Le resto Spag&tini de Québec : se réinventer alors que la clé était dans la porte

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Mi-mars 2020. Le restaurant était vendu et une nouvelle équipe prenait le relais. Deux semaines les séparaient du passage devant le notaire. Caroline Bergeron et son conjoint Dominique Roy partiraient alors pendant plusieurs mois pour un voyage en motorisé. C’était sans savoir qu’une pandémie allait conduire à l’annulation de la vente du restaurant et à un retour dans une industrie en crise, avec un commerce dans une zone touristique sans aucune date de reprise...

Tôt le matin, devant leur tasse de café, ils ont cerné les enjeux et, sans attendre, ils ont dû mettre à l’arrêt leur équipe de 35 employés, puis prendre du recul pour replonger dans cet univers sur lequel ils avaient en quelque sorte fait une croix. 

Ces défis, ils ne s’attendaient pas à les vivre, même en étant des restaurateurs aguerris depuis 15 ans. Malgré l’octroi de subventions d’urgence, la crise sanitaire inattendue a provoqué un lot de questionnements et, surtout, d’options d’innovation. 

 «On n’est pas conditionnés à gérer ce genre de situation. On est plutôt conditionnés à gérer le contact avec le client, une croissance de l’entreprise, le service client. Alors, il faut aller de l’avant et voir comment on peut tirer profit de tout ceci», mentionne Caroline.

Reviendrons-nous à la normale? La question se pose. «Le futur est très inconnu dans la restauration, mais les enjeux, eux, sont connus et ils sont grands», souligne-t-elle. Caroline aurait pu abandonner et remettre les clés, mais elle a préféré foncer, même si certains matins, c’est plus difficile. «Ce n’est pas dans l’instinct d’un entrepreneur d’abandonner», renchérit Caroline

C’est à la suite de la conversation avec un ami qu’elle s’est demandé si ce retour forcé n’était pas plutôt un cadeau qui allait la maintenir dans la restauration et lui permettre de trouver un équilibre entre le restaurant et ses autres projets. 

PREMIER VIRAGE: RELANCER LA MARQUE

Le premier objectif a été de trouver la formule qui permettrait de transformer l’image de Spag&tini auprès des habitants de Québec, puis de relancer la marque avec une approche de restauration authentique et de qualité.

Situé dans le quartier Petit-Champlain dans le Vieux-Québec, au pied du funiculaire et à l’ombre des tourelles du château Frontenac, le restaurant attirait majoritairement de grands groupes touristiques qui prenaient d’assaut la salle à manger en raison de tout l’espace qu’elle peut offrir.

Le nouveau rêve est de faire vivre la marque Spag&tini au-delà des murs du restaurant et de s’ancrer dans les cuisines des habitants de Québec, que ce soit avec des produits fins, du gelato ou une sauce. Caroline et son conjoint cherchent à faire vivre des expériences culinaires à travers la marque. 

Le commerce comportera désormais trois sections: la salle à manger avec les normes de distanciation, les plats pour emporter et l’épicerie fine. C’est sans oublier la boutique en ligne, qui offre du prêt-à-manger pour la maison.

SPAG&TINI À LA MAISON: SE RENDRE CHEZ LE CLIENT

La propriétaire a vite réalisé que le client ne peut plus venir dans sa salle à manger. Alors, comment se rendre à lui?

C’est là que Spag&tini à la maison est né. Fini le temps où les plats restent aux restaurants! Caroline veut vivre une aventure tout autre que celle de l’usine qui collait à la peau du commerce. La diplômée du programme Élite de l’École d’entrepreneurship de Beauce fait donc le virage d’une cuisine italienne rustique et authentique. 

La nouvelle recette est de faire en sorte que chaque plat puisse être emporté à la maison et permette de revivre l’expérience qualité offerte au restaurant. Caroline va même plus loin en offrant d’acheter tous les ingrédients d’un plat pour le cuisiner à la maison. «Vous avez aimé nos pâtes? Elles sont disponibles pour emporter! Vous aimez notre sauce? Pas de problème, repartez avec votre contenant!» Bientôt, des paniers pour pique-nique seront offerts pour un repas convivial dans le cadre souhaité.

SPAG&TINI LE MARCHÉ: AVOIR UN ACHALANDAGE LOCAL

Puis, avec la tendance forcée de manger de plus en plus à la maison, elle a étudié comment elle pourrait transformer une partie de son restaurant en épicerie fine, avec des produits italiens de qualité et un menu de plats pour emporter: Spag&tini Le marché

Cette superficie qui n’était pas utilisée à sa pleine valeur a alors pris un rôle important dans le développement de l’entreprise. Même si la situation est difficile à gérer, en même temps, elle inspire de nouvelles occasions d’affaires qui n’avaient jamais été au programme de Caroline. 

SPAG&TINI LE RESTO: EN FAIRE MOINS, MAIS MIEUX 

Enfin, pour Spag&tini Le resto, elle devait revoir son menu en salle à manger et, surtout, s’entourer de professionnels pour s’assurer de conquérir un public local, silencieux ces dernières années en raison de la présence de grands groupes touristiques. Son modèle d’affaires qui préfigurait ne pouvait plus tenir la route. C’est là qu’un deuxième défi s’est présenté: reconquérir le cœur des Québécois avec une cuisine signature de qualité

Caroline retravaille alors son menu pour diminuer le nombre de plats et le monte avec une attention pour chaque ingrédient au cœur du plat. Le retour au fourneau rallume la flamme de reconquérir le cœur des gens de Québec par les sens: goûter, voir et sentir les saveurs des plats au menu. La salle à manger offre désormais un menu découverte qui changera toutes les semaines.

Caroline n'hésite pas à souligner que son équipe est très bien accompagnée pour concevoir le nouveau menu. C’est avec l’apport du chef Stéphane Renaud et du sous-chef Jimmy Nadeau que les produits sont testés et évalués pour développer les plats.

S’ANCRER DANS LES HABITUDES DES GENS DE QUÉBEC

«Les gens de Québec ont toujours été notre clientèle cible, mais nous souhaitons les reconquérir, car nos énergies ont été beaucoup déployées vers les groupes dernièrement, explique Caroline. La situation actuelle nous a permis de voir qu’on devait revenir à notre base de clients qui nous ont été fidèles depuis plus de 35 ans.» 

Le restaurant a vécu plusieurs changements – les mêmes que ceux de la ville de Québec. Et c’est encore plus vrai, maintenant qu’on passe à travers la crise sanitaire grâce à nos clients fidèles, qui voudront goûter à nouveau nos plats finement élaborés grâce à notre passion de la cuisine et de la culture italiennes.

LA CUISINE ITALIENNE: UNE PASSION QUI VA AU-DELÀ DE LA CUISINE 

Justement, parlant d’Italie, Caroline raconte naturellement ses anecdotes de voyage pour illustrer toute l’ampleur de sa passion pour ce pays et sa cuisine. 

C’est grâce à ses voyages qu’elle réalise son désir de travailler le plus possible les produits au restaurant, au lieu de les acheter déjà préparés. Elle souhaite ainsi garder au maximum toutes les saveurs de chaque produit.

RÉSILIENCE ET INNOVATION

Avec sa force de caractère, la restauratrice ne laisse planer aucun doute sur le fait que cette crise ne lui fera pas baisser les bras, car la fibre entrepreneuriale en elle est bien vivante et prête à faire face à cette nouvelle situation, même si elle doit la vivre avec résilience. Son conjoint de longue date et elle savent qu’ils vont redonner un second souffle au restaurant familial grâce à ses nouvelles divisions. 

Son meilleur conseil pour les entrepreneurs dans la même situation: «Prenez le recul nécessaire. Assurez-vous de bien vous entourer et regardez comment vous pouvez innover afin d’amener votre projet à un tout autre niveau.» 

Ses objectifs pour les prochains mois? Des dizaines de commandes quotidiennes avec notre propre service de livraison pour garder le fil de l’expérience du début à la fin. Puis, le succès de la division Spag&tini à la maison et de Spag&tini Le marché auprès des gens du quartier Petit-Champlain pour leurs courses chaque jour. «Et pourquoi pas aussi un service à l’auto et une terrasse avec tables à deux mètres de distance?» On ne peut jamais rêver trop grand!

Par Stéphane Tellier, collaborateur TourismExpress

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