Les grands événements au temps de la COVID-19 par Martin Roy

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L’émergence de la COVID-19 amène le RÉMI et FAME à dresser les enjeux qui se posent à leurs membres et, plus largement, à l’ensemble des festivals et événements, tout en sollicitant l’appui solide et multiforme des gouvernements.

STOP OU ENCORE : LA GRANDE QUESTION

Tout en se préparant activement en vue de leur événement, les organisateurs doivent quand même considérer qu’il se peut, dans certains scénarios, que les interdits de rassemblements se prolongent et empiètent sur la saison 2020.

La question centrale est de savoir à quel moment doit être prise la décision d’aller ou non de l’avant, en essayant de limiter, pour les organisations, les dégâts financiers qui découleraient d’une annulation forcée et peut-être trop tardive. Ceci, en ne privant pas non plus l’économie du tourisme des retombées économiques, si la décision d’annuler était prise « trop » à l’avance, ce qui pourrait être le cas si la situation mondiale devait s’améliorer en quelques mois comme tous le souhaitent.

Dans l’hypothèse où une organisation serait contrainte dannuler un événement avec moins d’un mois davis, elle aura engagé une part importante de ses dépenses, qui pourraient représenter facilement 75 % de son budget dopération, tout dépendant de la hauteur des économies réalisées et de la présence ou non de clauses de « force majeure » dans les contrats qui la lient aux artistes ou à ses autres fournisseurs. À six semaines ? Plutôt autour de 60 %. À 12 semaines ? Environ 40 %, estimons-nous.

D’un autre côté, à partir du moment où l’événement ne se tient pas, aucun revenu n’est assuré. Les revenus autonomes (vente de bière et nourriture) disparaissent, tout comme ceux de billetterie là où il y en a, à moins que dans un élan de solidarité les festivaliers soutiennent l’événement et ne demandent pas de remboursement (ou acceptent que leur billet soit valide lors de la prochaine édition). Il faut aussi espérer que les commanditaires privés (qui représentent environ le tiers des montages financiers au RÉMI) restent aux côtés des organisations, même si leur plan de visibilité n’est exécuté que partiellement.

Autrement, les subventions gouvernementales et les commandites des sociétés d’État, qui comptent ensemble au RÉMI pour 21 % des revenus, deviennent indispensables, mais insuffisantes pour combler les manques à gagner importants qui pourraient survenir, souvent chez des OBNL sans capitalisation et sans provisions.

D’où l’importance de :

  • Trouver avec les organisateurs de festivals le moment optimal pour donner un « go » ou non et déterminer avec les autorités un mécanisme efficace de communication ;
  • Prévoir une aide complémentaire à celle octroyée par les subventions « normales », afin d’éponger des pertes attribuables à des annulations tardives (ou en raison d’une baisse d’achalandage importante, lorsque la situation sanitaire permettra la tenue des événements). Un programme de « bail out » ou de « recouvrement » ;
  • Dans les circonstances, octroyer — à tous les niveaux de gouvernement — les subventions intégralement, accélérer les versements et simplifier les étapes administratives, que l’événement soit tenu ou non et ce, que ce soit en fonction de l’interdit ou parce que les organisateurs jugent le risque financier trop grand dès maintenant.

PRÉSERVER L’EXPERTISE, LES ÉQUIPES ET L’ÉCOSYSTÈME

La main-d’œuvre qui permet la tenue des festivals et événements est à la fois constituée d’employés permanents, saisonniers et de bon nombre de contractuels. Le filet social qui s’est esquissé rapidement comprend notamment des mesures pour les travailleurs qui se placent en isolement pour des raisons de santé. En ce qui concerne les techniciens qui vont d’un contrat à l’autre et ne sont pas éligibles à l’assurance-emploi, il faut espérer que l’instauration d’une allocation d’urgence mise à leur disposition par le gouvernement du Canada soit salutaire. Jusqu’à 5 milliards $ seront investis à cet effet, a annoncé le ministre des Finances mercredi.

En sus des événements eux-mêmes, une multitude de fournisseurs allant par exemple des agences de sécurité aux petites et grandes entreprises spécialisées dans l’équipement technique ou les effets spéciaux et pyrotechniques subiront des impacts négatifs en cas d’annulation. Des millions de dollars sont en jeu ici. Ces entreprises doivent, elles aussi, avoir accès à des liquidités et espérer un retour rapide à la normale.

Ensemble, ces entreprises et cette main-d’œuvre spécialisée ont créé et maintenu, avec les festivals et événements eux-mêmes, rien de moins qu’un écosystème événementiel unique, une petite « grappe industrielle » qu’il faut préserver.

L’APRÈS COVID-19 : L’EXEMPLE DU PASSÉ

Les événements et festivals auront un rôle important à jouer dans l’après COVID-19, à l’égard de la relance économique et touristique, mais aussi de la « guérison sociale » qui sera bienvenue, voire nécessaire.

On peut citer l’exemple de ce qui a été fait à Toronto en 2003, après le SRAS, mais encore davantage le Programme de manifestations touristiques de renom, mis en place en 2009, comme partie intégrante du Plan de stimulation économique établi après la crise de 2008. Pas moins de 100 M$ avaient été investis à ce moment dans les festivals et événements par le gouvernement fédéral.

Dans l’évaluation qu’il a faite de son propre programme, le gouvernement du Canada faisait d’ailleurs valoir qu’il fallait dorénavant donner du temps aux organisateurs pour élaborer des projets. Cela « tombe bien », si l'on peut dire ça dans les circonstances parce qu’en cas d’annulations, certains pourraient en avoir à consacrer, avec leurs équipes, en dirigeant leurs efforts vers 2021. Ottawa concluait aussi qu’« en fournissant une aide financière ciblée aux manifestations touristiques de renom, le programme a répondu au besoin d’une stimulation économique immédiate pour le secteur touristique ».

Martin Roy, PDG du Regroupement des événements majeurs internationaux (RÉMI) et de Festivals et Événements Majeurs Canada (FAME)