Entrevue exclusive avec Soraya Martinez Ferrada. Les 100 premiers jours de la ministre responsable du DEC pour le Québec et ministre du Tourisme du Canada, par Pierre Bellerose

Soraya Martinez Ferrada est une fière montréalaise d’origine latino-américaine, née au Chili. Alors qu'elle n’a que huit ans, sa famille et elle s’installent dans l’est de Montréal. Depuis, elle n’a cessé de s’engager auprès de sa communauté, en entamant d’abord son parcours auprès du milieu de la culture.

De 2002 à 2005, elle fait en effet partie de l'équipe fondatrice de la TOHU, un organisme à but non-lucratif qui fait converger les arts du cirque, l'environnement et l'engagement communautaire. Elle y est responsable de la programmation culturelle, environnementale et communautaire.

Elle débute ensuite sa carrière politique en 2005, quand elle est élue conseillère municipale dans le district de Saint-Michel. Après un long parcours en politique municipale à Montréal, elle représente la circonscription d'Hochelaga depuis le 21 octobre 2019 à la Chambre des communes du Canada. Elle est maintenant ministre du Tourisme du Canada et ministre responsable de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec dans le gouvernement Trudeau depuis le 26 juillet 2023.

D’ailleurs, c’est la première fois, dans l’histoire canadienne, qu’une ministre du tourisme est aussi responsable de l’Agence de développement économique du Canada (DEC) pour le Québec.

Je l’ai rencontrée pour cette entrevue exclusive à la mi-novembre 2023.

Q1- Pierre Bellerose – Après 100 jours en poste, qu’elles sont vos impressions sur le tourisme canadien, ainsi que les défis constatés?

La ministre Soraya Martinez Ferrada (SM) – J’ai eu la chance d’aller à la rencontre des intervenants touristiques dans plusieurs régions du Canada au cours des derniers mois. Je connaissais bien la fierté de l’industrie touristique montréalaise et québécoise face à notre identité et à ce que nous pouvons présenter à nos visiteurs. Mais j’ai été agréablement surprise de constater que c’était la même fierté locale partout au pays. Et aussi, probablement à cause de la complexité du secteur touristique, j’ai été heureuse de voir que la concertation est au cœur de toutes les stratégies et, cela, dans toutes les régions. C’est un milieu fier, dynamique et qui veut faire avancer les choses pour son industrie, mais aussi pour la population locale.

Pour donner suite à toutes mes rencontres et après avoir écouté les différents acteurs, j’identifie aujourd’hui cinq grandes priorités pour l’industrie touristique canadienne pour les prochaines années:

1. La pénurie de main-d’œuvre dans le secteur du tourisme au Canada (en lien, entre autres, avec le dossier de l’immigration);
2. L’accès aux destinations (la mobilité);
3. La croissance économique;
4. L’amélioration de la qualité des expériences touristiques offertes en mettant l’accent sur l’authenticité;
5. Le tourisme autochtone.

Évidemment, la croissance économique est centrale au niveau des objectifs du ministère du Tourisme. Le tourisme est l’un des principaux secteurs industriels du Canada, un moteur économique pour l’ensemble du pays et une industrie vraiment nationale qui profite à chaque région du Canada et du Québec. Je me permets de vous donner juste deux chiffres clés pour démontrer la pertinence du secteur. En premier lieu, pour 2022, le tourisme a généré des recettes fiscales de 94 milliards de dollars et a représenté 1,5 % du PIB du pays durant la reprise. Deuxièmement, un emploi sur dix au Canada dépend du tourisme, ce qui offre de belles opportunités pour les femmes, les jeunes et les nouveaux arrivants.

Pour mieux coordonner cette croissance et retrouver l’élan perdu durant la pandémie, je planifie la mise en place d’un Comité interministériel. Ce comité aura pour but de rassembler les principaux ministères ayant un lien ou un impact sur l’industrie touristique, afin de résoudre l’ensemble des besoins du secteur et planifier les mesures à adopter pour celui-ci. La première rencontre devrait avoir lieu dès janvier 2024.

Q2 - Pierre Bellerose – Mme la ministre, il y a beaucoup d’attentes des intervenants touristiques québécois envers Développement économique Canada, qui est depuis longtemps un partenaire public important pour beaucoup d’acteurs et de projets. Quelle est votre vision par rapport à cette agence québécoise?

SM – Effectivement, l’Agence de DEC pour le Québec joue un rôle important dans le développement économique et touristique de notre province. Je viens justement d’annoncer une nouvelle enveloppe spécifiquement dédiée à l’industrie touristique. Les actions de mon agence viseront un équilibre entre les régions dévitalisées et les grandes villes.

Pendant la COVID, beaucoup d’accent a été mis (avec raison) sur les centres des villes. Aujourd’hui, on constate que les grandes villes ont connu une très forte croissance post-COVID, alors que les régions plus éloignées ont de la difficulté à rattraper les niveaux touristiques d’avant 2020. Nos actions, au niveau de DEC, viseront à atteindre l’équilibre entre l’aide à nos moteurs d’attractivité que sont les grandes villes et les régions plus éloignées qui ont besoin de coups de pouce ciblés.

Aussi, pour maximiser les retombées de nos investissements, je prioriserai les efforts de mutualisation dans les projets déposés. Le travail d’équipe permettra d’aller plus loin.  

Q3 - Pierre Bellerose – En tant que députée d’Hochelaga, comment voyez-vous votre implication dans l'est de Montréal, comme député et ministre fédéral?

SM – L’est de Montréal a été longtemps une zone urbaine dévitalisée qui aujourd’hui, a un très grand potentiel économique. La concertation politique, économique et des différents milieux communautaires est actuellement sans précédent. En effet, ce territoire est reconnu, tant par la société civile que par les décideurs publics, comme ayant un grand potentiel de transformation économique. Je suis très optimiste pour l’avenir.

En fait foi le très réussi Sommet de l’est de Montréal, qui a eu lieu le 13 novembre dernier et qui était organisé par la Chambre de commerce de l’est de Montréal, conjointement avec un comité réunissant des acteurs des différents milieux d'affaires et communautaires. On a eu des annonces de plus de 500 M$ pour le secteur, de la part des trois paliers de gouvernement.

Au niveau du récréotourisme, le rapport sur le devenir récréotouristique de l’est de Montréal, a ouvert bien des yeux sur le potentiel touristique, mais aussi le chemin à accomplir. Le Parc olympique demeure un pôle touristique majeur qui doit continuer son développement et l’important projet d’hôtel annoncé au Sommet de l’est sera un atout majeur pour notre région. Il faut aussi soutenir les promoteurs et les entreprises qui ont à cœur l’est de Montréal et qui contribuent à son attractivité touristique.

De plus, l’est de Montréal représente 10% de la population du Québec et on y prévoit une croissance démographique importante d’ici la fin de la décennie

Q4 Pierre Bellerose – Et un mot de la fin?

SM – Je ne me trouve très privilégiée, actuellement, dans mon double rôle de députée et de ministre. J’ai pu observer, partout au Canada, au Québec et chez moi, à Montréal, le dynamisme et la fierté du milieu touristique. Le gouvernement canadien souhaite continuer à aider notre industrie récréotouristique à grandir et de faire de l’ensemble du territoire canadien un pays attractif où les expériences authentiques et adaptées à chaque région seront de grandes qualités.