DOSSIER TENDANCES TOURISMEXPRESS 2024 – L’hôtellerie et l’art de la souplesse, par Sylvain Drouin

Tendances · · Commenter

En début de pandémie, plusieurs experts misaient sur l’année 2024 comme l’année du retour à la normale, celle qui nous permettrait de retrouver le niveau de performance de 2019 en hôtellerie. Force est de constater que la vie nous réserve bien des surprises et qu’encore une fois, il faudra s’adapter. Pour 2024, il faudra faire preuve d’une grande souplesse autant au niveau de son offre, de la gestion des ressources humaines que dans ses dépenses.

1 – Pour la création et de la communication de valeur

On doit se le dire, séjourner dans un hôtel au Québec coûte de plus en plus cher et cela devient de moins en moins accessible à la classe moyenne, qui doit jongler avec les nombreuses hausses et une certaine forme d’insécurité. Du côté des entreprises, plusieurs sont aussi à revoir chacune de leurs dépenses afin de s’assurer une marge de manœuvre ou du moins limiter les apparences de dépenses extravagantes lorsqu’elles exigent des concessions à leurs fournisseurs ou à leurs employés.

Inévitablement, un budget discrétionnaire plus faible entraîne automatiquement une réflexion plus grande lorsque vient le temps de réserver. Les clients potentiels seront plus sensibles au coût total, incluant les diverses dépenses associées à leur séjour comme l’essence, le kilométrage, les repas et les autres activités. Chaque dollar dépensé doit créer de la valeur pour le client, qu’il soit corporatif ou individuel.

Deux courants, principalement, peuvent soutenir cette création de valeur. Le premier, c’est la forfaitisation. Offrir un prix global qui permet de vivre une expérience complète intéressante, permettant aux clients de savoir d’avance combien cela va leur coûter. Les hôteliers doivent jouer sur les attributs distinctifs qu’ils possèdent et tenter d’y inclure le maximum de valeurs qui engendrent les coûts les plus faibles pour eux. On peut penser à des arrivées hâtives ou des départs tardifs, à l’inclusion de certains repas ou du stationnement, à une bonification des activités gratuites à faire sur le site ou à l’ajout d’éléments dans la chambre pour rendre l’expérience encore plus mémorable. Pour que cela fonctionne bien, il est impératif d’être transparent dans les coûts totaux et que le client soit en mesure de chiffrer ses économies par rapport au fait d’y aller à la carte.

À l’inverse, il est aussi possible de s’inspirer des entreprises low cost pour offrir le minimum nécessaire et facturer à la carte chacun des produits et services consommés en supplément. Cette technique permet d’être compétitif sur le prix et de répondre aux besoins de ceux pour qui une nuitée à l’hôtel est davantage utilitaire qu’hédonique. Des robes de chambre, en passant par les capsules de café ou l’accès à la piscine ou au gym, il faut passer en revue tous les éléments pour arriver avec une tarification agressive, mais tout de même rentable. Au niveau opérationnel, cela demandera des ajustements importants, mais permettra de rejoindre de nouveaux clients.

2 – Quand la flexibilité est bénéfique pour les employés et les gestionnaires

À l’instar de ce qui se passe présentement avec les employés de l’État, il faut s’attendre à des négociations collectives houleuses en 2024 dans le milieu hôtelier. D’un côté, les employés sentent clairement les effets de l’inflation et souhaitent récupérer un peu des gains non-réalisés en 2021, alors que l’incertitude planait toujours sur notre domaine. De l’autre, les employeurs auront assurément besoin d’un peu plus de flexibilité afin de s’offrir une plus grande agilité, une capacité d’innover et un désir de mieux distribuer les ressources humaines, selon les besoins.

Un effort particulier devra être porté pour améliorer les conditions des nouveaux employés, qui ne voient pas toujours les avantages du syndicat et qui n’ont pas l’intention de faire toute leur carrière au même endroit. Au-delà du salaire, il faudra s’assurer de leur donner la possibilité de combler les heures manquantes à l’interne ou de leur accorder le droit de réduire leurs disponibilités pour s’assurer qu’ils puissent générer l’argent dont ils ont besoin.

Il faut se rappeler que les conséquences d’une grève prolongée en hôtellerie pourraient augmenter la précarité de l’établissement et conséquemment des employés qui y travaillent. Il faudra beaucoup d’écoute et de souplesse dans les négociations pour arriver à une situation gagnante-gagnante.

Dans un autre ordre d’idée, un bassin important de gens seront à la recherche d’un revenu d’appoint et l’hôtellerie offre de magnifiques possibilités à cet effet. Il serait intéressant de rappeler des anciens employés, déjà formés, afin de voir leur niveau d’intérêt à revenir sur la liste de rappel. En procédant de la sorte, on s’assure de réduire le nombre , tout en bénéficiant de personnel compétent.

3 – L’obligation de tout revoir

Prendre le temps de tout revoir, voici une résolution qui devrait s’appliquer à tous les gestionnaires d’hôtels en 2024. Il faudra se poser de nombreuses questions pour voir si on optimise sa performance, si des économies d’échelle sont possibles, si des tâches peuvent être redistribuées ou automatisées pour réduire les besoins de main-d’œuvre et si on obtient les meilleurs prix sur le marché auprès de tous les fournisseurs.

Le changement fera peur, mais il sera essentiel. En retournant chacune des pierres, il est fort probable qu’on réalise qu’il y avait plusieurs petites actions à réaliser et qui, une fois mises ensemble, ont un impact majeur sur la rentabilité.

De même, la technologie sera probablement appelée à jouer un rôle plus important pour remplacer des tâches répétitives et coûteuses. Il faudra aussi prendre le temps de voir les logiciels et les applications pour lesquels on paie déjà afin de voir si on les utilise à leur plein potentiel et s’il est possible d’en tirer encore plus de jus.

Au niveau des fournisseurs, les hôteliers devront sortir l’ensemble de leurs ententes et de leurs contrats et prendre le temps de comparer et de négocier. Il faudra aussi faire des calculs comparatifs pour mesurer les coûts globaux de différentes solutions disponibles et prendre les décisions en conséquence.

Conclusion

Finalement, il faut trouver le moyen de bien mesurer l’apport de chaque département à la rentabilité globale et confier aux chefs de département des mandats clairs sur les attentes. Plus que jamais, il faudra apprendre à travailler en équipe, mettre de côté son égo et être à l’écoute de ses clients. Les hôteliers ont toujours su faire face à l’adversité et ils passeront à travers cette petite turbulence comme ils le font toujours.

Sylvain Drouin
Consultant indépendant en hôtellerie

Téléchargez notre Dossier spécial Tendances 2024 en tourisme