Compte-rendu de conférence – Allocution de Philippe Rainville, PDG de l’aéroport de Montréal au CORIM, par Mohamed Reda Khomsi

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Le mercredi 31 mai dernier, M. Philippe Rainville a prononcé une allocution dans le cadre de la série affaires du CORIM ayant pour sujet : Montréal, ville résolument internationale. Même si ce n’est pas la première fois que M. Rainville intervient dans le cadre des séries de conférences du CORIM, cette intervention fut particulière dans la mesure où M. Rainville va quitter son poste à la fin de l’été après 15 ans de contribution à l’aéroport de Montréal, dont six ans comme président-directeur général.

Enjeux à court terme

Même si ce n’était pas l’objet de la conférence, M. Rainville a voulu faire d’abord une mise au point concernant les préparatifs de l’aéroport pour la prochaine saison estivale. En fait, pour éviter de revivre les situations chaotiques que les passagers ont vécues l’année dernière, M. Rainville a souligné que tous les partenaires de l’aéroport (compagnies aériennes, agences fédérales, prestataires de services…etc.) ont travaillé de façon proactive pour rehausser leurs capacités opérationnelles afin que l’expérience des voyageurs soit la plus agréable possible. Certes, il reste des facteurs que l’aéroport ne peut pas contrôler comme les conditions métrologiques ou les pannes informatiques, mais le risque de revoir les mêmes scènes que l’an dernier est vraiment faible a tenu a rassuré M. Rainville.

État des lieux sur l’achalandage

Bonne nouvelle. Pour le premier trimestre 2023, le volume de passagers à YUL (4,5 millions) est de retour, ou presque,  à ses niveaux prépandémiques. Pour le secteur international, on a même dépassé les niveaux de 2019 puisqu’avec 2,2 millions de passagers, l’aéroport YUL est à 105,9 % de la fréquentation de la même période en 2019. Avec ces statistiques et les prévisions des différentes compagnies aériennes pour la haute saison, YUL devra à nouveau voir 20 millions de passagers transiter par ses installations. Malgré ces données encourageantes, M. Rainville a tenu à préciser que les voyages domestiques ne sont pas encore revenus aux niveaux prépandémiques puisqu’ils se situent à 86,4 % de l’achalandage de 2019 selon les données publiées par ADM en mai dernier. Pour expliquer cette situation, M. Rainville avance l’hypothèse des transformations que connait le marché du voyage  d’affaires où le télétravail s’est installé comme une alternative de plus en plus populaire auprès des employeurs. À ce titre, le rapport sur l’état du centre-ville publié plus tôt cette année par l’organisme  Montréal centre-ville confirme la validité de cette hypothèse qu’on peut combiner aussi avec les cibles de réduction de CO2 adoptées par plusieurs entreprises ce qui se traduit par une baisse des voyages d’affaires entre les métropoles.

Plaidoyer pour que l’accessibilité du voyage

Au-delà des enjeux à court et à moyen terme (inflation, tensions géopolitiques, pénurie de main-d’œuvre, baisse de l’offre...etc.) qui pèsent sur le secteur du voyage, M. Rainville a voulu poser une réflexion sur l’avenir du voyage dans un contexte postpandémique. Plus concrètement, le PDG de l’aéroport de Montréal se pose la question si le voyage en avion sera encore accessible pour toutes et pour tous, et plus particulièrement pour les jeunes, dans les prochaines décennies ? L’arrivée potentielle d’une alternative ferroviaire plus rapide et plus fréquente fera-t-elle en sorte que le voyage en avion pour de courtes distances sera de moins en moins considéré ? La volonté de décarboner notre économie aura-t-elle un impact sur le prix du voyage et par conséquent sur son accessibilité ? Sur ce dernier point, M. Rainville se soucie des solutions simplistes qui voient en la taxation carbone la seule solution pour répondre au défi climatique et rappelle qu’il faut trouver un équilibre entre la volonté de réduire notre empreinte écologique et l’accessibilité du voyage. Pour le PDG de YUL, le voyage est une expérience transformatrice pour l’être humain et surtout pour la jeunesse. Le voyage nous permet de nous ouvrir sur le monde, de nous procurer des apprentissages humains et intellectuels, de découvrir d’autres cultures, voire de nous découvrir soi-même. À partir de là, il est légitime de se poser la question si les efforts importants déployés par tous les acteurs de l’industrie aérienne en matière de lutte contre les changements climatiques ne vont pas se traduire par une augmentation du prix du voyage au point de rendre ce dernier inaccessible. L’équilibre est certes difficile à trouver, mais pour M. Rainville il ne faut pas perdre de vue la question de l’accessibilité du voyage de l’équation.

Montréal ville internationale  

Finalement, M. Rainville a tenu à rappeler le caractère international de Montréal qu’on peut observer à travers ses activités aéroportuaires. À ce chapitre, il faut souligner que Montréal est une destination internationale deux fois plus importante que Boston et Vancouver.  L’aéroport YUL dessert 148 destinations régulières ou saisonnières, dont 81 destinations internationales en liaison directe, 32 aux États-Unis et 35 au Canada. L’aéroport de Montréal accueille aussi  34 compagnies aériennes, dont Air Canada qui a fait de YUL une plateforme internationale et qui représente 50 % des activités de l’aéroport de Montréal, suivie par Air Transat avec 12 % du volume de trafic. Pour M. Rainville, le succès de YUL s’explique par plusieurs raisons dont  la présence à Montréal de 70 organisations internationales, parmi lesquelles on retrouve 6 sièges des agences de l’ONU, et 75 consulats. Montréal est aussi une métropole universitaire, un pôle mondial de recherche en intelligence artificielle et en aérospatial et une destination culturelle unique en Amérique du Nord eu égard à son caractère francophone. Montréal est aussi une terre d’accueil qui s’est vue enrichir par l’arrivée successive de plusieurs immigrants en provenance des quatre coins de la planète. Tous ces éléments, et bien d’autres ont fait en sorte que Montréal est considérée parmi les villes les plus internationales en Amérique du Nord. Pour M. Rainville, le caractère international de Montréal n’est pas une vue de l’esprit, c’est son ADN.

Conclusion

Personnellement, j’ai beaucoup apprécié l’intervention de M. Rainville et plus particulièrement sa réflexion sur la place du voyage dans nos sociétés et la question de son accessibilité pour les jeunes. Cette question est présentement à l’angle mort des efforts déployés pour répondre à l’immense défi des changements climatiques et il est de notre devoir, par souci d’équité intergénérationnelle, de réfléchir à cette problématique.

Mohamed Reda Khomsi Ph.D
Professeur I Directeur des cycles supérieurs en tourisme
Département d’études urbaines et touristiques
École des sciences de la gestion
Université du Québec à Montréal


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