DOSSIER TENDANCES TOURISMEXPRESS 2024 – Comment ajouter l’intelligence artificielle à l’intelligence émotionnelle dans l’hospitalité?, par MKG Consulting

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L’intelligence artificielle est un outil qui fascine et interpelle les cerveaux humains. Au-delà de la peur de perdre son emploi ou encore des dérives maintes fois scénarisées dans les récits de science-fiction, chacun pressent que cet univers va faire évoluer le monde du travail et la société dans son ensemble. Pour les analystes de MKG Consulting, il est impératif de s’emparer du sujet qui, quoi qu’il en soit, a déjà débuté son chemin dans le secteur de l’hospitalité. L’intelligence artificielle développée par OpenAI a cumulé plus d’un million d’utilisateurs en l’espace d’une semaine seulement, soulignant la force d’impact d’une telle invention.

«Nous sommes face à une rupture de cycle; il est donc impératif pour nous de générer des gains de productivité. Il faut anticiper, pour ne pas laisser d’argent sur la table, comme le secteur l’avait fait lors de la rupture précédente», soulignait Vanguélis Panayotis, PDG de MKG Consulting, lors du brain-trust organisé avec Onepoint, en septembre 2023.

Adrien Lanotte, analyste sénior, soulignait ensuite: «Ne faisons pas la même erreur, nous avons vu l’impact sur les entreprises et sur le partage de la chaine de valeur de cette première rupture. Si nous avions su travailler ensemble, nous aurions peut-être pu en partager une certaine partie.

Nous pensons que l’IA est quelque chose de vraiment structurant qui va avoir des ramifications sur l’ensemble de nos métiers opérationnels, ainsi que la façon dont nous parlons à tous les partenaires. 

Nous nous trouvons à la croisée des chemins; 3 possibilités:

  • Rater ce virage et d’autres acteurs viendront créer la brique de valeur
  • Arriver à un impact neutre où il n’y aura pas de cannibalisation de croissance
  • Arriver à utiliser cet outil en termes de conquête pour aller sur de nouveaux territoires, comme le divertissement.»

Ce constat étant général, comment concrètement prendre ce sujet en main dans le développement et les opérations hôtelières? Quels impacts positifs espérer? Quels écueils éviter?

L’IA analytique et générative, ou comment mieux connaître son environnement pour performer

LE CLIENT

L’IA offrira un certain avantage concurrentiel aux premiers hôteliers qui l’adopteront, notamment sur la partie gestion des revenus. L'intelligence artificielle facilitant grandement le traitement des données, elle pourrait devenir un outil indispensable aux gestionnaires des revenus. L’IA pouvant effectuer des recherches et des veilles bien plus rapidement qu’un humain, elle ferait gagner un temps précieux aux gestionnaires des revenus.

Forte de son pouvoir d’analyse, l'IA peut extraire des données sur l’offre et la demande afin d'identifier des opportunités pour des campagnes de marketing ciblées. La tendance étant à l’ultrapersonnalisation, cette possibilité pourrait être une opportunité en or pour les hôteliers. Ainsi, en analysant les données des clients, l’IA pourrait recommander des promotions, des services et toutes sortes de ventes additionnelles.

Bien conscient de son fort potentiel, Meliá Hotels International utilise d’ores et déjà l’IA dans «la prévision, l'analyse, l'automatisation de processus tels que la tarification, même si nous la révisons tous les matins, et la segmentation, même des niches de marché, pour personnaliser encore plus l'expérience du client».

L’IA pourrait donc devenir un outil incontournable de la relation client, comme on peut déjà le constater avec son utilisation pour alimenter des chatbots. En plus d'être capable d'automatiser les réponses aux questions fréquemment posées, elle peut envoyer des offres spéciales, des invitations et des alertes de voyage au bon moment.

D’après Janneke Messiaen, vice-présidente des systèmes commerciaux et du numérique B2B, NH Hotel Group: «La technologie appliquée aux chatbots nous a permis de réduire la pression sur les centres de contact, de sorte que les agents peuvent se consacrer à des tâches à plus grande valeur ajoutée et être plus agiles dans la communication avec le client, ce qui a un impact direct sur une augmentation de la conversion».

Le groupe espagnol pousse l’expérimentation encore plus loin en utilisant l’IA comme «un outil pour interpréter les courriels, le canal par lequel pratiquement toutes les demandes nous parviennent, pour détecter la langue et ce qui est demandé, afin de l'assigner à l'agent le plus qualifié pour mieux servir le client, être plus rapide dans la réponse et augmenter la conversion».

The Ascott Limited a également développé un chatbot alimenté par une IA. Baptisé Cubby, il est actuellement en phase de test dans les établissements du groupe situés au Royaume-Uni. Cubby fournit ainsi diverses informations, comme des recommandations sur les hébergements et les attractions touristiques et bien plus encore, dont des informations relatives à la santé, à la sécurité et aux exigences en matière de visa pour visiter le pays. Il peut également générer des itinéraires personnalisés en fonction des données fournies par l'utilisateur, tout comme accompagner les clients lors du processus de réservation.

Plus de décalage horaire, ni de barrière de la langue avec ce type d’outil.

LE COLLABORATEUR

Cerner son rythme de travail, observer les tâches qui lui prennent du temps, améliorer les procédures, voire automatiser totalement une partie de ces dernières pour favoriser le contact client sont autant de possibilités qu’offrent les outils basés sur l’IA.

Les apports de l’IA et de la technologie sont ainsi résumés par Thomas Séguy, directeur des opérations chez The Boost Society:

«Trouver une solution technologique adaptée nous est donc apparu comme indispensable. Nous avions plusieurs objectifs dans le cadre de cette démarche:

  • Offrir une expérience utilisateur la plus digitale et simplifiée possible
  • Améliorer la productivité de nos équipes, compte tenu de la diversité des services
  • Capitaliser sur les données récoltées pour mieux connaître la performance de chacun des services, ainsi que nos clients afin de mieux les adresser

Dans cet environnement, offrir un maximum de flexibilité et atteindre ces objectifs, c’est extrêmement complexe. Les activités hôtelières et résidentielles sont très réglementées; on ne gère pas une résidence de service comme un hôtel. Cela se calibre par rapport à l’usage, à la destination du bâtiment et à la sécurité.»

Selon Jean-Christophe Pitié, chef de l'exploitation chez Microsoft: «L’IA va considérablement impacter notre productivité et notre façon de travailler; nous n’en sommes qu’au début de cette révolution.» Une récente étude menée par Microsoft relève que 60% des salariés français déclarent être prêts à employer l’IA au quotidien pour les aider dans leurs tâches.

D’après l’étude Salesforce Economy 2023 menée par IDC, les outils dopés à l’IA ont principalement permis aux employés de mieux travailler (45%) et de réduire les tâches répétitives (42%). Au cours de l’année à venir, les répondants s’attendent à ce que l’impact de l’IA continue de se ressentir sur les performances des professionnels (44%), sur leur productivité (43%) et sur leur satisfaction professionnelle (40%).

Une source d’inspiration de voyage infinie

D’après une étude publiée par Zendesk, 61% des Français souhaiteraient être aidés par l’IA lors de la préparation de leurs voyages. Un chiffre qui monte jusqu’à 74% chez les 25-34 ans. Pour 31% d’entre eux, avoir recours à une telle technologie leur permettrait de trouver les meilleures destinations de vacances au meilleur prix, tandis que 12% aimeraient y avoir recours pour les aider à la gestion des documents de voyage, tels que le visa.

S’ils sont prêts à partager leurs préférences en matière de réservations (36%), le but du voyage (32%) ou le budget disponible (40%), ils affichent toutefois davantage de réserves quand il s’agit de communiquer leurs données de santé (13%), leur orientation sexuelle (7%) et leurs données bancaires (5%).

«Les voyageurs souhaitent qu’une IA résolve les problèmes en une seule interaction transparente. Notre rapport souligne cette tendance, puisque 72% des consommateurs attendent des entreprises qu’elles mettent en œuvre l’IA pour créer de meilleures expériences clients», explique Matthias Göhler, directeur technique EMEA chez Zendesk.

En outre, 41% des Français se disent prêts à discuter avec une IA plutôt qu’un agent dans certaines situations, notamment pour avoir des recommandations (17%), pour organiser leur voyage (12%) ou pour suggérer un plan de secours en cas d’imprévus (12%). Chez les 25-34 ans, ce chiffre monte jusqu’à 58% et jusqu’à 62% chez les 18-24 ans pour l’utilisation d’un chatbot.

Les destinations touristiques s’emparent également de cet outil révolutionnaire pour repenser leur stratégie de promotion. On a ainsi pu le voir, dans la dernière campagne marketing de l’Office du tourisme de Vienne, qui a revisité plusieurs œuvres d’art célèbres en y intégrant des chats en lieu et place d’humains. VisitDenmark utilise également l’IA pour modifier de célèbres tableaux, mais cette fois-ci, le but est de faire parler les personnages de ces œuvres pour inviter les visiteurs à «ne pas être un touriste, mais un explorateur» en venant au Danemark pour vivre un séjour hors des sentiers battus.

La France n’est pas en reste, comme en atteste l’initiative de Val d’Oise Tourisme à l’occasion du 133e anniversaire de la disparition de Vincent van Gogh. L’organisme s’est allié à Ask Mona afin de développer une intelligence artificielle capable d’incarner le peintre hollandais dans une conversation. Ask Mona n’en est pas à son coup d’essai, ayant déjà travaillé avec le Grand Palais Immersif ou encore le Château royal de Blois. «D’ici le mois de septembre, une trentaine de personnage seront disponibles dans une quarantaine de lieux culturels», promettait en début d’année Valentin Schmite, le directeur général d’Ask Mona.

La Bretagne a quant à elle sa propre influenceuse virtuelle, Anne Kerdi. Comme indiqué dans sa bio Instagram, elle est une «intelligence artificielle bretonne» qui partage les richesses de la région. Créée par Sébastien K., cette IA est capable de générer les images et le texte de chacune de ses publications, même si un certain nombre d’images sont de vraies photos de la destination.

Si le comité régional du tourisme ou les offices de tourisme de la région n’ont pas encore montré leur intérêt pour cette influenceuse pas comme les autres, Anne travaille d’ores et déjà avec des entreprises locales en proposant des concours. Ce projet visant à démocratiser l’IA est par ailleurs bien accueilli, le compte Instagram comptabilisant désormais plus de 6000 abonnés, après seulement 7 mois d’existence. Selon son créateur, elle permet de fournir «une information moins classique que celle disponible sur les sites officiels».

En Italie, c’est la Vénus de Botticelli qui a pris les commandes de la dernière campagne marketing touristique, en tant qu'influenceuse virtuelle moderne et ambassadrice touristique du pays. On découvre ainsi la Vénus sur son compte Instagram, vêtue de vêtements de marque actuels, prenant des selfies sur la place Saint-Marc, faisant du vélo devant le Colisée et mangeant une pizza sur les rives du lac de Côme.

De plus en plus de contenus partagés sur les réseaux sociaux sont générés par des IA, sans que cela ne soit toutefois spécifié clairement. Instagram a donc décidé d’agir et devrait prochainement rendre la mention concernant les contenus générés par une intelligence artificielle obligatoire, comme c’est déjà le cas pour la mention «contenu sponsorisé». La plateforme n’a cependant pas précisé la méthode de détection des contenus générés par l’IA qu’elle utilisera.

L’avenir de la distribution touristique?

Comme à leur habitude, les OTAs semblent être à l’avant-garde des tendances en développant d’ores et déjà leur propre planificateur de voyage virtuel. Booking a ainsi dévoilé, il y a peu, AI Trip Planner, un nouvel outil nourri par ChatGPT qui envoie des recommandations ultrapersonnalisées aux voyageurs durant les préparations de leurs séjours.

«L’échange avec le planificateur IA est personnalisé pour chaque voyageur, en fonction de ses demandes pour proposer de nouvelles destinations et options en temps réel. Il génère ainsi rapidement des recommandations sous format de discussion», explique la plateforme.

Les requêtes concernant l’aérien, les transports terrestres ou bien encore les activités seront intégrées à l’outil plus tard. Par ailleurs, cette fonctionnalité est disponible seulement aux États-Unis pour l’instant, mais devrait être prochainement étendue à l’Europe. Ce nouveau planificateur permet ainsi à l’OTA «d’améliorer chaque aspect de l'expérience client sur notre plateforme, qu’il s’agisse d’optimiser l’ordre d’affichage des photos d’un hôtel ou de faire apparaître les avis les plus pertinents», souligne Glenn Fogel, PDG de Booking.com.

Projet similaire du côté d’Expedia et Kayak, qui utilisent également ChapGPT pour exploiter leur agent de voyage virtuel. Si pour Kayak cette intégration «représente un pas en avant dans le monde de la recherche de voyages», Expedia va plus loin en affirmant que «l’intelligence artificielle a été un véritable moteur dans la transformation du groupe Expedia, passant d’une simple agence de voyage en ligne à une plateforme technologique».

Au-delà de la simple planification, l’IA permet aux utilisateurs d’Expedia de réserver plus facilement, notamment en leur indiquant les meilleurs moments pour réserver des vols spécifiques. Un outil qui demeure utile une fois la réservation effectuée, pour résoudre des problèmes de manière rapide et efficace. Expedia aurait déjà alimenté plus de 30 millions d’échanges par chatbot, permettant ainsi d’économiser huit millions d’heures de travail pour les agents du service clientèle.

L’OTA asiatique Trip.com n’est pas en reste, puisqu’elle a également présenté son assistant de voyage basé sur l’IA. Baptisé TripGenie, l’outil couvre tous les aspects du voyage, de l'élaboration d'itinéraires détaillés aux réservations immédiates, en créant un flux de conversation qui est semblable à celui des humains et intuitif.

«Les OTA sont bien placées pour développer leur propre système d'aide au voyage par l'IA grâce à leurs nombreuses données de transaction et à leur connaissance approfondie des besoins des clients», déclare James Liang, président exécutif du groupe Trip.com. James Liang assure que l’intelligence artificielle «ne remplacera pas les plateformes OTA», mais qu'elle améliorera «l'efficacité opérationnelle» de ces dernières.

L’outil développé par Trip.com se démarque par ailleurs des autres, puisqu’il est capable «d'interpréter des commandes textuelles et vocales». En outre, TripGenie regroupe les sites touristiques, les destinations de shopping, les liens de réservation, les images et les plans de ville dans un seul et même chat.

Ne pas perdre de vue les questions de sécurité

Par définition ce nouvel outil ne dispose pas encore d’un cadre légal et règlementaire adapté. Il appartient donc à chacun de l’utiliser dans une démarche la plus sécuritaire possible et d’anticiper toute utilisation abusive des données collectées.

Nicolas Gaudemet, directeur général de l’IA chez Onepoint, partage: «Comment sécuriser la manipulation de données sensibles?

Plusieurs bonnes pratiques:

  • Utiliser un outil entreprise pour ne pas enregistrer de données sensibles
  • Ajouter une couche supplémentaire d’anonymisation des données
  • Paramétrer l’outil pour éviter les dérives, car l’IA générative a tendance à inventer ce qu’elle ne sait pas, comme un écrivain.»

L’adoption de l’intelligence artificielle va certainement marquer le début d’une nouvelle révolution dans le secteur touristique, tant du côté des hôteliers que des voyageurs. Et si certains voient dans l’émergence de cette nouvelle technologie la mort prochaine de Google, rien n’est moins sûr. En effet, ChatGPT a récemment connu sa première baisse de fréquentation significative, -9,7%, depuis son lancement. Signe que l'intérêt des consommateurs pour cette nouveauté commence peut-être à s'émousser, comme ce fut le cas auparavant avec le métavers. Ce n’est toutefois pas le cas pour les professionnels du tourisme et de l’hospitalité, qui y voient une partie de l’avenir de leur activité. Qu’on soit adepte ou non de l’intelligence artificielle, elle risque d’être de plus en plus présente dans un secteur où, après l’humain, la technologie est primordiale.

Retrouvez ici le compte rendu du brain-trust organisé par MKG Consulting et Onepoint, le 14 septembre 2023

MKG Consulting
Conseil et études marketing hôtellerie et tourisme – Europe, Afrique et Moyen-Orient

 

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