Vols d'espoir par Jean-Michel Perron

Transports, Économie · · Commenter

Lundi dernier, 12 heures avant qu’Air Canada annonce mardi la fin de certaines liaisons aériennes au Québec, j’écrivais sur ce blogue que cette compagnie  a toujours démontré « …un total désintérêt du tourisme au Québec sauf de vendre plus de billets le plus cher possible… »  

Il est loin le temps où je nolisais des Dash-8 d’Air Alliance (aujourd’hui le « Jazz » d’Air Canada) tous les dimanches pour amener des groupes de Québécois à la Baie-James. Ce qui ne change pas depuis ces 30 dernières années, c’est l’attitude impératrice d’Air Canada envers ses clients et envers les régions du pays. Mais ce qui a changé tout récemment et que cette compagnie n’a pas encore saisi, c’est que bien des citoyens et des élus en ont plein leurs casque des multinationales pour qui le rendement envers les actionnaires et ses gestionnaires prime sur tout, incluant l’intérêt des citoyens et des communautés qui souhaitent se développer durablement. 

La réaction affirmée des maires de Gaspé, Matane, Baie-Comeau et Sept-Îles suite à l’annonce récente d’Air Canada de cesser indéfiniment tout vol vers des aéroports régionaux marquera un tournant dans la prise en charge des régions par les régions, je vous le prédis. Enfin! Il faut d’entrée de jeu s’assurer d’écarter la possibilité par nos gouvernements de convaincre Air Canada, avec des millions de dollars en subventions, de revenir sur leur décision. Il faut plutôt investir ces millions dans une solution régionale et durable, par et pour le milieu.

Pour le tourisme d’agrément, la décision d’Air Canada ne changera rien, sauf en ce qui concerne le tourisme d’affaires et les voyages de « parents & amis ». Les touristes de « loisir »  ne volent pas vers l’est du Québec, sauf aux Îles-de-la Madeleine, à Anticosti avec la SÉPAQ, ainsi que pour des pêcheurs en pourvoiries sur la Côte-Nord. Pourquoi? Parce que les régions de l’est du Québec sont inaccessibles avec des tarifs tels que 2500$ pour Blanc-Sablon de Montréal et parce que l’offre touristique pour des voyageurs sans automobile, lorsque rendus à destination, demeure grandement à bonifier. Mettez des vols à prix raisonnable de Montréal, l’est du Québec verra son tourisme croître exponentiellement grâce à ses attraits uniques, de calibre international dont :

  • Des paysages grandioses partout
  • Des villages au cachet unique dont Harrington Harbour et Percé
  • Les icebergs de Blanc-Sablon
  • Anticosti, le secret le mieux gardé du Québec
  • Les milliers d’îles en Côte-Nord avec sa riche faune/flore et ses parcs nationaux permettant une multitude d’activités 3 saisons
  • Le circuit naturel de la Gaspésie et l’ hospitalité légendaire de ses citoyens
  • Les cultures québécoise, innue, anglophone et micmaque
  • La beauté des Îles-de-la Madeleine

Mais tout pourrait changer en tourisme dans les prochaines années avec une compagnie aérienne régionale digne de ce nom dont les régions (incluant les deux Premières Nations du coin: Innue et Micmaque) seraient devenues copropriétaires de cette compagnie aérienne. Le tout, avec l’expertise d’une entreprise aérienne d’ici. Utopique?  Les Cris d’Eeyou Istchee/Baie-James, avec 17 000 citoyens, possèdent depuis 27 ans Air Creebec, qui opère 16 appareils de type Dash-8. La Côte-Nord et la Gaspésie/IÎes-de-la-Madeleine, c’est 180 000 personnes mais zéro contrôle local sur les transports. On est dans le colonialisme économique pur avec les Air Canada et les Provincial Airlines de ce monde qui s’en mettent plein les poches… N’est-il pas bizarre selon vous que les Norvégiens, avec leur 5 millions d’habitants et un coût de la vie plus élevé qu’ici, offrent des vols intérieurs beaucoup moins cher qu’au Québec et au Canada en général?

De plus, Air Canada, dans toute son arrogance pour décourager la naissance d’un compétiteur, indique qu’on ne peut rentabiliser des vols régionaux sans faire partie d’un réseau national et international. Air Creebec qui est rentable, ça s’explique, alors comment, ne faisant pas partie d’un réseau national et international?  Et qu’est-ce qui empêcherait un « AirQuébec » de se mettre en partenariat avec une des grandes familles aériennes de la planète?

 

Dans cette réflexion de prise en main, il faut en profiter pour réfléchir à une approche multimodale avec le train, les autocars interurbains et les traversiers.  Dans un texte de janvier 2019, je suggérais une recette pour atteindre des objectifs élevés à ce propos.

En plus des vols réguliers et avec une offre d’expériences de calibre international, trois vols nolisés hebdomadaires de 50 touristes chacun sont réalistes de juin à octobre et de janvier à mars pour la Côte-Nord et la Gaspésie:

  • Montréal/Québec/Sept-Îles/Anticosti/La Romaine/Blanc-Sablon
  • Montréal/Québec/Mont-Joli/Gaspé
  • Montréal/Québec/Îles-de-la Madeleine

Air Canada vient d’opérer un vol d’espoir pour ces régions mais en réalité, sous peu, atterriront des vols aériens bien réels avec une prise en charge par les régions pour le mieux-être de leurs citoyens et de tout le Québec.

Jean-Michel Perron
Blogueur sur Tourte Voyageuse
latourtevoyageuse@gmail.com