La vente de St-Hubert me laisse sur mon appétit…

Restauration, Économie · · Commenter

Éric FournierL'annonce de la vente des rôtisseries St-Hubert à des intérêts ontariens a déferlé dans tout les médias québécois jeudi dernier.


Tout le monde le savait, son PDG Jean-Marc Léger cherchait depuis quelques années à passer le flambeau. L'annonce de la transaction de 537 M$ a toutefois frappé le coeur des Québécois pour lesquels St-Hubert est ni plus ni moins qu'un véritable « plat principal de notre imaginaire culturel et patrimonial ».

Le sujet a largement été traité dans tous les angles au cours des derniers jours.

L'entrepreneuriat québécois est un sujet qui m'intéresse, je me permets donc d'échanger avec vous mon opinion sur le sujet.

J'ai toujours admiré St-Hubert

Fondé en 1951, St-Hubert compte 117 restaurants dans tous les coins du Québec, deux usines de production et deux centres de distribution.

Au cours des soixante dernières années, l'entreprise qui sert chaque semaine 550 000 clients a toujours su s'adapter et être un leader dans le secteur de la restauration.

Mise en place d'un centre d'appel en 1972, développement du concept Resto-Bar, St-Hub en 1992, arrivée des St-Hubert Express en 1995 et annonce très médiatisée des environnements sans fumée en 2005 sont quelques-unes des tendances où St-Hubert a fait figure de pionnier au Québec.

En 2007, St-Hubert prend le virage de la production et de la vente au détail afin de diversifier ses activités de restauration.

Du côté marketing, ses approches ont toujours été soutenues, dynamiques et particulièrement innovantes. Son positionnement et ses stratégies ont toujours été des « combos bien épicés » misant résolument sur la fibre très québécoise de leurs clientèles.

L'entreprise est la quatorzième en importance au Québec avec 10 000 employés.

Publicité de St-Hubert



D'un point de vue économique

Dans les faits, la vente de ces plus grandes entreprises ne peut jamais être une bonne nouvelle pour une économie nationale.

Déjà, la fuite d'une trentaine de sièges sociaux de nos grandes entreprises vers Toronto dans les années 80 avait eu des impacts majeurs sur notre économie. Depuis une dizaine d'années, nous assistons à la vente successive de nombreuses entreprises québécoises, pierres d'assise du Québec inc.

Les récentes transactions du Cirque du Soleil et de RONA étaient les dernières en liste.

Mais pourquoi?

Entreprises à maturité qui cherchent des pistes de développement, transferts de générations difficiles ou besoins de capitaux, les raisons de leurs ventes sont variées. Toutefois et dans tous les cas, la situation aurait dû, à mon avis, se conclure par une « recette du terroir québécois ».

Les réactions...

Du point de vue politique les visions et les positions sur le sujet se sont opposées.

Le Gouvernement Couillard plaide la libre entreprise, les lois du marché et la réciprocité des prises de contrôle basée sur le fait que depuis 2010 les entrepreneurs québécois ont acquis 258 entreprises hors Québec contre 85 achats d'entreprises québécoises par des étrangers.

Les partis de l'opposition affirment de leurs côtés que nous sommes à brader nos actifs économiques « une sorte de buffet » et que le Gouvernement actuel manque de vision et de leadership économique.

Une chose est sûre, M. Léger avait le droit de vendre son entreprise.

Par contre et dans une perspective de développement économique pour le Québec, il est plutôt difficile d'être positif à une conclusion ou St-Hubert ne sera plus Québécoise.

Avons-nous fait preuve de leadership et d'entrepreneuriat?

De façon plus large et avec un peu de recul, il semble difficile de croire qu'il n’y ait eu aucun investisseur québécois intéressé à acheter une entreprise rentable, qui a un chiffre d'affaires de 620 M$ et qui sert 31 M de repas par année.

Démarchage d'investisseurs, partenariats avec les cadres et les employés, participations accrues des franchisés, participations d'Investissements Québec, de la Caisse de Dépôt ou du Fonds de Solidarité… Bref, les ingrédients à une solution « traditionnelle ou crémeuse » me semblaient bien en place.

Toujours dans une perspective de stratégie de développement économique, la plupart des pays occidentaux ont des balises visant à encadrer la vente potentielle de leurs grandes entreprises sans toutefois pénaliser les propriétaires. Ces balises ont pour objectif de protéger leur économie nationale et d'en assurer la croissance.

Le Québec intervient déjà largement auprès des entreprises notamment avec ses lois du travail, de l'environnement ou de l'impôt. L'encadrement de la vente de nos grandes entreprises devrait définitivement faire l'objet d'une réflexion plus approfondie.

Doit-on y voir un signe de stagnation?

En conclusion, le secteur de la restauration connaît des années difficiles au Québec. Abondance de l'offre, stagnation des marchés, nouvelles tendances de consommation, compétition féroce et opération de plus en plus complexe sont certaines des problématiques qui affectent ce secteur clé de l'industrie touristique.

La croissance des revenus de nos grandes entreprises de restauration semble indéniablement passer par la transformation, la distribution et la vente au détail.

Voilà pourquoi CARA a fait l'acquisition de St-Hubert.

Source: Collaboration spéciale, Éric Fournier