Un gars d’équipe, Yves Juneau PDG, par Louis Rome

Grandes Entrevues · · Commenter

Dès le début de notre entretien Yves me demande pourquoi faire une entrevue sur lui alors que « ce n’est pas l’individu qui est le plus important, mais bien l’organisation et le travail accompli pour le bénéfice de nos membres ». Entrevue avec un gars qui a à cœur son équipe et le travail sans relâche de ses membres.

Commençons par le… début

Je sais qu’Yves aurait aimé que dès le début de mon texte, je tourne les projecteurs sur le travail de son équipe et de ses membres. Mais je ne peux m’empêcher de commencer mon texte par une genèse de son parcours professionnel qui, à lui seul, mériterait tout un article. Ensuite, GO sur l’Association des stations de ski du Québec (ASSQ)

D’où vient ta passion pour ton travail?

« Je suis un gars de Québec, où j’ai fait mon DEC (1987) en commerce au Collège régional Champlain, St-Lawrence et un certificat en tourisme au Collège Mérici,  toujours en 1987 (je commence à croire qu’Yves a le don d’ubiquité) avec à la clé une certification comme guide touristique pour la ville de Québec. Ça m’a amené à découvrir le milieu du tourisme et à apprécier les relations avec des gens de partout dans le monde. Une graine a été semée à ce moment-là qui, sans le réaliser, m’a lentement, mais sûrement, amené à occuper mon poste d’aujourd’hui. »

Le président Joe Biden et le sénateur John McCain (en 1990-91)

« Après avoir gradué de l’université Bishop’s, j’ai obtenu un contrat d’une année au bureau des affaires gouvernementales d’IBM à Washington pour travailler en relations gouvernementales. Lors de mon mandat, j’ai participé à l’organisation des visites à nos bureaux de Joe Biden, sénateur démocrate au Delaware et futur président des États-Unis, et de John McCain, alors sénateur républicain pour l'Arizona. Ce fut en quelque sorte mon cours 101 en affaires publiques. »

À quel moment professionnel as-tu commencé à travailler dans l’industrie du ski?

« J’ai joint l’équipe de GPC Consilium inc. à Québec (1992-1994) – dirigé par l’ancien ministre Rémi Bujold – à titre de conseiller en relations gouvernementales, ce qui m’a amené à participer à l’obtention du financement à la hauteur de 60 M$ auprès des divers paliers gouvernementaux pour le développement de la Station Mont Tremblant. » C’était l’époque où Intrawest avait fait l’acquisition, en 1991, de la Station Mont Tremblant pour en faire un centre récréotouristique 4 saisons de calibre international.

Et tant qu’à faire, il a aussi collaboré aux travaux du comité interministériel pour l’adoption du projet de loi privé sur la création de l’Association de villégiature Tremblant. Pour ensuite devenir, de 1994 à 1999, directeur des communications de Station Mont Tremblant.

Et ce n’est pas fini!

Pendant 10 ans, de 1999 à 2009, il a été directeur régional des ventes et du marketing au Mont-Sainte-Anne et à la Station touristique Stoneham. Ensuite, il s’est joint à la Sépaq comme directeur du Parc de la Chute-Montmorency (2009-2013).

Avec un pareil CV, pas étonnant qu’il soit, depuis le 18 novembre 2013, PDG de l’ASSQ!

Un travail d’équipe

Tout ce qui suit « est le résultat du travail d’une équipe aussi dévouée que professionnelle, des neuf membres du CA et des efforts constants des propriétaires des 75 stations de ski pour offrir une expérience touristique de qualité, jour après jour. »

Pour Yves, « trop souvent les gens n’ont aucune idée de tout le travail que cela exige, d’opérer une station de ski dans un contexte de changements climatiques, qui fait passer les conditions météorologiques d’un extrême à l’autre. Les propriétaires des stations de ski et leurs équipes font de véritables miracles. »

J’aime cette comparaison, même si ce sont deux univers très différents. « Les stations de ski, c’est un peu comme des agriculteurs, mais eux ils cultivent la neige dans des conditions de changements climatiques complexes auxquelles les agriculteurs sont aussi confrontés. »

Quelles sont les priorités de l’ASSQ?

« L’ASSQ repose sur 6 piliers :

  1. Des mandats significatifs comme ceux sur les changements climatiques, mesurer les performances économiques et l’ajout de connaissances stratégiques;
  2. Notre offre de produits aux amateurs de glisse;
  3. Nos différents programmes pour la relève afin de faire découvrir les sports de glisse, notamment en milieu scolaire et aux néo-québécois;
  4. Les communications, les affaires publiques et le marketing sont des priorités majeures, surtout après l’hiver qu’on a connu, avec les soubresauts de la météo;
  5. Le soutien aux stations de ski avec les programmes qu’on développés pour eux et avec eux, comme les formations, les guides des bonnes pratiques, etc.;
  6. L’Association gère un programme d’assurance au bénéfice des stations de ski afin de stabiliser la tarification et d’encadrer la gestion de risques.

L’équipe de l’ASSQ

« Notre équipe est composée d’un groupe de passionné(e)s, dont plusieurs sont à l’ASSQ depuis plus de 20 ans. Au total, l’ASSQ compte 16 permanents qui s’enrichissent de 3 personnes en e-commerce pour la haute saison, qui sont d’ailleurs responsables de la mise sur pied d’une billetterie en ligne lors de la COVID. Il faut se rappeler qu’il y avait une interdiction d’exploiter les billetteries aux stations de ski à cause des mesures de distanciation. C’est au moins une retombée positive de la pandémie, car ç’a accéléré le passage au niveau numérique d’une partie des opérations des stations.

À cela s’ajoute, sur une base saisonnière, une équipe d’une douzaine d’animateurs et d’animatrices, car on opère aussi des activités en milieu scolaire et dans des parcs urbains pour faire découvrir les sports de glisse. »

D’ailleurs, l’association a récemment annoncé plus de 32 000 initiations aux sports de glisse réalisées cet hiver via différents programmes de la relève. « Ça démontre le succès des initiations gratuites dans les écoles primaires via les programmes Iniski et Inisurf, et la Tournée Planche à neige. Il y a aussi notre programme Expérience Maneige qui rejoint encore plus de gens, en proposant l’initiation gratuite en milieu urbain pour les enfants âgés de 5 à 8 ans. Et enfin, le programme Ma Première fois, pour les non-skieurs de 5 à 99 ans, qui propose une leçon avec un moniteur certifié ainsi que la location d’équipement complet pour une somme dérisoire. »

Je remarque que vous utilisez l'appellation Maneige pour identifier votre site Web et certains de vos produits; quelle est son origine?

« Maneige est notre marque de commerce, c’est plus convivial de parler de Maneige que de l’Association des stations de ski du Québec. Maneige, c’est un jeu de mots entre la neige qui est l’ADN de l’ASSQ et les manèges des parcs d’attractions, qui eux sont associés aux notions de divertissement, de loisirs et de sensations fortes. On se questionne toutefois sur la possibilité de faire évoluer la marque pour mieux refléter nos activités 4 saisons. »

Quels sont vos sources de financement?

« Nous nous finançons, oui par la cotisation de nos 72 membres, mais la part la plus importante de notre financement provient de la vente de nos différents produits pour les amateurs de ski, qui représente environ 40% de notre budget de 5 M$. Cette approche nous permet de financer notre soutien aux stations de ski, tout en offrant une belle variété de produits aux amateurs de sports de glisse. »

La principale source de financement provient des ventes de Ski Passe-Partout de la Passe-Provinciale, qui d’ailleurs sont depuis janvier accessibles via la Carte RFID maneige, qui donne un accès direct aux remontées mécaniques des 13 stations de ski participantes. Nous sommes également soutenus par le ministère du Tourisme via les ententes de partenariats sectoriels ainsi que par le ministère de l’Éducation pour la promotion de la sécurité en ski.

Comment a été l’hiver?

« Cette année, ce qui a été le plus difficile, ce sont les contraintes de la météo. On est équipé pour face à tous sortes de défis; les stations de ski sont résilientes. Mais ce qui est vraiment préoccupant, cette fois-ci, ce sont les mauvais « timing » de ceux-ci, soit lors de la période des fêtes et des relâches scolaires. Ces deux périodes (5 semaines) représentent plus de 50% du chiffre d’affaires des stations. »  Aux dires du pdg de l’ASSQ, le dernier mois de mars fut l’un des plus ardu dans l’histoire de l’industrie au Québec.

« Tandis que l’hiver 2022-2023 a été une saison record, la meilleure des 16 dernières années avec 6,6 millions de visites. » Rappelons que l’industrie du ski représente plus d’un milliard de dollars en retombées économiques au Québec.

L’effet domino d’une mauvaise saison affecte l’hébergement, les restaurants, les autres attraits, les événements, etc.; ça se répercute sur toutes les communautés de la montagne. Le PDG de l’ASSQ s’interroge à savoir si le rôle de moteur économique des stations de ski en région est suffisamment compris des décideurs locaux et des instances gouvernementales.

Avec tout ce qui se passe avec les changements climatiques, comment entrevoyez-vous l’avenir de l’industrie du ski au Québec?

« L’ASSQ collabore depuis 2010 avec le Consortium Ouranos, afin de développer la connaissance et la compréhension des enjeux liés aux changements climatiques des acteurs de l’industrie. Actuellement, nous menons un vaste projet de recherche impliquant une trentaine de stations de ski de tous les coins du Québec afin de dresser un diagnostic de vulnérabilité du secteur du ski au Québec. Les équipes développent non seulement des projections sur les aléas climatiques qui impactent le plus les stations (ex.: couvert de neige naturel, hausse moyenne des températures, etc.), mais elles documentent aussi les facteurs qui contribuent à leur sensibilité ou leur résilience et leur capacité d’adaptation.

« Nos recherches à ce jour ont permis une sérieuse prise de conscience et de constater qu’il y a une multitude de possibilités, par exemple les stations qui passent le mieux à travers les conditions difficiles sont celles qui offrent de l’hébergement, des expériences distinctives, etc. Donc les solutions ne doivent pas se limiter au produit ski, mais sur comment on va développer l’offre dans son ensemble, via un bouquet de services/produits complémentaires. Tout en travaillant avec les partenaires, le secteur de l’hébergement, les ATR et autres, par exemple, pour en faire une offre plus complète. C’est encore aujourd’hui un défi collectif.

Les résultats d’une nouvelle étude du Consortium Ouranos seront dévoilés au Congrès annuel des station de ski du Québec du 27 au 30 mai 2024.

Prix excellence, gala ASSQ

Un gars convaincu et convaincant

« Mon engagement vient du fait que je veux faire progresser les choses, pour que le Québec se démarque comme marché touristique en faisant connaître notre culture, nos attraits, et en partageant ma passion de la montagne pour faire prendre conscience de tout ce que l’industrie du ski apporte comme bienfaits, autant au niveau du bien-être personnel que de la nécessité d’êtres actifs en toutes saisons. Après tout, c’est le plus beau sport familial qui existe, et c’est sans oublier l’importance du travail accompli par les stations de ski et les retombées économiques de notre secteur. »

 

Louis Rome, collaborateur TourismExpress


Lire aussi: