Gueuleton touristique sur les impacts des changements climatiques au Québec: leadership et actions concrètes

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M. David Heurtel, ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques confirme que le leadership du Québec en matière de lutte contre les changements climatiques est reconnu à l’échelle internationale. Toutefois, l’industrie touristique du Québec, n’est pas épargné des impacts de ces changements climatiques.

Accompagné de M. Alain Bourque, directeur général d’Ouranos, M. Heurtel a présenté une conférence sur l’impact des changements climatiques sur l’industrie touristique québécoise lors du denier Gueleton touristique de la saison ayant eu lieu le 8 avril 2016 et étant organisé par la Chaire du tourisme Transat de l’ESG-UQAM et de son Réseau de veille où une centaine d’intervenants touristiques ont été présents.

L’engagement du gouvernement du Québec

Reconnaissant le tourisme comme la pierre angulaire de l’économie québécoise et identifiant clairement les enjeux des changements climatiques, le gouvenrment du Québec a investi 1,2 M$ provenant de l’industrie du carbone dans le Fonds vert, car le coût de ne rien faire dépasse de façon astronomique les façons de faire. Ainsi, le gouvernement appelle les acteurs de l’industrie touristique à voir la lutte contre les changements climatiques comme une opportunité de développement et de croissance économiques.

« Oui, il y a urgence d’agir. Il faut se mobiliser. C’est notre responsabilité collective. Notre leadership est reconnu. On peut aller plus loin. Il faut arrêter de voir la dichotomie : lutte contre les changements climatiques et frein à la croissance économique. Il faut voir les opportunités économiques. Le tourisme québécois peut en tirer son jeu d’épingle. On est prêt à collaborer » souligne M. Heurtel. « Développer l’ensemble des façons de faire : le gouvernement du Québec, le Fonds vert, sommes engagés à changer les façons de faire » enchaine le ministre.

L’obligation de changer de modèle d’affaires

D’après Alain Bourque, les conséquences des changements climatiques sont alarmantes. L’industrie touristique est concernée. Les acteurs doivent agir. Dans la même veine, l’étude d’Ouranos sur les changements climatiques confirme que la vitesse du réchauffement au Canada est deux fois plus rapide que celle observée à l’échelle mondiale. Les températures peuvent atteindre+4 degrés au Québec.

Décalage de saisons et températures extrêmes sont des conséquences du réchauffement climatique qui ne serait sans impacts sur l’industrie touristique. Ce faisant, lors de toute planification stratégique, les acteurs doivent tenir compte des faits futurs et ne plus se baser uniquement sur les données historiques. Sinon toutes prévisions et planifications sont infondées. C’est notamment le cas des plans marketing. À ce sujet, Marc-Antoine Vachon, co-titulaire de la Chaire de tourisme Transat, souligne qu’« Avant, tout le monde faisait des plans quinquennaux. Maintenant, un plan sur trois ans ne tiendra plus la route. On revoit année après année. Et c’est là le danger d’une vision à court terme qui est dictée par cette rapidité, d’où le risque de manquer de vision. On est dans un cercle un peu vicieux. On a de la misère à se positionner »

Les actions concrètes

La sensibilisation demeure la première étape de l’action. D’après les résultats présentés par Alain Bourque, 54 % des acteurs interviewés pensent que les changements climatiques sont prioritaires pour les 5-10 prochaines années pour leur entreprise/secteur d’activités. De plus, à travers le monde, les décideurs et organisations sont en train d’intégrer les changements climatiques dans leur modèle d’affaires et dans leurs plans de développement régional.

Quant au Québec, la lutte contre les changements climatiques commence par la mobilisation des acteurs et l’avancement des connaissances.

En réponse à la question « Concrètement, quelles sont les actions mises en place pour répondre à la question; comment s’adapter? » M. Heurtel affirme que « D’abord, c’est la science. Il faut travailler avec des consortiums de recherche comme Ouranos, d’autres, la chaire de tourisme Transat de l’UQAM et s’assurer qu’on travaille étroitement avec les associations touristiques pour identifier les solutions les mieux adaptées aux changements climatiques en fonction des besoins de l’industrie. Ça, c’est très important. Ensuite, c’est voir comment développer aussi, grâce au Fonds vert des technologies innovantes pour voir comment on va pouvoir travailler avec les différents secteurs de l’industrie pour développer les nouvelles technologies propres pour aider l’industrie à se transformer et à dépendre moins des énergies fossiles. Mais, avant tout, ça passe par une vraie collaboration et un vrai dialogue avec l’industrie »

Quant au sujet de la collaboration qui existe ou qui doit exister entre le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques et le ministère du Tourisme, M. Heurtel souligne qu’il y’a « une étroite collaboration. Notre ministère travaille étroitement avec une dizaine de ministères impliqués à différents niveaux dans le dossier- très important- des changements climatiques. Ça reste un dossier horizontal. Ça ne concerne pas juste un seul ministère, mais ça nous concerne tous. Donc, on travaille déjà avec la ministre du Tourisme. L’année dernière, j’ai annoncé un investissement provenant du Fonds vert de plus d’un million de dollars qui va être versé au ministère du Tourisme pour investir dans des projets de recherche scientifique pour identifier les impacts des changements climatiques au Québec sur l’industrie touristique. »

À ce sujet, Alain Bourque explique qu’en novembre 2015, « le Gouvernement du Québec avait annoncé un investissement de 1,1 million de dollars à travers le Fonds vert pour développer une programmation de recherche très participative avec le milieu touristique dans le but de développer des projets de recherches appliquées et de déterminer les risques liés aux changements climatiques, les opportunités et les façons de gérer ces risques et ces opportunités. L’axe principal était de savoir comment communiquer avec le secteur touristique pour qu’il comprenne mieux les risques et les opportunités et aussi pour qu’ils (acteurs du tourisme) puissent l’intégrer dans leurs modèles d’affaires, dans leurs fonctionnements opérationnel, stratégique, financier et de main d’œuvre. Donc l’investissement est de 1,1 M$. C’est officiellement géré par le ministère du Tourisme, mais à travers un financement qui lui vient exclusivement du fonds vert ».



Cliquez ici pour d’amples informations sur le volet tourisme du programme scientifique d’Ouranos, réalisé conjointement avec la Chaire de tourisme Transat.

La collaboration conjointe est la clé de succès : entrevue avec Paul Arsenault, titulaire de la Chaire Transat

D’après les résultats de l’étude d’Ouranos, de toutes les façons il y aura des impacts. On ne peut pas contrôler les changements climatiques (décalage des saisons, des saisons extrêmes). Comment cela pourrait-il représenter un manque à gagner pour les régions? Pensez-vous que c’est aux régions de faire des compagnes marketing pour commercialiser autrement la destination Québec et aussi sensibiliser les touristes?

Dans tous les scénarios, ce qui nous attend dans 20 ans sera plus chaud et plus instable de tout ce que nous avons vu dans toute l’Histoire moderne et contemporaine. C’est la première des choses. Puis à qui ça revient, il y a des opportunités et il y a des contraintes. Si on ne fait rien, on va subir les aléas. Il va y avoir des enjeux pour les entreprises. Je vais vous donner un exemple. Les glissades d’eau où s’il y a des orages, les gens ne peuvent pas rester et doivent sortir. Ce qui va faire en sorte que vous avez payé le matin, il faut sortir, et la journée va être perdu. Ce qui va influencer le modèle d’affaires, tant pis pour toi si tu ne peux pas être là. C’est une question de sécurité et donc tu ne peux pas revenir le lendemain. Donc, la gestion -marketing- va être différente. Ce serait une autre approche marketing pour les attraits extérieurs.

Donc que fait-on s’il y a des phénomènes extrêmes (pluie intense)? Les gens ne sont pas en sécurité. Ce sont ces choses-là qui vont faire en sorte que notre modèle d’affaires, notre façon de gérer les organisations touristiques vont changer. Les façons de planification touristique qu’on a développées sont des modèles qui ne tiendront plus la route d’après moi. La 2e des choses est la question des ATS. Qu’est-ce que l’industrie du ski peut globalement faire? Oui il y a des risques, mais il y a aussi des opportunités. Je pense que c’est une responsabilité conjointe à la fois des ATR, ATS, du gouvernement, des entreprises et de la société civile aussi. Mais c’est sur, il va y avoir des impacts. C’est-ce qu’on a conclu aujourd’hui.

Êtes-vous pessimiste ou optimiste par rapport au futur de l’industrie touristique québécoise et à son engagement vis-à-vis de la lutte contre les changements climatiques?

Je suis optimiste, car c’est une obligation et ce n’est plus une question de vouloir s’engager ou non. C’est une nécessité. Et l’industrie a très bien compris. Pour la petite histoire, en 2006-2007, il y a eu les assises du tourisme et je me rappelle qu’on a échangé durant deux jours. À la fin, on se disait: on ne sait pas, on ne comprend pas! les spécialistes venaient nous expliquer ce que nous avons vu aujourd’hui. (Il y aura des changements climatiques, les saisons vont changer). On avait des gens de ski, de Golf. Ils disaient: oh, ça va être triste quand ça va être comme ça. Même la chance de penser faire quoique ça soit n’existait pas.

En 2016, l’exemple qu’on peut donner est le ski de fond dans les Laurentides. On parlait avant d’une saison de 14 à 15 semaines. Cette année, elle a été de moins de 7 semaines. Il y a des conditions horribles. On parle dans 10-12 ans d’une saison qui a fondu de la moitié!!! Suis-je suis optimiste? Oui, car on n’a plus le choix, on est rendu là. Quand Alain Larouche disait qu’il n’y avait pas eu de saison de motoneige dans les Cantons-de-l’Est. Il y a 20 ans, quand je travaillais sur les stratégies hivernales, jamais! les Cantons-de-l’Est a été une région très dynamique dans la pratique de la motoneige. Cet hiver, cette région a eu quatre JOURS de motoneige!!! quatre jours!!! Je suis optimiste, mais je suis réaliste, car on n’a pas le choix d’agir. Les résultats sont là. La mauvaise nouvelle est que ça va s’amplifier. La bonne est que l’action va être prise à ces moments –ci ».

Pensez-vous qu’on est au bon timing de réagir ou bien qu’il fallait réagir bien avant?

Pour l’industrie touristique, la saisonnalité est forte, les gestionnaires sont dans l’immédiat et dans la contrainte immédiate. Alors, leur demander d’investir et de planifier seul comme entrepreneur dans la perspective de quelque chose qui allait arriver dix ans plus tard! Je ne crois pas! Je ne pense pas qu’on peut dire l’industrie dans le sens des petits entrepreneurs. Il n’y a pas les moyens, ni les ressources, ni la capacité dans tout ce que veut dire la compétence dans le sens large. Mais, actuellement, il y a le gouvernement, il y a un Fonds vert, et on s’en va quelque part.

Et vous, qu’en pensez-vous?

Propos recueillis et compilés par Fatima EL GHARBAOUI, Directrice de publication


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