À quoi servent les zoos?
La décision prise récemment par le Zoo de Copenhague d’euthanasier un girafon et de procéder à une autopsie publique de l’animal avant de nourrir leurs lions de ses restes a remis en question le rôle et les pratiques des zoos modernes.
En Amérique du Nord, l’euthanasie d’animaux en santé est perçue comme une solution de dernier recours dans la gestion des collections d’animaux. Mais nonobstant nos perspectives philosophiques et scientifiques, cet évènement a quand même eu pour effet de provoquer un tollé autour de la pertinence même des zoos dans la société moderne.
Si certains y ont vu l’expression d’un point de vue extrême et marginal, nous y avons plutôt vu une occasion de mettre en lumière un contexte écologique mondial inquiétant qui rend les zoos et aquariums plus importants aujourd’hui qu’ils ne l’ont été jamais dans notre histoire.
Pour illustrer, il suffit de penser que lorsque le Zoo de Granby a ouvert ses portes en 1953, la planète perdait une ou deux espèces par an. Aujourd’hui, le monde perd chaque jour deux à trois espèces. Cette perte dramatique et accélérée de biodiversité ne semble guère toucher la conscience publique. Lorsque l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) a annoncé en novembre dernier que le rhinocéros noir de l’Ouest avait officiellement disparu de la planète, la nouvelle n’a obtenu pratiquement aucune couverture médiatique.
Ce manque de sensibilité à la perte de biodiversité est peut-être la conséquence d’une urbanisation croissante, ou de l’importance grandissante d’interactions et de connexions numériques comme substituts aux relations personnelles. C’est peut-être ce qui explique la conviction parmi certains que les zoos et aquariums sont des établissements dépassés qui peuvent être remplacés par des plateformes numériques.
Cette vision du monde est dangereusement déconnectée de la réalité. Les zoos et aquariums accrédités du Canada font partie d’une communauté mondiale qui revendique certains des succès les plus remarquables en matière de conservation, sauvant de l’extinction des espèces telles que le putois d’Amérique et la marmotte de l’île de Vancouver.
Les zoos accrédités soutiennent aussi des projets tels la réintroduction d’espèces, le développement économique des collectivités locales, ou la remise en état de l’habitat. Ils sont aussi des portails sur la nature, d’uniques ponts entre une société qui s’urbanise de plus en plus rapidement et des habitats naturels de plus en plus dégradés par les activités humaines.
Au XIXe siècle et même au début du XXe siècle, les zoos étaient le reflet d’un monde où les animaux sauvages étaient encore nombreux et écologiquement robustes. Beaucoup voyaient les zoos comme des musées, leurs animaux faisant partie de dioramas, et les gens ne tenaient pas compte du fait que ces animaux pourraient un jour disparaître. Les zoos étaient considérés comme des propriétaires d’animaux, et non comme des gardiens de la biodiversité.
Aujourd’hui, les zoos se réinventent sur des bases nouvelles. Leur mission éducative n’est plus seulement de représenter le monde naturel, mais d’aider à le guérir et le transformer. À l’échelle mondiale, les zoos et les aquariums attirent plus de 700 millions de visiteurs par an, ce qui représente 10 % de la population totale de la planète. Ce pourcentage est encore plus élevé au Canada, où nos institutions accréditées attirent près de 9 millions de visiteurs chaque année.
C’est ce remarquable rayonnement que les zoos et aquariums mettent à profit chaque jour, façonnant des liens affectifs entre les visiteurs et les animaux sous leurs soins, et créant une prise de conscience nouvelle quant aux énormes défis environnementaux auxquels nous faisons tous face.
Source : MASSIMO BERGAMINI, DIRECTEUR EXÉCUTIF DES AQUARIUMS ET ZOOS ACCRÉDITÉS DU CANADA (AZAC)
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