Les olympiques: source de richesse ou tragédie grecque en puissance?

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France LessardL’accueil des Jeux olympiques semble être devenu l’un des paris les plus risqués pour une ville. Le cas d’Athènes peut servir d’exemple à bien des égards.

Le pari du contexte économique favorable
Entre le moment où une ville pose sa candidature pour accueillir ce méga événement et celui où il débute, il peut se passer près de 10 ans. Un contexte favorable au moment de signer la lettre d’intention peut s’avérer désastreux une décennie plus tard.

Ainsi, lorsqu’Athènes se montre officiellement intéressée en 1996 à recevoir les Olympiques de 2004, après avoir perdu une première fois contre Atlanta, la conjoncture paraît favorable. La Grèce croit pouvoir accéder prochainement à la zone euro et, malgré un déficit dépassant alors le plafond identifié par le traité de Maastricht (3 % du PIB), une cure d’austérité appliquée par le nouveau gouvernement lui permet d’entrevoir le redressement de ses finances.

Mais dès la seconde moitié de l’an 2000, un ralentissement majeur de la croissance économique est amorcé et s’accentue en 2001. On parle alors de récession de part et d’autre de l’Atlantique. En fait, pour la première fois en 20 ans, les trois principaux pôles de croissance de l'économie mondiale entrent simultanément dans un cycle économique défavorable. C’est dans ce contexte qu’Athènes doit accélérer les travaux lui permettant de livrer à temps les infrastructures olympiques.

La malédiction du vainqueur
Lorsqu’un comité organisateur s’efforce de vendre l’idée d’accueillir des jeux de cette envergure, il parle généralement de fierté nationale, d’amélioration des infrastructures publiques et bien sûr de retombées économiques provenant de la période de construction et du tourisme qui va en découler.

Mais pour un retour de retombées fortes, il faut avant tout investir gros. Et le coût d’entrée au club sélect des destinations olympiques est non seulement énorme, mais systématiquement sous-évalué.

Plusieurs études, dont celle réalisée par des chercheurs de l’Université d’Oxford, tendent à démontrer que les coûts projetés pour la tenue des olympiques seront dépassés à coup sûr, comme ce fut le cas pour toutes les olympiades tenues de 1960 à 2012.

On attribue cette situation au phénomène nommé « La malédiction du vainqueur de l’enchère » qui s’explique par le système d’attribution du CIO qui encourage la surenchère entre les villes candidates, qui y parviennent en sous-estimant les coûts associés à la tenue des jeux.

Pour Athènes, plusieurs chiffres circulent. Selon la source en cause, et ce que l’on inclut dans le calcul de la facture des jeux, les coûts réels des jeux se situent entre 6 et 23 milliards d’euros. Une étude commandée par le ministère grec des Finances en 2013 a établi à 8,5 milliards d’euros les coûts totaux des jeux de 2004, qui y voit un bénéfice net pour la société. Mais ces chiffres sont contestés et plusieurs voient dans la tenue des olympiques de 2004 un facteur ayant participé à l’alourdissement de la dette grecque.

Ce qui est certain, dix ans plus tard, c’est que plusieurs des actifs construits à grands frais spécifiquement pour les jeux, et qui devaient participer au développement futur de la ville et du pays, sont dans un état pitoyable et commandent des frais de près d’un million d’euros annuellement pour en assurer un gardiennage sécuritaire.

Et l’impact touristique ?
L’un des objectifs poursuivis par l’accueil des Jeux olympiques était d’assurer l’affluence de touristes et de devises étrangères durant ces deux semaines d’août 2004 et les années suivantes grâce à la visibilité offerte par la diffusion mondiale de l’événement.

Si on observe les données des arrivées internationales en Grèce à partir de 1996, on peut observer une courbe de croissance importante entre 1996 et 2002, suivie d’un creux important pour les années 2003 et 2004.

L’année 2004 a été en fait assez catastrophique avec 13,3 millions de visiteurs étrangers. Ce qui a fait dire à plusieurs que les jeux d’Athènes ont surtout profités à Rome.

Cela dit, la Grèce n’a cessé d’améliorer sa performance depuis 2006 pour rejoindre, puis dépasser le Canada en 2012 pour le nombre de visiteurs étrangers accueillis. On attribue toutefois cette performance à la création d’un ministère du tourisme en 2004 et aux effets néfastes du printemps arabe pour des destinations concurrentes du nord de l’Afrique (Égypte, Maroc, Tunisie).

Nombre de visiteurs étrangers accueillis en Grèce et au Canada

Alors, positif ou négatif le projet d'accueillir les Jeux olympiques ?
La réponse à cette question n’est pas claire, malgré le nombre incalculable d’études réalisées sur la question. Et le débat fait rage au Canada alors que Toronto doit annoncer sous peu sa décision de déposer ou non sa candidature pour les olympiades de 2024, comme l’ont déjà fait Hambourg, Paris, Rome et Budapest. Un sondage récent indique que la majorité des Canadiens et des Torontois y serait favorable.

Ce qui semble clair toutefois demeure la grande rigueur avec laquelle doit se faire l’évaluation des coûts et des impacts (économiques, sociaux, environnementaux) associés à ce projet, en évitant que l’émotion et l’orgueil national l’emportent sur la raison et la rigueur.

Autre évidence, savoir avec précision à quoi et comment serviront les infrastructures construites pour les jeux dans les années qui suivront afin non pas d’en planifier la conversion une fois les jeux terminés, mais d’en anticiper l’utilisation dès leur conception. Enfin, espérer que la conjoncture économique évolue de façon positive. Ce qui demeure probablement le pari le plus risqué de tous !

Pour la Grèce, les tractations autour du remboursement de sa dette sont loin d’être finies. Et les créanciers les plus exposés à la dette grecque (Allemagne en tête pour 56 milliards d’euros) devront se montrer patients...Comme l’a été Montréal qui a mis 30 ans à rembourser sa dette olympique.

Payants ou non les olympiques ? Continuons à en débattre !


Collaboration spéciale, France Lessard, stratégiste en tourisme