Incertitude de la reprise: entre découragement et optimisme, par Marjolaine de Sa et Eve Paré

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Il y a quelques semaines, la région de Québec a été frappée de plein fouet par la troisième vague, quelques jours seulement avant la cueillette des données du 3e sondage auprès des membres de nos deux associations respectives.

Alors que Montréal est demeurée au pallier d’alerte maximal depuis septembre, dans la Capitale nationale, des assouplissements avaient récemment été octroyés, offrant cette fois deux contextes fort différents à analyser. Il est intéressant de voir l’impact des événements récents sur la perspective des hôteliers dans les deux grandes villes.

Aujourd’hui, nous vous présentons les résultats de la seconde édition réalisée auprès de tous les membres de l’AHRQ (46 répondants) et de l’AHGM (46 répondants) entre les 4 et les 9 avril 2021.

En ce qui a trait à la suspension des opérations, la situation est demeurée relativement stable depuis la dernière édition. Une poignée d’établissements n’ont toujours pas repris les opérations, ce qui s’explique par le fait que la demande demeure famélique, tant à Québec qu’à Montréal. Même constat en ce qui concerne la part des employés au travail par rapport à la même période en 2019.

DES ENJEUX DE MAIN D’ŒUVRE À L’HORIZON

La crise pandémique commence à peser sur l’ensemble de l’industrie et plusieurs établissements font face à des défis importants tant sur le plan financier, opérationnel que dans la gestion des talents.

Comment qualifiez-vous le climat de travail présentement avec vos employés?

1 qualifiant un très mauvais climat, 3 Neutre et 5 un très bon climat

Malgré tout, le climat de travail semble se maintenir, voire s’améliorer. La proportion des répondants qui se situent dans les niveaux supérieurs (4-5) est en constante croissance depuis septembre, tant à Québec qu’à Montréal.

Avec l’arrivée du printemps et la perspective d’une reprise éventuelle, les entreprises prennent toute la mesure du défi de recrutement des employés pour combler les postes laissés vacants. Les employés mis à pied depuis plus d’un an se sont pour la plupart trouvé des emplois dans d’autres secteurs. Si certains sont passionnés par l’hôtellerie, il y a fort à parier que d’autres préféreront conserver leur nouvel emploi. 

En vue d'une reprise à l'été-automne 2021, envisagez-vous des difficultés à combler les postes nécessaires pour la reprise des opérations?

1 étant aucune difficulté, 3 neutre, 5 beaucoup de difficultés

D’importants enjeux de recrutement sont donc attendus. La situation est comparable dans les deux grandes villes. La surprise réside dans l’écart avec les données récoltées en janvier dernier. À Québec, le pourcentage de répondants qui envisagent des difficultés (4 & 5) a augmenté de 20 points alors qu’à Montréal, ce nombre a bondit de 40 points! Il semble que les hôteliers de la métropole viennent tout juste de prendre la mesure de ce qui les attend.

Lorsqu’on ventile les données par département, on constate une fois de plus que les enjeux sont similaires à Québec et à Montréal, sauf en ce qui a trait au personnel d’entretien ménager et technique.

Pour quel département envisagez-vous le plus de difficultés à recruter pour combler les postes à pourvoir d'ici la reprise?
Cocher toutes les cases applicables

DES CHANGEMENTS AU PACTE QUI ONT PORTÉ LEURS FRUITS

Des assouplissements dans les critères d’éligibilité au PACTE – volet tourisme ont été annoncés en février dernier ce qui a permis à un plus grand nombre d’entreprise de pouvoir en bénéficier. Ces changements se traduisent par une hausse de la participation de 15 points de pourcentage à Montréal et de 9 points à Québec comparativement à janvier dernier. Les nouveaux critères d’éligibilité ne peuvent à eux seul justifier cette hausse mais ont certes été déterminants. La hausse du pardon maximal de 100 000 $ à 250 000 $ jumelé aux remboursements des dépenses d’énergie (max. 210 000 $) ont également contribué à accroître la participation au programme. Le tableau suivant montre le taux de participation des établissements à chacun des programmes.

Participation des établissements aux différents programmes offerts

Notons que le taux de participation aux divers programmes tend possiblement à sous-estimer la participation réelle des entreprises. De l’aveu même des répondants au sondage, certains mentionnaient ne pas savoir si les propriétaires avaient choisi d’y participer ou non (Montréal 16% et Québec 14%).

Les changements apportés au PACTE ont certes permis d’accroître la participation mais qu’en est-il de l’espérance de survie des entreprises? Cet indicateur devrait permettre d’évaluer si les mesures gouvernementales sont efficaces.

Soulignons que cet indicateur est largement influencé par la situation au moment de répondre au sondage : il faut donc considérer cette dimension dans la lecture des résultats.

Dans le contexte actuel, jusqu'à combien de mois estimez-vous être en mesure de poursuivre les opérations?

Malgré les plus récentes annonces, les données sont demeurées relativement stables par rapport à la dernière édition ce qui peut, à priori, paraître étonnant. Il faut toutefois prendre le contexte en considération. Trois facteurs semblent avoir un impact significatif :

  1. La durée de la pandémie. Après plus d’un an, on sent un certain essoufflement des entreprises;
  2. La fin attendue des programmes fédéraux au cours des prochain mois, sans une véritable reprise de la demande;
  3. Pour Montréal en particulier, l’exclusion de certains établissements des programmes d’aide. Par exemple, les établissements de 300 chambres et plus qui n’ont toujours pas droit au remboursement de la TSH et les hôtels détenus en copropriétés qui ne sont toujours pas éligibles au PACTE.

PERSPECTIVES DE REPRISE

Des firmes spécialisées font rouler des modèles de prévision pour tenter de prédire l’avenir. Ces firmes sont basées à l’extérieur et n’ont pas toujours le pouls de la ville. Il est toujours intéressant de demander aux hôteliers leurs propres prévisions afin d’en faire une moyenne.

Bien que les données soient encore une fois comparables, on sent un optimisme plus grand chez les hôteliers de la région de Québec. Cet écart est vraisemblablement attribuable à la proportion de touristes internationaux, plus importante à Montréal. Ces derniers risquent de prendre encore du temps avant de fouler le sol montréalais.

Selon vos estimations, à combien sera votre taux d'occupation pour les prochains trimestres?

Pour une seconde fois, nous avons tenté de comprendre, en un mot, l’état d’esprit des répondants. Cette fois, les deux régions présentent des profils différents. Alors que Montréal est demeuré en zone rouge sans interruption depuis septembre dernier, Québec a connu un passage en zone orange avant de retomber en niveau d’alerte maximal (rouge foncé). Rappelons que le sondage a été réalisé tout juste après l’annonce de la nouvelle fermeture des restaurants et commerces au début du mois d’avril.

Il apparaît clairement que les hôteliers montréalais avaient un meilleur état d’esprit malgré qu’ils soient demeurés en zone rouge. L’effet yo-yo des mesures sanitaires a clairement un fort impact négatif sur les entrepreneurs. On constate que malgré beaucoup d’incertitude et de découragement, on commence à voir poindre quelques notes d’espoir.

En conclusion, les derniers mois ont été riches en enseignements, mais un mot, plus que les autres, résonne davantage dans nos têtes en pensant aux entreprises touristiques : résilience. Les hôteliers de Québec et Montréal ont démontré leur grande capacité d’adaptation, leur sens de l’innovation et leur bienveillance. L’année 2021, souhaitons-le, se déroulera sous le signe de la reconstruction de notre industrie.

Eve Paré
Présidente-directrice générale, AHGM

Marjolaine de Sa 
Directrice générale, Association hôtelière de la région de Québec


Fondée en 1949, l'Association des hôtels du Grand Montréal (AHGM) regroupe une centaine d'établissements de trois étoiles et plus situés principalement dans la région métropolitaine. Elle joue un rôle essentiel de catalyseur et de représentation des intérêts de ses membres, qui sont indispensables à la croissance et au développement de l'activité touristique et économique. Elle mobilise, informe et appuie ses membres en faisant la promotion des pratiques répondant aux critères d'excellence parmi les plus élevés au monde.

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