à la disposition de votre personnel politique et/ou administratif) pour amorcer un dialogue ayant pour objectif de concéder aux gouvernements de proximité des moyens financiers adéquats pour permettre la promotion du produit touristique local tout en leur confiant la responsabilité ultime de rencontrer des objectifs précis de croissance de l’offre touristique du Québec à court, moyen et long terme.
Espérant que mes commentaires soient reçus dans le même esprit qu’ils vous sont soumis et qu’ils contribueront à la flexibilité d’une nouvelle gouvernance au diapason des besoins de notre industrie touristique à laquelle nous participons bona fide, je vous prie d’agréer, madame la ministre, l’expression de mes meilleurs sentiments,
Jules Savoie
info@beauxvillages.qc.ca
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